Mathilde. Эжен Сю
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Mathilde - Эжен Сю страница 53

Название: Mathilde

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ pris la direction de sa fortune, et j'ai trouvé dans son vieux bureau de sapin noir un inventaire de soixante-trois mille sept cents livres de rentes en terres et en propriétés, et cela net d'impôts, madame, sans compter le matériel de deux fabriques où j'emploie cinq cents ouvriers qui ne peuvent pas suffire aux commandes… Voilà où j'en suis, madame.

      – Mais vous êtes dans une position magnifique, monsieur Sécherin! C'est tout simple, les honnêtes gens prospèrent toujours, et je suis sûre que ce sont ces biens d'émigrés dont nous parlions qui ont valu cette prospérité croissante à monsieur votre père.

      – Madame, – dit Ursule, qui était au supplice, – je crains que ces détails…

      – Allons donc, Ursule, ils m'intéressent au contraire beaucoup, ma chère enfant.

      – Sans doute, chère bellotte, mes petites affaires d'intérêt ne peuvent qu'intéresser infiniment notre bonne tante.

      – Monsieur Sécherin, toujours fidèle à mon système de franchise, – dit mademoiselle de Maran, – je vous ferai observer que chère bellotte, doit être réservé pour la plus douce et la plus secrète intimité: vous profanez le charme mystérieux de ces adorables expressions en les prodiguant ainsi.

      – Pourtant, madame, mon père appelait toujours ma mère chère bellotte, et ma mère l'appelait petit père ou gros loup.

      – Mais remarquez, mon bon monsieur Sécherin, que je n'incrimine pas en elles-mêmes les tendres et naïves expressions de chère bellotte, petit père, et même de gros loup, au contraire!! j'espère bien qu'Ursule, pieusement fidèle à ces touchantes traditions de votre famille, vous prodigue en secret ces noms si doux.

      – Ah çà! mais tu as donc dit à madame que tu m'appelais ton gros loup, toi? – s'écria M. Sécherin en se retournant vers Ursule et en frappant dans ses mains avec étonnement.

      – Vraiment!.. Ursule vous appelle déjà son gros loup, mon bon monsieur Sécherin? – s'écria ma tante.

      – Mais oui, madame, et elle ne met pas de mitaines pour cela, – continua M. Sécherin avec une orgueilleuse satisfaction.

      – Ah! madame, pouvez-vous croire!.. – s'écria Ursule, – et des larmes de honte et de confusion lui vinrent aux yeux.

      – Comment! – reprit M. Sécherin, – comment! tu ne te souviens pas que le surlendemain de notre mariage, lorsque je t'ai fait voir l'inventaire de notre fortune, je l'ai dit en t'embrassant: Tout cela est à toi et à ton gros loup! Et que tu m'as répondu en m'embrassant aussi: Oui, tout ça c'est à moi et à mon gros loup? Mais rappelle-toi donc bien, c'était dans la petite chambre verte qui me sert de cabinet.

      Il est impossible de se figurer la douleur, l'accablement d'Ursule, en entendant ces mots.

      J'étais navrée pour elle. Gontran souriait malgré lui; mademoiselle de Maran triomphait. Pourtant elle ne voulut pas trop prolonger cette scène, et reprit aussitôt:

      – Voulez-vous bien vous taire, monsieur Sécherin, vilain indiscret! Est-ce qu'on dit ces choses-là? On garde ces friands petits bonheurs-là pour soi tout seul; ce sont de ces petites félicités coquettes et mysticoquentieuses dont on se chafriole en secret et qu'on n'avoue pas! Ursule vous aurait mille et mille fois appelé son gros loup qu'elle se ferait plutôt tuer que de l'avouer, et elle aurait raison. Je vous répète que vous êtes un vilain indiscret. Ah! les hommes!.. les hommes!.. nous ne pouvons pas leur laisser lire dans notre cœur nos plus charmantes préférences, nous ne pouvons pas les leur témoigner par les noms les plus doux, sans qu'ils aillent tout de suite se vanter de cela de toutes leurs forces!

      – Eh bien! c'est vrai, madame, – dit M. Sécherin, – j'ai eu tort, vous avez raison, toujours raison; encore une leçon dont je profiterai. Je garderai bellotte et gros loup pour nous deux ma femme.

      – Et vous ferez bien. Mais parlez-moi donc de ces biens d'émigrés que monsieur votre père avait achetés lorsqu'il était petit marchand. Vous ne savez pas comme ça m'intéresse. Est-ce qu'ils étaient considérables, ces biens?

      – Oui, madame, ils avaient appartenu en partie à la famille de Rochegune avant la révolution; mais à la restauration, mon père les a revendus au vieux marquis.

      A ce nom, qui revenait si singulièrement et si souvent dans cette journée, ma tante fronça le sourcil.

      – Est-ce que M. de Rochegune a encore beaucoup de propriétés dans cette province, monsieur? – demanda Gontran.

      – Certainement, monsieur; il a toutes les propriétés de son père, comme il en a toutes les qualités… L'hospice des vieillards fondé par feu M. le marquis est à deux lieues de chez moi. Ah! madame, – ajouta M. Sécherin avec exaltation en se retournant vers ma tante, – quel bien feu M. le marquis faisait dans le pays!.. et avec cela si peu fier! Enfin, madame, figurez-vous que, tant qu'il restait à son château de Rochegune, il allait tous les dimanches à la messe de l'hospice des vieillards; après la messe il dînait à leur table, allait avec eux à vêpres, soupait encore avec eux et couchait dans leur dortoir: il faisait toujours cela une fois par semaine; ce n'est pas tout, il suivait jusqu'au cimetière le cercueil des pauvres qui mouraient. Voilà, madame, ce qui s'appelle faire du bien avec bonté… n'est-ce pas?

      – Oui, sans doute, – répondit ironiquement mademoiselle de Maran. – Aller manger dans la gamelle de ces vieux vagabonds, mais je trouve cette idée-là tout à fait réjouissante.

      – Ah! vous avez bien raison, madame, – reprit naïvement M. Sécherin; – ça leur réjouissait le cœur, à ces pauvres gens. Mais ce n'est encore rien que cela, madame.

      – Ah! mon Dieu! il y a quelque chose de plus pharamineux encore que cette communion de gamelle?

      – Oui, madame. Comme j'étais le plus fort manufacturier du pays, M. le marquis m'avait prié de commander de petits ouvrages à ces malheureux: ils les faisaient, mais Dieu sait comme! cela ne servait à rien, c'était de la matière première perdue que feu M. le marquis payait; non content de cela, il me remboursait les petites sommes que je donnais à ces pauvres vieux censément pour prix de leurs ouvrages, de façon qu'ils croyaient gagner par leur travail les douceurs qu'ils se procuraient ainsi…

      – Mais c'est que c'est, en effet, d'une superlative délicatesse! – s'écria mademoiselle de Maran, – et c'est bien raisonné surtout! car enfin, jugez donc! si ces messieurs les vagabonds étaient venus à s'apercevoir que ce M. de Rochegune se permettait de leur faire l'aumône en tout et pour tout, c'est qu'ils auraient pu se révolter au moins! joliment rabrouer cet impertinent marquis, et profiter d'une nuit où il serait venu coucher dans leur dortoir pour lui donner une bonne traversinade qu'il n'aurait pas volée.

      L'amertume avec laquelle mademoiselle de Maran raillait une action d'une délicatesse peut-être outrée, mais qui révélait du moins la plus touchante bonté, prouvait combien elle était piquée de voir donner à ses calomnies un si éclatant démenti.

      Gontran partageait mon émotion. Ursule, les yeux fixes, semblait profondément et douloureusement absorbée.

      M. de Lancry dit à M. Sécherin:

      – Je trouve aussi que la conduite de M. de Rochegune est admirable, monsieur; et l'hospice est-il toujours entretenu?

      – Toujours, monsieur, et M. le СКАЧАТЬ