Chroniques de J. Froissart, Tome Premier, 1re partie. Froissart Jean
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СКАЧАТЬ marqué avec tant de force dans le prologue de la première rédaction, toute l'étendue de ses obligations envers Jean le Bel, qu'il a cru sans doute pouvoir se dispenser d'y revenir dans le cours de cette rédaction: «… je me vueil fonder et ordonner sur les vraies chroniques jadis faites et rassemblées par venerable homme et discret monseigneur Jehan le Bel, chanoine de Saint Lambert du Liége, qui grant cure et toute bonne diligence mist en ceste matière et la continua tout son vivant au plus justement qu'il pot, et moult lui cousta à acquerre et à l'avoir. Mais quelque fraiz qu'il y eust ne fist, riens ne plaingny, car il estoit riches et puissans, si les povoit bien porter, et de soy mesme larges, honnourables et courtois, et qui le sien voulentiers despendoit106

      Combien est différent le langage que tient l'auteur des Chroniques dans la seconde rédaction! Au lieu du bel éloge qu'on vient de lire, c'est à peine s'il accorde ici à son prédécesseur une mention de deux lignes dont la sécheresse a quelque chose d'un peu dédaigneux: «Voirs est que messires Jehans li Biaux, jadis canonnes de Saint Lambert de Liège, en croniza à son temps auqune cose107.» Froissart fait ensuite ressortir avec une insistance marquée tout ce qu'il lui en a coûté pour donner à son œuvre un caractère original: «Or ay je che livre et ceste histoire augmenté par juste enqueste que j'en ay fait en travaillant par le monde et en demandant as vaillans hommes, chevaliers et escuyers, qui les ont aidiés à acroistre, le verité des avenues, et ossi à aucuns rois d'armes et leurs mareschaus, tant en Franche comme en Engleterre où j'ay travillié apriès yaux pour avoir la verité de la matère… mout de paine et de travail en euch en pluiseurs mannierres ainchois que je l'euisse compillé ne acompli, tant que de le labeur de ma teste et de l'exil de mon corps; mais touttes coses se acomplissent par plaisance et le bonne dilligence que on y a, ensi comme il apparra avant en cest livre.»

      CHAPITRE III.

      DE LA TROISIÈME RÉDACTION; – MANUSCRIT UNIQUE DE LA BIBLIOTHÈQUE DU VATICAN; – CARACTÈRES DISTINCTIFS DE LA TROISIÈME RÉDACTION

      La troisième rédaction n'est représentée que par un manuscrit unique conservé aujourd'hui à la bibliothèque du Vatican et qui dans nos variantes est toujours désigné sous la rubrique: Ms. de Rome.

      Cette troisième rédaction ne comprend que le tiers environ du premier livre; et le récit s'arrête à la mort de Philippe de Valois en 1350. Il est vrai que la phrase tronquée: les trieuves est, qui termine le manuscrit de Rome, indique qu'il ne nous est pas parvenu dans son entier; mais trois feuillets seulement en ont été retranchés, comme le prouve la souche encore très-apparente de ces feuillets: il faut en conclure que le manuscrit de Rome n'a jamais dépassé l'étendue qu'il avait avant la mutilation des trois derniers feuillets.

      On a prétendu que le manuscrit de Rome, dont l'écriture est de la première moitié du quinzième siècle, avait appartenu à Jean de Moreuil; malheureusement c'est une pure hypothèse qui ne s'appuie sur aucune preuve solide. Il n'en est pas moins vrai que ce manuscrit offre tous les caractères intrinsèques et extrinsèques d'authenticité. Un certain nombre de notes marginales, dont l'écriture semble presque aussi ancienne que celle du texte, présentent les caractères du dialecte wallon le plus prononcé108: on est ainsi fondé à croire que le manuscrit de Rome a d'abord appartenu à quelque habitant du pays où est mort Froissart.

      De plus, le texte lui-même a gardé dans maint passage l'empreinte de ce dialecte wallon qui caractérise, comme nous l'avons dit, les manuscrits les meilleurs, les plus anciens, les plus authentiques des deux premiers livres des chroniques. Comme cette empreinte a généralement disparu dans les deux éditions successives données par le savant M. Kervyn, à qui revient du reste l'honneur insigne d'avoir appelé le premier l'attention sur le manuscrit de Rome, on me permettra d'appuyer par plusieurs citations une assertion aussi importante que nouvelle: le carge109, —le ost110, —le porte111, – il vinrent devant la ville de Bristo, qui est forte assés; si le assegièrent112, – la barge par ceuls meismes qui le menoient… fu ramenée113, —le propre anée114. Un autre trait caractéristique qui dénote aussi l'origine wallonne du texte de Rome, c'est la fidélité remarquable avec laquelle la distinction du cas sujet et du cas régime est souvent observée dans un manuscrit qui ne date pourtant, comme nous le verrons tout à l'heure, que des premières années du quinzième siècle. On peut citer tel passage où li abbes du nominatif latin ábbas est employé au sujet, et l'abbet ou l'abbé, formé sur l'accusatif abbátem , au régime; il n'y a dans la page et pour le mot dont il s'agit qu'une infraction à la règle, et encore elle est douteuse115.

      L'examen du texte lui-même se joint aux caractères extrinsèques du manuscrit de Rome pour établir la parfaite authenticité de la troisième rédaction. Froissart s'y met plus d'une fois en scène. Lorsqu'il raconte que Jean Chandos fut fait chevalier de la main d'Édouard III à Buironfosse, le chroniqueur n'oublie pas d'ajouter qu'il tient ce détail de Chandos lui même116. Ailleurs, il évoque le souvenir de son voyage d'Écosse en 1365 qui dura trois mois117; il parle du séjour qu'il fit au mois de septembre 1366 au château de Berkeley118 et de ses excursions à travers l'Angleterre en compagnie d'Édouard Spenser: «Et pluisseurs fois avint que, quant je cevauchoie sus le pais avoecques lui, car les terres et revenues des barons d'Engleterre sont par places et moult esparses, il m'appelloit et me dissoit: «Froissart, veés vous celle grande ville à ce haut clochier?» – Je respondoie: «Monsigneur, oil: pourquoi le dittes vous?» – «Je le di pour ce: elle deuist estre mienne, mais il i ot une male roine en ce pais, qui tout nous tolli119.» De même qu'Édouard Spenser reconnaissait de loin les domaines confisqués sur sa famille à la hauteur de certains clochers, qui ne reconnaîtrait à ce dialogue vif et pittoresque le prince des chroniqueurs, sire120 Jean Froissart?

      A quelle date a été composée la troisième rédaction? Il suffit, pour trouver la réponse à cette question, de lire, entre beaucoup d'autres, le passage suivant relatif à la belle Jeanne de Kent, femme du Prince Noir et mère de l'infortuné Richard II: «Celle jone damoiselle de Qent estoit cousine germainne dou roi Edouwart d'Engleterre; et fu en son temps la plus belle dame de tout le roiaulme d'Engleterre et la plus amoureuse; mais TOUTE sa generation vint à povre conclusion par les fortunes de ce monde qui sont moult diversez, ensi que vous orés recorder avant en l'istore121.» Ces lignes renferment une allusion évidente à la fin malheureuse de Richard II et sont par conséquent postérieures à l'année 1400, date de la mort de ce prince.

      C'est ici l'occasion de signaler le trait caractéristique qui distingue, au point de vue historique, la troisième rédaction de celles qui l'ont précédée. Il est impossible de lire cette rédaction sans être frappé de la gravité, de la sévérité inaccoutumées, quoique souvent justes et parfois profondes, des réflexions de Froissart sur le caractère et les institutions du peuple anglais; et comme les événements relatifs à l'Angleterre tiennent une très-grande place dans le premier livre, le récit des faits déjà racontés dans les première et seconde rédactions revêt dans la troisième, sous l'influence que nous indiquons, une physionomie toute nouvelle. «Englès, dit quelque part le chroniqueur, sueffrent bien un temps, maiz en la fin il paient si crueusement que on s'i puet bien exempliier, ne on ne puet jeuer à eulz. Et se lieuve et couce uns sires СКАЧАТЬ



<p>106</p>

P. 210.

<p>107</p>

P. 209.

<p>108</p>

On lit: «le roine», fo 5 ro; «le fille», fo 21 vo; «le bataille de Cassiel», fo 25 vo; «le mort dou conte», fo 26 ro; «le chevallerie dou conte Guillaume», fo 40 ro; «le bataille de Gagant», fo 41 ro, «le bataille de Crechy», fo 117 vo.

<p>109</p>

P. 234 de ce volume.

<p>110</p>

P. 236.

<p>111</p>

P. 239.

<p>112</p>

P. 243.

<p>113</p>

P. 245.

<p>114</p>

P. 247.

<p>115</p>

P. 239 et 240.

<p>116</p>

P. 471.

<p>117</p>

P. 269.

<p>118</p>

P. 247.

<p>119</p>

P. 257.

<p>120</p>

Froissart se donne à la fin du prologue de la première rédaction revisée (voyez p. 7) le titre de sire; il semble toutefois reconnaître implicitement qu'il n'y avait pas droit, car il ajoute aussitôt ce correctif: qui tant me voet honnerer. On sait en effet que la qualification de sire ou messire, appliquée parfois aux clercs à titre gracieux, était plus particulièrement réservée aux gentilshommes; mais il y a une noblesse innée, personnelle, qui s'impose en dépit de toutes les conventions sociales: qui posséda jamais cette noblesse à un plus haut degré que le chroniqueur de Valenciennes?

<p>121</p>

P. 304.