Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 1. Baron Gaspard Gourgaud
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СКАЧАТЬ faire agir. Ses études ayant toutes été dirigées vers la métaphysique, il a les défauts des métaphysiciens, et dédaigne trop souvent les notions positives; mais il est capable de donner des avis utiles et lumineux dans les circonstances et dans les crises les plus sérieuses. C'est à lui que l'on doit la division de la France en départements, qui a détruit l'esprit de province. Quoiqu'il n'ait jamais occupé la tribune avec éclat, il a été utile au succès de la révolution par ses conseils dans les comités.

      Il avait été nommé directeur, lors de la création du directoire; mais, ayant refusé alors, Lareveillère le remplaça. Envoyé depuis en ambassade à Berlin, il puisa dans cette mission une grande défiance de la politique de la Prusse.

      Il siégeait depuis peu au directoire, mais il avait déja rendu de grands services, en s'opposant aux succès de la société du manège, qu'il voyait prête à saisir le timon de l'état. Il était en horreur à cette faction; et, sans craindre de s'attirer l'inimitié de ce puissant parti, il combattait avec courage les menées de ces hommes de sang, pour sauver la république du désastre dont elle était menacée.

      A l'époque du 13 vendémiaire, le trait suivant avait mis Napoléon à même de le bien juger. Dans le moment le plus critique de cette journée, lorsque le comité des quarante avait perdu la tête, Siéyes s'approcha de Napoléon, l'emmena dans une embrasure de croisée, pendant que le comité délibérait sur la réponse à faire à la sommation des sections. «Vous les entendez, général; ils parlent quand il faudrait agir: les corps ne valent rien pour diriger les armées, car ils ne connaissent pas le prix du temps et de l'occasion. Vous n'avez rien à faire ici: allez, général, prenez conseil de votre génie et de la position de la patrie: l'espérance de la république n'est qu'en vous.»

      § IV

      Napoléon accepta un dîner chez chaque directeur, sous la condition que ce serait en famille, et sans aucun étranger. Un repas d'apparat lui fut donné par le directoire. Le corps-législatif voulut suivre cet exemple: lorsque la proposition en fut faite au comité-général, il s'éleva une vive opposition; la minorité ne voulant rendre aucun hommage au général Moreau, que l'on proposait d'y associer; elle l'accusait de s'être mal conduit au 18 fructidor. La majorité eut recours, pour lever toute difficulté, à l'expédient d'ouvrir une souscription. Le festin fut donné dans l'église Saint-Sulpice; la table était de sept cents couverts. Napoléon y resta peu, y parut inquiet et fort préoccupé. Chaque ministre voulait lui donner une fête; il n'accepta qu'un dîner chez celui de la justice, qu'il estimait beaucoup: il desira que les principaux jurisconsultes de la république s'y trouvassent; il y fut fort gai, disserta longuement sur le code civil et criminel, au grand étonnement de Tronchet, de Treilhard, de Merlin, de Target, et exprima le desir qu'un code simple, et approprié aux lumières du siècle, régit les personnes et les propriétés de la république.

      Constant dans son systême, il goûta peu ces fêtes publiques, et adopta le même plan de conduite qu'il avait suivi à son premier retour d'Italie. Toujours vêtu de l'uniforme de membre de l'Institut, il ne se montrait en public qu'avec cette société: il n'admettait dans sa maison que les savants, les généraux de sa suite, et quelques amis; Regnault-de-Saint-Jean-d'Angély, qu'il avait employé en Italie, en 1797, et que depuis il avait placé à Malte; Volney, auteur d'un très-bon Voyage en Égypte; Rœdérer, dont il estimait les nobles sentiments et la probité; Lucien Bonaparte, un des orateurs les plus influents du conseil des cinq-cents: il avait soustrait la république au régime révolutionnaire, en s'opposant à la déclaration de la patrie en danger; Joseph Bonaparte, qui tenait une grande maison, et était fort accrédité.

      Il fréquentait l'Institut; mais il ne se rendait aux théâtres qu'aux moments où il n'y était pas attendu, et toujours dans des loges grillées.

      Cependant toute l'Europe retentissait de l'arrivée de Napoléon; toutes les troupes, les amis de la république, l'Italie même, se livraient aux plus hautes espérances: l'Angleterre et l'Autriche frémirent. La rage des Anglais se tourna contre Sidney-Smith et Nelson, qui commandaient les forces navales anglaises dans la Méditerranée. Un grand nombre de caricatures sur ce sujet tapissèrent les rues de Londres2.

      – Talleyrand craignait d'être mal reçu de Napoléon. Il avait été convenu avec le directoire et avec Talleyrand qu'aussitôt après le départ de l'expédition d'Égypte, des négociations seraient ouvertes sur son objet, avec la Porte. Talleyrand devait même être le négociateur, et partir pour Constantinople vingt-quatre heures après que l'expédition d'Égypte aurait quitté le port de Toulon.

      Cet engagement, formellement exigé, et positivement consenti, avait été mis en oubli; non-seulement Talleyrand était resté à Paris, mais aucune négociation n'avait eu lieu. Talleyrand ne supposait pas que Napoléon en eût perdu le souvenir; mais l'influence de la société du manège avait fait renvoyer ce ministre: sa position était une garantie; Napoléon ne le repoussa point. Talleyrand d'ailleurs employa toutes les ressources d'un esprit souple et insinuant, pour se concilier un suffrage qu'il lui importait de captiver.

      – Fouché était ministre de la police depuis plusieurs mois; il avait eu, après le 13 vendémiaire, quelques relations avec Napoléon, qui connaissait son immoralité et la versatilité de son esprit. Siéyes avait fait fermer le manège, sans sa participation. Napoléon fit le 18 brumaire, sans mettre Fouché dans le secret.

      – Réal, commissaire du directoire près le département de Paris, inspirait plus de confiance à Napoléon. Zélé pour la révolution, il avait été, dans un temps d'orages et de troubles, substitut du procureur de la commune de Paris. Son cœur était ardent, mais pénétré de sentiments nobles et généreux.

      § V

      Toutes les classes de citoyens, toutes les contrées de la France, attendaient avec une grande impatience ce que ferait Napoléon. De toutes parts on lui offrait des bras et une soumission entière à ses volontés.

      Napoléon passait son temps à écouter les propositions qui lui étaient faites, à observer tous les partis; et enfin à se bien pénétrer de la vraie situation des affaires. Tous les partis voulaient un changement, et tous le voulaient faire avec lui, même les coryphées du manège.

      Bernadotte, Augereau, Jourdan, Marbot, etc., qui étaient à la tête des meneurs de cette société, offrirent à Napoléon une dictature militaire, lui proposèrent de le reconnaître pour chef, et de lui confier les destinées de la république, pourvu qu'il secondât les principes de la société du manège.

      Siéyes, qui disposait au directoire de la voix de Roger-Ducos et de la majorité du conseil des anciens, et seulement d'une petite minorité dans celui des cinq-cents, lui proposait de le placer à la tête du gouvernement, en changeant la Constitution de l'an III, qu'il jugeait mauvaise, et d'adopter les institutions et la constitution qu'il avait méditées, et qui étaient encore dans son porte-feuille.

      Régnier, Boulay, un parti nombreux du conseil des anciens, et beaucoup de membres de celui des cinq-cents, voulaient aussi remettre entre ses mains le sort de la république.

      Ce parti était celui des modérés et des hommes les plus sages de la législature; c'est celui qui s'était opposé avec Lucien Bonaparte à la déclaration de la patrie en danger.

      Les directeurs Barras, Moulins, Gohier, lui insinuaient de reprendre le commandement de l'armée d'Italie, de rétablir la république cisalpine et la gloire des armes françaises. Moulins et Gohier n'avaient point d'arrière-pensée: ils étaient de bonne foi dans le système du moment; ils croyaient que tout irait bien, dès l'instant que Napoléon aurait donné de nouveaux succès à nos armées.

      Barras était loin de partager cette sécurité: СКАЧАТЬ



<p>2</p>

Dans l'une, on représentait Nelson s'amusant à draper lady Hamilton, pendant que la frégate la Muiron passait entre les jambes de l'amiral.