Название: Voyages loin de ma chambre t.2
Автор: Dondel Du Faouëdic Noémie
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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Azay-le-Rideau est bâti sur pilotis, flanqué de tourelles qui forment, avec les deux principaux corps de bâtiment, un ensemble plein de grandeur et de suprême élégance. Le portail d’entrée présente une des plus belles façades de l’édifice, orné de colonnes recouvertes d’arabesques du meilleur goût, il se termine par un fronton armorié, et renferme à l’intérieur un escalier des plus curieux.
Les appartements sont un vrai musée, remplis de meubles rares de toutes les époques et de magnifiques tableaux, portraits historiques des meilleurs maîtres: Charles VIII, Louis XI, Charles IX, Louis XIII, Louis XV enfant, Anne de Bretagne, Anne d’Autriche, Anne de Montmorençy, Rabelais, Michel Cervantès, Catherine de Médicis, Ambroise Paré, Henriette d’Entragues, le maréchal d’Ancre, Mademoiselle de La Vallière, Madame de la Sablière, Marie-Thérèse d’Autriche, Marie Leczinska, la duchesse de Chateauroux, etc., etc.
La principale chambre garde son titre de chambre du Roi, parce que Louis XIV y coucha. Le parc est ravissant. L’Indre, déroulant sans entraves ses capricieux anneaux, dessine des îlots verdoyants, découpe et festonne les pelouses au gré de sa fantaisie. Rien de charmant comme les gracieux méandres de ce ruban d’argent, baignant au nord et au midi les assises du château, puis se faufilant dans les prairies, rayé de temps en temps par de légers ponts qui le traversent; tout au fond la rivière s’échappe de l’enclos par une belle chûte d’eau.
Azay-le-Rideau est un chef-lieu de canton qui passerait certainement inaperçu sans son magnifique château.
Cette bourgade avait autrefois le titre de châtellenie. Son nom lui vient de l’un de ses seigneurs, Hugues de Ridel ou de Rideau, chevalier banneret sous Philippe-Auguste, 1213. Le château actuel bâti au commencement du XVIe siècle par Gilles Berthelot, appartient aujourd’hui au marquis de Biencourt qui n’est point à court de bien, tant s’en faut, puisque le château et ses collections, contenant et contenu, sont estimés sept millions.
Je termine par une jolie page de la vie du marquis de Biencourt.
C’était pendant l’année terrible, le prince Frédéric-Charles et son état-major étaient installés au château d’Azay-le-Rideau. On y faisait bombance. Un jour un officier demande à parler au marquis de Biencourt de la part du prince Frédéric-Charles.
«Il y a ici, monsieur le marquis, cinq voitures qui vous appartiennent.
– Cinq, en effet.
– Son Altesse désirerait s’en servir et je suis chargé de vous en demander l’autorisation.
– Je ne prête pas mes voitures.
– Alors, son Altesse se verra, à son grand regret…
– Faites ce que vous voudrez, ce sera un vol de plus, voilà tout.
– Oh! on vous les rendra.»
Maintenant, pourquoi ces messieurs avaient-ils besoin des voitures du marquis de Biencourt?
Tout simplement pour s’y promener en compagnie d’une douzaine de drôlesses qu’ils avaient fait venir pendant l’armistice. La petite fête terminée, les voitures furent rendues à leur propriétaire.
Le lendemain, Frédéric-Charles passait une revue en face du château.
Tout à coup au milieu de la revue, on vit une grande flamme devant la porte principale. C’étaient les cinq voitures qui brûlaient; monsieur le marquis de Biencourt ne voulant plus s’en servir après ceux qui les avaient souillées, avait ordonné d’y mettre le feu.
Voilà un trait bien français et qui mérite d’être conservé.
C’est toujours ce même esprit chevaleresque qui dictait un jour cette noble parole d’un gentilhomme à Charles-Quint. Celui-ci le sollicitait de recevoir le Connétable de Bourbon, c’était après la bataille de Pavie. Le gentilhomme répondit: «J’obéirai, Sire, mais je vous préviens que le jour même où le traître aura quitté ma demeure, j’y mettrai le feu de mes propres mains, car jamais, ni moi ni les miens ne resterons dans le logis d’un traître.»
CHENONCEAUX
Chenonceaux, situé au dire de nos rois de France «en un beau et plaisant pays,» est un château d’un aspect très particulier, et me semble unique en son genre.
Nous y sommes allés par bateau à vapeur. Lorsqu’on a le temps, et qu’on veut bien voir, le bateau est infiniment plus agréable que la locomotive qui passe trop rapidement.
Nous arrivons donc au quai d’embarquement au coup de huit heures, heure annoncée pour le départ. Le bateau n’est pas beau, c’est un petit patouillard qui se repose tout l’hiver, et ne se met en route qu’une ou deux fois par semaine l’été, lorsqu’il trouve un nombre suffisant d’excursionnistes à promener. Un seul homme est à bord, faisant le service et cumulant les emplois. Il est mécanicien, chauffeur, serviteur, etc. Son costume se ressent de son métier. Il porte un vieux pantalon de velours rapé, et une chemise qui semble n’avoir jamais eu de démêlés avec la blanchisseuse.
La vapeur mugit, un long panache de fumée se déroule dans l’air, le bateau semble prêt à démarrer, et cependant nous ne partons pas. Huit heures et demie viennent de sonner à toutes les horloges. Le mécanicien, à plusieurs reprises, a jeté des regards anxieux du côté de la ville. Evidemment il attend quelqu’un. En effet nous apercevons dans le lointain une dame et une petite fille de cinq à six ans, qui accourent de toutes leurs jambes vers le bateau. Enfin! dit le mécanicien, et il s’empresse de donner le signal du départ. J’examine les nouvelles voyageuses.
La dame, en robe de laine noire, me paraît trop simplement mise pour être la mère de l’enfant en ravissante toilette de cachemire blanc, ornée de dentelles crêmes avec capote assortie d’une rare élégance, et mignons souliers de cuir blanc à boufettes de satin, et je me dis en moi-même: la dame, c’est une gouvernante, et la petite fille est sans doute l’heureuse héritière de quelque beau château que nous allons rencontrer sur notre route. Bientôt la dame ouvre un panier, en tire des poires et du pain qu’elle dépose sur une sorte de table pliante et la petite fille se met à manger. Cela m’étonne un peu… Soudain l’homme du bord, noir comme un cyclope, le cou et les bras nus, la barbe et les cheveux en broussailles, sort de la soute au charbon et s’approche de ces dames. Mon sentiment est qu’il ne se gêne pas; mais, comment peindre ma surprise quand je l’entends tutoyer la petite fille: «As-tu fini de manger? Puis il ajoute (je n’en croyais pas mes oreilles): Allons, embrasse papa maintenant! A ces mots l’enfant devient maussade. Elle jette un rapide coup d’œil sur son père d’abord, sur sa belle toilette ensuite, et répond en s’enfuyant: non, non tu es trop sale!.. C’était le cri du cœur, et la mère avait l’air d’approuver sa fille! Le père sans se fâcher, trop fier d’ailleurs de sa progéniture, s’en fut chercher le balai pour nettoyer les miettes de pain et les pelures de poires.
Il y a des gens qui sont en avant sur leur siècle, moi je suis en retard; j’étais aussi indignée contre les parents que contre l’enfant. Quelle réponse! mais aussi quelle éducation! Quoi! ce sont les parents СКАЧАТЬ