Voyages loin de ma chambre t.2. Dondel Du Faouëdic Noémie
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СКАЧАТЬ jour de mars 1560. Les artistes, les décorateurs, les poètes frottés d’un peu de mythologie, firent des merveilles empreintes d’un cachet exceptionnel de grandeur et de nouveauté.

      «Les arcs de triomphe, les obélisques, les colonnes, les statues, les fontaines jaillissantes, les autels antiques, étaient chargés d’emblèmes et d’inscriptions empruntées aux grands poètes de Rome, de la Grèce et de l’Italie moderne. Les feux artificiels y mêlèrent leurs surprises: «dont tout le monde, les yeux ouverts et les bouches béantes, non seulement fut esbahy mais estonné de joie et grande admiration pour n’avoir esté auparavant ce jour jamais veu chose semblable;» enfin, trente canons, rangés en bataille sur la terrasse de la rivière, y ajoutèrent par leurs salves répétées, quelque chose d’imposant.» Peu d’années après la reine-mère reçut son fils Charles IX à Chenonceaux et le fêta pendant quatre jours mais les détails manquent sur cette réception. En 1577 Catherine offre à ses deux fils, Henri III et le duc d’Alençon, la plus fameuse de toutes ses fêtes. Le 2 mai, le duc d’Alençon avait repris sur les protestants la ville de la Charité et ce succès méritait d’être célébré.

      Le 15 du même mois, le roi donna un grand festin à son frère au Plessis-lez-Tours, et le sombre château de Louis XI vit une de ces fêtes orientales auxquelles son fondateur ne l’avait guère habitué. Les dames y parurent en habits d’hommes, vêtues de vert (c’était la couleur des fous) et firent le service à la place des officiers de la Cour. Tous les assistants furent aussi habillés de vert, et la dépense de ces vêtements ne s’éleva pas à moins de soixante mille livres.

      Le dimanche suivant, Catherine de Médicis fêta à son tour le jeune triomphateur et ses compagnons de guerre. Elle reçut la cour à Chenonceaux et lui offrit un banquet dont le faste licencieux devait éclipser celui du Plessis.

      Les traits principaux de ces plaisirs fantastiques nous ont été transmis par Pierre de l’Estoile, dans le Journal de Henri III.

      Le festin eut lieu dans le jardin, derrière la grosse tour, près de la fontaine du Rocher. Le roi y figura habillé en femme, comme il le faisait quelquefois dans les fêtes, il portait un collier de perles et trois collets de toile, dont deux à fraise et un rabattu, tels que les portaient les dames de la cour.»

      «Si qu’au premier abois chascun estait en peine

      S’il voyoit un roy-femme, ou lui un homme-reyne»

      «Au dessous du roy s’assirent ses mignons, tous fardés, peints, pommadés comme leur maître avec de grandes fraises empesées larges d’un demi-pied, de façon dit l’Estoile qu’à voir leurs testes dessus leurs fraises, il sembloit que ce fust le chef de saint Jean en un plat.» Les trois reines assistaient au festin, Catherine, Marguerite sa fille et Louise de Lorraine sa bru, les Reines étaient entourées de leurs Dames d’honneur, et de tout l’escadron volant des jeunes filles; l’Estoile ajoute qu’en cette fête qui coûta cent mille livres, c’est-à-dire un million et demi de notre monnaie actuelle «tout estait parfait et en bel ordre.» Franchement c’eût été malheureux qu’après une pareille dépense, les choses n’eussent pas réussi.

      Si j’étais architecte je ferais avec les expressions techniques une description savante de Chenonceaux, cette merveille de la Renaissance, cela m’est impossible, je ne sais qu’admirer cet ensemble incomparable: ici la grande cour d’honneur, le pont levis, le donjon superbe qui sort des douves profondes, remplies des eaux du Cher; là les sveltes tourelles, les hautes cheminées, et les fenêtres sculptées qui se détachent des toits pointus.

      La façade orientale, vue du parterre de Diane aux bords de la rivière, est admirable; le décorateur de l’Opéra comique s’en est inspiré dans le décor du second acte des Huguenots.

      J’ai éprouvé la même admiration pour le parc. Le jardin français, tel que le tailla Le Nôtre avec ses belles ordonnances, ses terrasses à balustre, ses bassins, ses cascades, ses statues et ses rocailles, ses charmilles, ses labyrinthes, ses vastes boulingrins, ses grandes lignes régulières qui s’allongent dans l’espace, me semble plus grandiose que le jardin anglais proprement dit. Celui-ci primitivement a dû être inventé pour dissimuler son peu d’étendue et son irrégularité. Le regard sans cesse arrêté soit par une allée tournante qui souvent se replie sur elle-même, soit par un massif épais qui barre l’horizon, le regard, dis-je, ne peut réellement se rendre compte de l’importance du terrain, ceci n’est point une critique. Si le jardin français s’aperçoit d’un coup d’œil, le jardin anglais sait ménager les surprises et l’imprévu, et je reconnais tout le parti que le parc anglais permet de tirer d’un emplacement ingrat, où il eut été impossible de dessiner le vrai jardin français avec ses majestueuses ordonnances, jardin en définitive beaucoup plus coûteux que des pelouses ou prairies semées çà et là de grands arbres, de massifs, d’arbustes et de quelques corbeilles de fleurs.

      La création de jardins et de parterres dignes des constructions, occupa longuement la reine Catherine et la favorite Diane. Des jardiniers italiens et français, Le Nôtre et même le célèbre potier Bernard Palissy, donnèrent des plans et des dessins.

      «Sous l’influence des artistes italiens, l’horticulture prit un grand essor. Les jardins du XVIe siècle représentaient des figures de toutes sortes. Les unes géométriques, les autres de pure fantaisie et dessinaient de capricieuses arabesques et d’élégantes broderies, de fleurs odoriférantes principalement.» On préférait alors l’arôme à la beauté. Les bordures étaient de buis ou de romarin, avec des avenues de grands arbres, des palissades de coudriers et de charmes, et des haies d’aubépines. De longs berceaux de charpente, couverts de treilles et flanqués de cabinets ombreux, entouraient le parterre ou le divisaient en plusieurs jardins particuliers. Les arbres et les arbustes étaient taillés en figures bizarres et peuplaient les parcs d’un monde d’êtres fantastiques. Des bassins et des jets d’eau complétaient la décoration froide et trop symétrique des jardins italiens, où tout semblait subordonné à une loi unique: la fraîcheur, l’ombre et le mystère.

      C’est dans ce goût étranger que Diane de Poitiers entreprit les jardins de Chenonceaux; elle employa pour la préparation des terrains seulement, quatorze mille journées d’ouvriers, et la dépense s’éleva à plus de trois mille livres, somme énorme pour le temps. L’argent était rare à cette époque, et nous voyons, d’après les comptes même de l’intendant de Chenonceaux, qu’un maître maçon gagnait quatre sols par jour, un simple ouvrier, deux sols six deniers, une journalière vingt deniers; mais aussi le froment ne valait en 1547, que quinze à dix-sept sols l’hectolitre, et le vin, trois livres le poinçon soit, deux cent cinquante litres.

      Diane fit venir un fontainier de Tours pour diriger les sources et en tirer parti. Elle fit ouvrir des allées avec des cabinets de verdure; elle fit un jeu de paume et un jeu de bague et enfin un magnifique dedalus, labyrinthe inextricable où l’on pouvait errer longtemps dans les isoloirs sans trouver d’issue. Bernard Palissy exposa lui-même ses idées dans son Dessein d’un jardin délectable, écrit spécialement pour Chenonceaux et dédié à la reine-mère. «Il emprunte au style italien la division du jardin en compartiments symétriques, les allées à angle droit, les avenues d’ormeaux, les tourelles et les cabinets de verdure. Mais ce qui est entièrement propre à Palissy, ce qui est nouveau, c’est le goût de la nature qu’il introduit dans le jardin, c’est l’idée de marier le jardin avec le paysage environnant, avec le coteau, la prairie et la rivière; ce sont ces grottes rustiques, ces rochers ruisselants d’eau, ces fontaines, ces ruisseaux aux méandres capricieux avec des îles et des ponts, ces mouvements de terrain unissant la colline à la plaine. Palissy eut trouvé le jardin moderne s’il n’eût été trop préoccupé des travaux de son art de terre et de ses figures émaillées.

      On nous a montré le chêne de Jean-Jacques, la fontaine de Henri III, mais nous n’avons pas vu le fameux chêne СКАЧАТЬ