Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 1. Baron Gaspard Gourgaud
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СКАЧАТЬ avait porté chez lui les états de l'armée, et prenait ses conseils sur tout ce qu'il fallait faire, tant sur les frontières du Rhin qu'en Italie.

      – Moreau, qui avait été du dîner du conseil législatif, et que Napoléon avait vu là pour la première fois, ayant appris par le bruit public qu'il se préparait un changement, déclara à Napoléon qu'il se mettait à sa disposition, qu'il n'avait pas besoin d'être mis dans aucun secret, et qu'il ne fallait que le prévenir une heure d'avance.

      – Macdonald, qui se trouvait aussi à Paris, avait fait les mêmes offres de service.

      A deux heures du matin, Napoléon leur fit dire qu'il desirait les voir à sept heures chez lui et à cheval. Il ne prévint ni Augereau, ni Bernadotte; cependant Joseph amena ce dernier4.

      – Le général Lefèvre commandait la division militaire; il était tout dévoué au directoire. Napoléon lui envoya, à minuit, un aide-de-camp, pour lui dire de venir chez lui à six heures.

      § IX

      Tout se passa comme il avait été convenu. Sur les sept heures du matin, le conseil des anciens s'assembla sous la présidence de Lemercier. Cornudet, Lebrun, Fargues, peignirent vivement les malheurs de la république, les dangers dont elle était environnée, et la conspiration permanente des coryphées du manège pour rétablir le règne de la terreur. Régnier, député de la Meurthe, demanda, par motion d'ordre, qu'en conséquence de l'article 102 de la constitution, le siège des séances du corps-législatif fût transféré à Saint-Cloud, et que Napoléon fût investi du commandement en chef des troupes de la 17e division militaire, et chargé de faire exécuter cette translation. Il développa alors sa motion: «La république est menacée, dit-il, par les anarchistes et le parti de l'étranger: il faut prendre des mesures de salut public; on est assuré de l'appui du général Bonaparte; ce sera à l'ombre de son bras protecteur, que les conseils pourront délibérer sur les changements que nécessite l'intérêt public.» Aussitôt que la majorité du conseil se fut assurée que cela était d'accord avec Napoléon, le décret passa, mais non sans une forte opposition. Il était conçu en ces termes:

Décret du conseil des anciens

      Le conseil des anciens, en vertu des articles 102, 103 et 104, de la constitution, décrète ce qui suit:

      Art. 1er Le corps législatif est transféré à Saint-Cloud; les deux conseils y siégeront dans les deux ailes du palais.

      2. Ils y seront rendus demain, 19 brumaire, à midi; toute continuation de fonctions, de délibérations, est interdite ailleurs et avant ce terme.

      3. Le général Bonaparte est chargé de l'exécution du présent décret. Il prendra toutes les mesures nécessaires pour la sûreté de la représentation nationale. Le général commandant la 17e division militaire, les gardes du corps-législatif, les gardes nationales sédentaires, les troupes de ligne qui se trouvent dans la commune de Paris, et dans toute l'étendue de la 17e division militaire, sont mis immédiatement sous ses ordres, et tenus de le reconnaître en cette qualité; tous les citoyens lui prêteront main-forte à sa première réquisition.

      4. Le général Bonaparte est appelé dans le sein du conseil pour y recevoir une expédition du présent décret, et prêter serment; il se concertera avec les commissions des inspecteurs des deux conseils.

      5. Le présent décret sera de suite transmis par un messager au conseil des cinq-cents, et au directoire exécutif; il sera imprimé, affiché, promulgué, et envoyé dans toutes les communes de la république par des courriers extraordinaires.

      Ce décret fut rendu à huit heures; et à huit heures et demie, le messager d'état qui en était porteur arriva au logement de Napoléon. Il trouva les avenues remplies d'officiers de la garnison; d'adjudants de la garde nationale, de généraux, et des trois régiments de cavalerie. Napoléon fit ouvrir les battants des portes; et sa maison étant trop petite pour contenir tant de personnes, il s'avança sur le perron, reçut les compliments des officiers, les harangua, et leur dit qu'il comptait sur eux tous pour sauver la France. En même temps, il leur fit connaître que le conseil des anciens, autorisé par la constitution, venait de le revêtir du commandement de toutes les troupes; qu'il s'agissait de prendre de grandes mesures, pour tirer la patrie de la position affreuse où elle se trouvait; qu'il comptait sur leurs bras et leur volonté; qu'il allait monter à cheval, pour se rendre aux Tuileries. L'enthousiasme fût extrême: tous les officiers tirèrent leurs épées, et promirent assistance et fidélité. Alors Napoléon se tourna vers Lefèvre, lui demandant s'il voulait rester près de lui, ou retourner près du directoire. Lefèvre, fortement ému, ne balança pas. Napoléon monta aussitôt à cheval, et se mit à la tête des généraux et officiers, et des 1,500 chevaux auxquels il avait fait faire halte sur le boulevard, au coin de la rue du Mont-Blanc. Il donna ordre aux adjudants de la garde nationale de retourner dans leurs quartiers, d'y faire battre la générale, de faire connaître le décret qu'ils venaient d'entendre, et d'annoncer qu'on ne devait plus reconnaître que les ordres émanés de lui.

      § X

      Il se rendit à la barre du conseil des anciens, environné de ce brillant cortège. Il dit: «Vous êtes la sagesse de la nation, c'est à vous d'indiquer dans cette circonstance les mesures qui peuvent sauver la patrie: je viens, environné de tous les généraux, vous promettre l'appui de tous leurs bras. Je nomme le général Lefèvre mon lieutenant.

      «Je remplirai fidèlement la mission que vous m'avez confiée: qu'on ne cherche pas dans le passé des exemples sur ce qui se passe. Rien dans l'histoire ne ressemble à la fin du XVIIIe siècle; rien dans le XVIIIe siècle ne ressemble au moment actuel.»

      Toutes les troupes étaient réunies aux Tuileries; il en passa la revue aux acclamations unanimes des citoyens et des soldats. Il donna le commandement des troupes chargées de la garde du corps-législatif, au général Lannes; et au général Murat, le commandement de celles envoyées à Saint-Cloud.

      Il chargea le général Moreau de garder le Luxembourg; et, pour cet effet, il mit sous ses ordres 500 hommes du 86e régiment. Mais, au moment de partir, ces troupes refusèrent d'obéir, elles n'avaient pas de confiance en Moreau, qui, disaient-elles, n'était pas patriote. Napoléon fut obligé de les haranguer, en les assurant que Moreau marcherait droit. Moreau avait acquis cette réputation depuis sa conduite en fructidor.

      Le bruit se répandit bientôt dans toute la capitale, que Napoléon était aux Tuileries, et que ce n'était qu'à lui seul qu'il fallait obéir. Le peuple y courut en foule: les uns, mus par la simple curiosité de voir un général si renommé, les autres, par élan patriotique et par zèle, pour lui offrir leur assistance. La proclamation suivante fut affichée partout.

      «Citoyens, le conseil des anciens, dépositaire de la sagesse nationale, vient de rendre un décret; il y est autorisé par les articles 102 et 103 de l'acte constitutionnel: il me charge de prendre des mesures pour la sûreté de la représentation nationale. Sa translation est nécessaire et momentanée; le corps-législatif se trouvera à même de tirer la république du danger imminent où la désorganisation de toutes les parties de l'administration nous conduit. Il a besoin, dans cette circonstance essentielle, de l'union et de la confiance. Ralliez-vous autour de lui: c'est le seul moyen d'asseoir la république sur les bases de la liberté civile, du bonheur intérieur, de la victoire, et de la paix.»

      Il dit aux soldats:

      «Soldats, le décret extraordinaire du conseil des anciens, est conforme aux articles 102 et 103 de l'acte constitutionnel. Il m'a remis le commandement de la ville et de l'armée. Je l'ai accepté pour seconder les mesures qu'il va СКАЧАТЬ



<p>4</p>

Lorsque Napoléon se rendait au conseil des anciens, Bernadotte, au lieu de suivre le cortège, s'esquiva et fut se joindre à la faction du manège.