Chroniques de J. Froissart, Tome Premier, 1re partie. Froissart Jean
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Chroniques de J. Froissart, Tome Premier, 1re partie - Froissart Jean страница 11

СКАЧАТЬ à Jean le Bel, ne l'a pas reproduit dans la seconde.

      Si l'explication de nos contradicteurs était fondée, la ressemblance plus grande, la parenté plus étroite qu'ils signalent entre la chronique de Jean le Bel et la rédaction d'Amiens, au lieu de se borner à un assez petit nombre d'événements postérieurs à 1345, devrait s'étendre aussi à la période qui précède cette date, mais il n'en est rien. Au contraire, avant 1346 la seconde rédaction est beaucoup plus originale, elle fait des emprunts moins fréquents et surtout moins serviles à Jean le Bel que la première. A la différence de celle-ci qui n'est souvent que la copie littérale du texte du chanoine de Liége, l'auteur de la seconde ne reproduit presque jamais un passage du modèle sans l'écourter ou bien sans le critiquer et surtout sans noyer l'emprunt au milieu d'additions originales plus ou moins importantes qui parfois ne s'accordent pas avec ce qui est de provenance étrangère.

      Toutefois, le caractère distinctif, essentiel de cette dernière rédaction, c'est la quantité, l'étendue, l'importance des développements absolument originaux qu'on y rencontre et dont il n'y a pas la moindre trace dans la rédaction antérieure. C'est là le fait capital qu'il importe de mettre dans tout son jour et de bien établir, parce qu'il est de nature à répandre la plus vive lumière sur la date respective des deux rédactions.

      On pourra mesurer en quelque sorte l'importance des additions originales qui appartiennent en propre à la seconde rédaction par un rapprochement matériel, par un simple coup d'œil jeté sur ce premier volume. On a adopté pour le texte, comme il a été dit plus haut, la première rédaction, et l'on a renvoyé en appendice à la fin de chaque volume les parties ajoutées dans les seconde et troisième rédactions en y joignant, pour simplifier le travail du lecteur, les variantes extraites des divers manuscrits de la première rédaction. D'où il suit que, si l'on excepte ces dernières variantes qui sont très-courtes et ne portent que sur des mots ou des membres de phrase, l'énorme appendice du présent volume, par exemple, se compose tout entier d'additions originales tirées soit de la seconde, soit de la troisième rédaction. Or, le tiers environ de cet appendice est fourni par les manuscrits d'Amiens et de Valenciennes, c'est-à-dire par la seconde rédaction.

      La narration des campagnes d'Écosse de 1333 à 1336, qui ne forme dans la première rédaction que quatre paragraphes très-courts96, ne remplit pas moins de trente pages dans la seconde97. Le long épisode de la guerre de Gascogne en 1338 et 1339, qui semble être l'œuvre tout à fait personnelle de Froissart et occupe onze pages de nos variantes98, ne se trouve que dans la seconde rédaction.

      Le récit relatif à l'élévation de Jacques d'Arteveld et à la révolte des Flamands, offre en petit une image exacte de la manière différente dont Froissart a procédé dans ses trois rédactions. Dans la première il se contente de reproduire littéralement le texte de Jean le Bel, sans y rien ajouter, sans en rien retrancher99. Dans la seconde, il conserve encore la version hostile et partiale du chanoine de Liége100, mais il y ajoute d'importants développements101 où les causes économiques des troubles de Flandre sont exposées avec plus d'impartialité, une profonde intelligence politique, une ampleur vraiment magistrale. Enfin dans la troisième rédaction, le chanoine de Chimay supprime définitivement le passage emprunté à Jean le Bel pour y substituer des détails entièrement originaux et une appréciation vraiment personnelle; il y appelle Jacques d'Arteveld «hauster homme, sage et soutil durement102

      Froissart mentionne à plusieurs reprises Jean le Bel dans la seconde rédaction, et l'on a voulu voir dans ces mentions répétées, qui font défaut dans la première, un indice des obligations plus étroites que l'auteur de la seconde aurait eues envers le chanoine de Liége. Comment n'a-t-on pas vu que dans les passages dont il s'agit, le chroniqueur de Valenciennes n'a d'autre but que de constater les additions, les développements, les corrections qu'il a apportées au texte de son devancier? Au sujet du siége de Tournai, par exemple, où la seconde rédaction s'est enrichie d'une foule de détails qu'on chercherait en vain dans Jean le Bel et dans la première rédaction, Froissart n'oublie pas de prendre acte de cette addition: «Si comme je vous recorde, che siège durant devant Tournay, avinrent pluisseurs avenues et grans fès d'armes tant en France comme en Gascoingne et en Escoche, qui ne sont mie à oubliier, car ainssi l'ai je proummis à messires et mestres ou coummenchement de mon livre que tous les biaux fès d'armes dont j'ai le memore et le juste infourmation je les remeteray avant, jà soit ce que messires Jehans li Biaux, en ses cronikes, n'en fait mies de tous mention. Mès ungs homs ne puet mies tout scavoir, car ces gerres estoient si grandes et si dures et si enrachinées de tous costés que on y a tantost oubliiet quelque cose, qui n'y prent songneusement garde103

      Le récit de la guerre de Bretagne, où Charles de Blois et Louis de Châtillon, le premier oncle, et le second père du comte de Blois, jouèrent un rôle si considérable, est infiniment plus complet dans la seconde rédaction que dans la première, à plus forte raison que dans la chronique de Jean le Bel. Aussi Froissart n'éprouve-t-il aucun embarras à rappeler que le point de départ de son propre travail a été l'essai du chanoine de Liége; on dirait qu'il cherche à provoquer une comparaison qui ne peut que lui être favorable. «Pluiseur gongleour et enchanteour en place ont chanté et rimet lez guerres de Bretagne et corromput par leurs chançons et rimes controuvées le juste et vraie histoire, dont trop en desplaist à monsseigneur Jehan le Biel, qui le commencha à mettre en prose et en cronique et à moy sire Jehan Froissart qui loyaument et justement l'ay poursuiwi à mon pooir, car leurs rimmes et leurs canchons controuvees n'ataindent en riens la vraie matère, mès velle ci comme nous l'avons faite et rachievée par le grande dilligensce que nous y avons rendut, car on n'a riens sans fret et sans penne. Jou sire Jehans Froissars, dairains venus depuis monsseigneur Jehan le Bel en cel ouvraige, ai ge allé et cherchiet le plus grant partie de Bretaingne, et enquis et demandé as seigneurs et as hiraux les gerrez, les prises, les assaux, les envaies, les batailles, les rescousses et tous les biaux fès d'armes qui y sont avenut, mouvant sur l'an de grasse mil CCCXL, poursieuwans jusquez à le dairainne datte de ce livre, tant à la requeste de mes dis seigneurs et à ses fraix que pour me plaisance acomplir et moy fonder sus title de verité, et dont j'ay estet grandement recompenssé104

      Tout le monde connaît le fameux épisode des amours d'Édouard III et de la comtesse de Salisbury, et l'on sait maintenant qu'il est emprunté textuellement à Jean le Bel. Froissart a supprimé seulement ce qui est relatif au viol de la comtesse par le roi d'Angleterre. Il est vrai que notre chroniqueur n'en nomme pas moins le chanoine de Liége dans la seconde rédaction, mais il ne le nomme que pour le critiquer et le redresser. D'ailleurs, par les détails tout nouveaux qui embellissent ici le récit primitif, notamment par la délicieuse partie d'échecs, Froissart a trouvé le moyen de surpasser un modèle qu'on eût pu croire inimitable: il peut donc cette fois évoquer le souvenir de son devancier sans que son originalité ait rien à souffrir, sa gloire rien à redouter du parallèle. «… voirs est que messire Jehans li Biaux maintient par ses cronickes que li roys englès assés villainement usa de ceste damme et eult, ce dist, ses vollentez si comme par forche: dont je vous di, se Dieux m'aït, que j'ai moult repairiet et converssé en Engleterre, en l'ostel dou roy principaument et des grans seigneurs de celui pays, mès oncques je n'en oy parler en nul villain cas105

      La conclusion à tirer de ces citations, c'est que si l'auteur des Chroniques mentionne plus souvent Jean le Bel dans la seconde rédaction, ce n'est point parce qu'il a plus d'obligations au chanoine de Liége dans cette rédaction que dans les autres, c'est, au contraire, parce qu'il y est plus original que dans la première, et se croit, par conséquent, plus en état de soutenir avantageusement la СКАЧАТЬ



<p>96</p>

P. 103 à 114.

<p>97</p>

P. 313 à 315, 316 à 319, 321, 322, 329 à 336, 341 à 352.

<p>98</p>

P. 377 à 388.

<p>99</p>

P. 126 à 129.

<p>100</p>

P. 395 et 396.

<p>101</p>

P. 388 à 393.

<p>102</p>

P. 394 et 395.

<p>103</p>

Ms. d'Amiens, fo 46 vo.

<p>104</p>

Ms. d'Amiens, fo 52.

<p>105</p>

Ms. d'Amiens, fo 83 vo.