Название: Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 1
Автор: Baron Gaspard Gourgaud
Издательство: Public Domain
Жанр: История
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Dugommier et le commandant d'artillerie se rient de ces craintes: deux colonnes sont formées, et l'on marche à l'ennemi.
Les coalisés, pour éviter l'effet des bombes et des boulets qui foudroyaient le fort, avaient l'habitude de se tenir à une certaine distance en arrière. Les Français espéraient arriver aux ouvrages avant eux; mais les ennemis avaient établi en avant du fort une nombreuse ligne de tirailleurs, et la fusillade s'étant engagée au pied même de la montagne, les troupes accoururent à la défense du fort, dont le feu devint des plus vifs. La mitraille pleuvait partout. Enfin, après une attaque extrêmement chaude, Dugommier qui, selon sa coutume, marchait à la tête de la 1re colonne, fut obligé de céder. Désolé, il s'écrie, Je suis perdu.
En effet, dans ces temps, il fallait des succès: l'échafaud attendait le général malheureux.
Cependant la canonnade et la fusillade duraient toujours. Muiron, capitaine d'artillerie, jeune homme plein de bravoure et de moyens, et qui était l'adjoint du commandant d'artillerie, est détaché avec un bataillon de chasseurs et soutenu par la 2e colonne qui le suit à portée de fusil. Il connaissait parfaitement la position, et il profita si bien des sinuosités du terrain, qu'il gravit la montagne avec sa troupe, sans presque éprouver de perte: il débouche au pied du fort, s'élance par une embrasure; son bataillon le suit, et le fort est pris!
Tous les canonniers anglais ou espagnols sont tués sur leurs pièces, et Muiron est blessé grièvement d'un coup de pique par un Anglais.
Maîtres du fort, les Français tournent aussitôt les pièces contre l'ennemi.
Dugommier était déja depuis trois heures dans la redoute, lorsque les représentants du peuple vinrent, le sabre à la main, combler d'éloges les troupes qui l'occupaient. (Ceci dément positivement les relations du temps, qui, à tort, disent que les représentants marchaient à la tête des colonnes.)
A la pointe du jour, on marcha sur Balagnier et l'Éguillette. Les ennemis avaient déja évacué ces deux positions. Les pièces de 24 et les mortiers furent mis en mouvement, pour armer ces batteries d'où l'on espérait canonner la flotte combinée avant midi; mais le commandant d'artillerie jugea impossible de s'y établir. Elles étaient en pierre, et les ingénieurs qui les avaient construites avaient commis la faute de placer à leur gorge une grosse tour en maçonnerie, si près des plates-formes que tous les boulets qui l'auraient frappée seraient retombés sur les canonniers ainsi que les éclats et les débris. On plaça des bouches à feu sur les hauteurs, derrière les batteries. Elles ne purent commencer leur feu que le lendemain; mais l'amiral Anglais Hood n'eut pas plutôt vu les Français maîtres de ces positions, qu'il fit le signal de lever l'ancre et de quitter les rades.
Cet amiral se rendit à Toulon, pour faire connaître qu'il ne fallait pas perdre un moment et gagner au plutôt la haute mer. Le temps était sombre, couvert de nuages, et tout annonçait l'arrivée prochaine du vent d'Olliibech, terrible dans cette saison. Le conseil des coalisés se réunit aussitôt, et, après une mûre délibération, les membres tombèrent d'accord que Toulon n'était plus tenable. On se hâta de prendre toutes les mesures, tant pour l'embarquement que pour brûler ou couler les vaisseaux français qu'on ne pouvait pas emmener, et incendier les établissements de la marine. Enfin, on prévint les habitants que tous ceux qui voudraient quitter la ville pourraient s'embarquer à bord des flottes anglaise et espagnole.
A l'annonce de ce désastre, on se peindrait difficilement l'étonnement, la confusion, le désordre de la garnison et de cette malheureuse population, qui, peu d'heures auparavant, en considérant la grande distance où les assiégeants étaient de la place, le peu de progrès du siège depuis quatre mois, et l'arrivée prochaine des renforts, s'attendaient à faire lever le siège et même à envahir la Provence.
Dans la nuit les Anglais firent sauter le fort Poné; une heure après, on vit en feu une partie de l'escadre française; neuf vaisseaux de 74 et quatre frégates ou corvettes devinrent la proie des flammes.
Le tourbillon de flammes et de fumée qui sortait de l'arsenal, ressemblait à l'éruption d'un volcan, et les treize vaisseaux qui brûlaient dans la rade, à treize magnifiques feux d'artifice. Le feu dessinait les mâts et la forme des vaisseaux; il dura plusieurs heures et présentait un spectacle unique. Les Français avaient l'ame déchirée en voyant se consumer, en si peu de temps, d'aussi grandes ressources et tant de richesses. On craignit un instant que les Anglais ne fissent sauter le fort la Malgue. Il paraît qu'ils n'en ont point eu le temps.
Le commandant de l'artillerie se rendit à Malbosquet. Ce fort était déja évacué. Il fit venir l'artillerie de campagne, pour balayer sur-le-champ les remparts de la place, et accroître le désordre en jetant des obus sur le port, jusqu'à ce que les mortiers qui arrivaient sur leurs caissons, fussent mis en batterie et pussent envoyer des bombes dans la même direction.
Le général Lapoype, de son côté, se porta contre le fort Pharaon que l'ennemi évacuait, et s'en empara. Pendant tout ce temps les batteries de l'Éguillette et de Balagnier ne cessaient de faire un feu des plus vifs sur la rade. Plusieurs vaisseaux anglais éprouvèrent de notables avaries, et un assez grand nombre d'embarcations chargées de troupes furent coulées. Les batteries tirèrent toute la nuit, et à la pointe du jour on distingua la flotte anglaise hors la rade. Sur les neuf heures du matin, il s'éleva un très-grand vent d'Olliibech; les vaisseaux anglais furent obligés de chercher un refuge aux îles d'Hyères.
Plusieurs milliers de familles toulonnaises avaient suivi les Anglais, de sorte que les tribunaux révolutionnaires ne trouvèrent que peu de coupables dans la ville: tous les principaux en étaient partis. Néanmoins, dans la première quinzaine, plus de cent malheureux furent fusillés.
Depuis, des ordres de la convention arrivèrent pour démolir les maisons de Toulon; l'absurdité de cette mesure n'en arrêta pas l'exécution: on en démolit plusieurs qu'on fut obligé de rebâtir après.
Pendant le siège de Toulon, l'armée d'Italie avait été attaquée sur le Var. Les Piémontais avaient voulu essayer d'entrer en Provence: ils s'étaient approchés d'Entrevaux; mais, ayant été battus à Gillette, ils se mirent en retraite et rentrèrent dans leurs lignes.
La nouvelle de la prise de Toulon fit d'autant plus d'effet en Provence et dans toute la France, qu'elle était inattendue et presque inespérée.
Ce fut là que commença la réputation de Napoléon. Il fut alors fait général de brigade d'artillerie, et nommé au commandement de cette arme à l'armée d'Italie. Le général Dugommier venait d'être nommé commandant en chef de l'armée des Pyrénées-Orientales.
§ VI
Avant de se rendre à l'armée d'Italie, Napoléon arma les côtes de la Provence et les îles d'Hyères, aussitôt après leur évacuation par les Anglais.
On n'a en France aucun principe fixe sur l'armement des côtes. Ce qui donne lieu à des discussions perpétuelles, entre les officiers d'artillerie et les autorités locales; celles-ci en voudraient partout, les officiers d'artillerie en voudraient trop peu.
Il n'y a pas de règles certaines sur le tracé des batteries de côtes. On établit des magasins à poudre et des corps-de-garde dans de mauvaises positions; ils sont souvent mal construits, quoique coûtant beaucoup, exigent de fréquentes réparations, sont inutiles à la défense, et ne durent qu'une ou deux campagnes. On construit des fourneaux à reverbère, on établit des grils à rougir les boulets, sans discernement; on les place dans des positions où, pendant le feu, il est impossible aux canonniers de les approcher СКАЧАТЬ