Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ est triste.

      Valençay, 4 septembre 1836.– On nous écrit, de Paris, chaque jour, mais sans annoncer encore de solution. Hier, je croyais à un replâtrage; j'y crois moins aujourd'hui. Il se pourrait même que le voyage de Fontainebleau eût lieu avant la recomposition du Cabinet. M. Thiers voudrait partir pour l'Italie; le Roi dit, à cela, qu'il n'aura accepté sa démission que lorsqu'il lui aura nommé un successeur. Les chances Molé et Guizot paraissaient épuisées, sans avoir abouti!

      Valençay, 7 septembre 1836.– On nous mande que le Moniteur d'aujourd'hui contiendra un ministère Guizot-Molé, le reste uniquement recruté parmi les Doctrinaires, sous l'influence et par l'exigence de M. Guizot. J'ai reçu hier une lettre de M. Thiers. Je suis peinée d'y voir une certaine humeur contre tous ceux qui n'ont pas partagé ses idées sur cette vilaine Espagne. Il trouve, surtout, que les signataires de la Quadruple Alliance devaient être dans ses idées. Ceci s'adresse à M. de Talleyrand, qui veut répliquer que, si on relit le traité, on verra que, du côté de la France, il a été rédigé de façon que celle-ci ne soit obligée à rien. M. Guizot ayant persisté à ne pas vouloir que M. de Montalivet conservât le ministère de l'Intérieur, et celui-ci ne trouvant pas de sa dignité de quitter ce Ministère pour en accepter un autre, comme le proposait M. Guizot, il se retire, au grand regret du Roi. Il va venir en Berry où il a des terres. Sauzet et d'Argout, vont, dit-on, en Italie, jadis lieu de retraite des souverains détrônés, maintenant promenade obligée des ex-ministres.

      Voici un fait certain: le 4 de ce mois, il y a eu des avis que la Société des familles, la plus nombreuse et la mieux organisée, maintenant, des sociétés secrètes, voulait faire quelque tentative pour troubler l'ordre. Leur intention n'était même pas douteuse; mais la crainte, sans doute, d'être découverts les a empêchés d'aller jusqu'à un commencement d'exécution. On devait se porter à la prison des détenus politiques, les mettre en liberté, s'emparer ensuite de la Préfecture de police, et, de là, se porter sur Neuilly. Les Ministres assurent que c'était très sérieux.

      Valençay, 9 septembre 1836.– Les journaux déclarent déjà, au nouveau Ministère50, une guerre terrible qui se jugera devant les Chambres. Les journaux de l'opposition prédisent une rupture du Cabinet, qui, en effet, n'est pas hors de vraisemblance. On verrait peut-être alors M. Thiers revenir aux affaires, mais avec des antécédents d'opposition, après une certaine guerre faite au système qu'il avait longtemps soutenu, avec des engagements pris envers des hommes touchant à la gauche, et, alors, n'entraînerait-il pas le gouvernement dans des voies dangereuses? Je ne sais, mais, en tout, les choses me semblent se noircir. Du reste, il est juste de reconnaître que la nouvelle combinaison ministérielle offre, au pays et au dehors, des noms honorables, des talents distingués et des capacités reconnues; espérons donc dans la durée de leur amalgame! Huit ou dix jours avant la dernière crise, M. Molé a, après un assez long silence, écrit à M. Royer-Collard une lettre très coquette pour lui et pour moi.

      Valençay, 10 septembre 1836.– M. de Talleyrand a reçu, hier, un petit mot fort aimable et déférent de M. Molé, à son avènement au Ministère. Le trait de la lettre est celui-ci: que le nouveau Cabinet s'étant formé sur une question et dans une pensée que M. de Talleyrand s'était comme appropriée par ses sages prévisions, les nouveaux Ministres devaient se flatter de son approbation; qu'en son particulier, il souhaitait vivement qu'il en fût ainsi, et qu'il comptait sur ses conseils et ses avis. M. de Talleyrand a répondu sur-le-champ. Il ne m'appartient pas de louer la réponse, mais je crois qu'elle doit plaire à M. Molé, qui, cependant, n'y trouvera rien de désagréable pour celui qu'il remplace. M. de Talleyrand peut regretter l'aveuglement de M. Thiers dans cette question d'Espagne, mais ce n'est pas à lui, qui, depuis longtemps, s'est établi comme bienveillant pour M. Thiers et qui l'est, en effet, à le blâmer hautement.

      Valençay, 11 septembre 1836.– Je ne citerai pas Mme de Lieven comme appuyant de sa conviction l'exactitude du récit de M. de Montessuy51, mais j'avoue que je n'en reviens pas d'un fait aussi étrange. Si une de nos Princesses ou notre souveraine s'en rendait coupable, cela serait tout de suite interprété révolutionnairement à Saint-Pétersbourg, et si l'Empereur Nicolas admet Horace Vernet et surtout M. de Lœve-Weimar dans ses grâces, son intimité et sa confiance, je ne sais plus de quel droit on reprocherait au Roi de dîner aux Tuileries avec des gardes nationaux. A la vérité, Louis-Philippe n'a ni le knout, ni la Sibérie à sa disposition, deux rudes correctifs contre la familiarité, mais dont il est heureux pour chacun de nous que le Roi ne puisse pas faire usage; en Russie, ni l'âge, ni le sexe, ni le rang, ni le mérite ne mettent en sûreté.

      J'ai reçu une lettre de M. Guizot, qui me fait part de son entrée au Conseil. Elle est des plus coquettes. L'amitié du Roi pour M. de Talleyrand, et la confiance dont il l'honore, font que pas un de ses Ministres ne se soucie d'être dans de mauvais termes avec lui; nous ne nous en soucions pas non plus, ainsi tout ira suffisamment bien entre nous et ces Messieurs.

      J'ai reçu une longue lettre de M. le comte Alexis de Saint-Priest, de Lisbonne. Il m'écrit de temps en temps, je ne lui réponds que des petits mots assez courts et secs, mais il paraît déterminé à les prendre pour des preuves d'amitié. C'est un calcul comme un autre! Il sait que M. le duc d'Orléans veut bien avoir quelque bonté pour moi, il se croit appelé à jouer un rôle lorsque ce Prince régnera, et il part de là pour vouloir bon gré mal gré être de mes amis; on dirait, d'après le début de sa lettre, que je lui suis beaucoup, et qu'il m'est beaucoup… Cela m'impatiente un peu.

      Valençay, 13 septembre 1836.– Comment se rencontre-t-il si souvent des gens pour rapporter aux personnes intéressées le mal qu'on dit d'elles? C'est une singulière et trop générale disposition de l'esprit. Elle m'est tellement odieuse, qu'outre que je m'en crois incapable, je reçois toujours très mal ceux qui viennent me faire des confidences de cette nature. Il me semble que la première condition pour vivre en paix, c'est de ne dire de mal que des choses, quand elles sont mauvaises, et le moins possible des personnes; et que la seconde condition, c'est d'ignorer le mal qu'on dit de vous, à moins qu'il ne s'agisse de vous faire éviter un piège ou un danger véritable; mais c'est bien rarement à cette bonne et salutaire intention qu'on doit de certains avertissements. Toute cette morale vient à l'occasion du mal que lord de Rosse aurait dit de Mme de Lieven, et de la connaissance qu'on a donnée à celle-ci de ces méchants propos. Du reste, je vois que l'usage du monde, le savoir-vivre, le besoin d'avoir des causeurs, enfin les mille et une considérations qui font, de la dissimulation, une vertu, ou au moins une disposition sociale, permettent à ces deux personnes de se voir avec empressement. A la bonne heure! Dans ce cas-ci, mon système m'importe peu, ou pas du tout!

      Valençay, 16 septembre 1836.– Voici l'extrait d'une lettre que M. de Talleyrand a reçue hier; elle n'est pas de Madame Adélaïde, mais la personne qui lui écrit est généralement très bien informée: «M. Molé est malade. Il n'a pu encore faire aucune visite, ni recevoir celle d'aucun ambassadeur; on n'a pu, même, tenir encore aucun conseil chez le Roi. On pense que sa santé ne lui permettra pas de rester longtemps au Ministère, où, d'ailleurs, il ne prendra jamais de très profondes racines. On dit que s'il se retirait, ce ne serait pas une cause de la dislocation entière du Ministère, et que ce pourrait bien être Montalivet qui le remplacerait. On dit aussi que le Ministère aborde les Chambres sans crainte, qu'il croit y trouver la majorité; qu'il est décidé à se contenter d'une majorité faible, dans l'espoir de la voir s'accroître, et qu'il ne compte pas faire, perpétuellement, de toutes les questions des questions de Cabinet. Le maréchal Soult ne sera point ministre de la Guerre. Il tenait à avoir la présidence du Conseil et on n'a pas voulu la lui donner; ce sera, probablement, Molitor, Sébastiani ou Bernard. Le Ministère est tout entier soumis à la politique du Roi dans la question espagnole. On dissoudra le corps qui se rassemblait sur la frontière des Pyrénées, on laissera la Légion étrangère ce qu'elle est. Elle est, d'ailleurs, au service de l'Espagne et on n'a pas le droit d'en disposer. On se tiendra dans les limites СКАЧАТЬ



<p>50</p>

Voici la composition du ministère: M. Molé, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères; M. Guizot, ministre de l'Instruction publique; M. Persil, ministre de la Justice; M. Duchâtel, ministre des Finances; M. de Gasparin, ministre de l'Intérieur, avec M. de Rémusat comme sous-secrétaire d'État; M. Martin du Nord, ministre du Commerce et des Travaux publics; le général Bernard, ministre de la Guerre; l'amiral Rosamel, ministre de la Marine.

<p>51</p>

Voir plus haut Montessuy page 87.