Voyages loin de ma chambre t.2. Dondel Du Faouëdic Noémie
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СКАЧАТЬ cherche des gens de bonne volonté pour lui payer des toilettes.

      J’ai fait part de mes réflexions. Mes amies m’ont traitée d’arriérée, de réfractaire au progrès… L’une d’elles s’est écrié: «La soie est à qui la paie et les parents ont bien le droit de mettre leurs enfants comme ils veulent.» L’autre a dit: «Si cela les amuse de les habiller comme des gravures de mode, c’est leur affaire; d’ailleurs l’étoffe de laine blanche n’est pas plus chère que l’étoffe de laine noire. L’argument m’a paru triomphant, je n’ai pas cherché à le combattre, j’ai laissé les personnes pour revenir aux choses, pour revenir aux beautés de la nature qui défilaient sous mes yeux.

      Les rivières se montrent parfois jalouses des fleuves dont elles sont tributaires. C’est le cas pour le Cher dont les rives, sur un moindre espace sans doute, sont belles à l’égal de celles de la Loire. Quel délicieux paysage, calme, reposé, plein de fraîcheur! Ah! les jolis bosquets feuillus et les jolies prairies d’herbe lisse et moirée! Le Cher tout ensoleillé se déroule comme un collier d’or dans un écrin de velours vert.

      Il me semblait humer la brise d’antan, et j’avais plaisir à me repaître de tant de souvenirs historiques enfouis sous les feuillées.

      Rien d’original et de grandiose comme l’aspect de Chenonceaux, de ce château en partie assis sur un pont, bâti lui-même sur les piles énormes d’un ancien moulin. Ses arches massives, profondes, barrent entièrement la rivière; vous passez en bateau sous le château avant d’y entrer; une superbe galerie, surmontée d’un second étage, s’étend sur toute la longueur du pont. Les premières arches sont creuses et renferment les caves, les cuisines, les pièces de service et de dégagement.

      Chenonceaux remonte très loin dans l’histoire, puisqu’on assure que les Romains, séduits par son site enchanteur, y avaient construit une ravissante villa; on fouille le passé de Chenonceaux sans effroi, sans arrière pensée, la politique n’est pas venue là ourdir ses trames, le sang n’a pas rougi ses pierres, on n’évoque aucun fantôme de victime ou d’assassin; la beauté, l’amour, le plaisir, les arts, l’ont tour à tour habité. J’ai trouvé délicieuse cette journée passée dans cette royale demeure, où j’ai pu laisser ma pensée errer au milieu des plus charmants souvenirs. Diane de Poitiers y apporta l’éclat de sa beauté; Marie Stuart y passa calme et souriante le plus heureux temps de sa vie; Catherine de Médicis qui acheva cette merveille et y entassa les chefs-d’œuvre de sa patrie, vint s’y reposer et oublier les intrigues de la Cour; la reine Marguerite s’y amusa; Louise de Lorraine vint y cacher sa douleur après l’assassinat de son mari par Jacques Clément, et pleurer sous les ombrages mystérieux et profonds qui nous abritent encore. Elle ne sortait de sa retraite que le samedi pour aller entendre la messe à l’église de Francueil, toujours habillée de blanc, suivant l’étiquette du deuil des reines, ce qui l’avait fait surnommer par le peuple qui la voyait passer, la Reine blanche.

      Plus tard, Gabrielle d’Estrée fredonna à Chenonceaux les chansons amoureuses que le bon roi Henri composait pour elle. Marie de Luxembourg et Françoise de Lorraine appellent Chenonceaux leur séjour favori. Laure Mancini accompagnée de son oncle le cardinal Mazarin, vint à Chenonceaux dans le but de plaire à Vendôme et de l’épouser. La poétique La Vallière y rêva à son tour.

      En 1730, Monsieur Dupin, ancien fermier général, l’achète, le restaure, l’habite et y reçoit l’élite de la société française du XVIIIe siècle. Madame Dupin célèbre par son esprit et ses relations avec J. – J. Rousseau et les autres philosophes du dernier siècle, y mourut en 1779, à l’âge de quatre-vingt-treize ans. C’est grâce aux relations de cette dame avec tous les hommes politiques de la Révolution, que le château de Chenonceaux passa, sans être inquiété, les années désastreuses de la Terreur, et il appartint ensuite au comte René de Villeneuve, son petit-fils. Après lui, le domaine mis en vente aux enchères publiques, devint en 1863 la propriété de Monsieur Pelouze, chimiste.

      L’ancienne salle des gardes, un peu sombre aujourd’hui, dont l’extrémité s’ouvrait autrefois sur un balcon, est meublée en chêne et noyer sculptés; des panoplies d’armes et d’armures remontant à François Ier, Henri II et Henri III, décorent les murailles. La plupart des appartements sont tendus en toiles peintes d’un genre particulier, on peut même dire unique, très apprécié des amateurs.3

      On nous a montré la chambre de la belle Diane, avec sa toilette et son lit tendu de satin blanc; la chambre est vaste, de la fenêtre, un peu petite cependant, on découvre toute la vallée du Cher.

      On peut dire que Diane de Poitiers fut l’enchanteresse de son époque; les arts et la littérature doivent la bénir, elle encouragea tous les artistes, les écrivains, les poètes, sauf Marot cependant; mais l’histoire doit se montrer plus sévère, et la morale la condamne absolument.

      Diane de Poitiers qui avait des goûts artistiques très développés et très purs s’attacha à Chenonceaux qu’elle embellit à ravir. C’est elle qui fit élever l’admirable façade du levant, ainsi que la magnifique galerie des fêtes bâtie sur le pont, et qui s’ouvre comme je viens de le dire à gauche et à droite sur les deux rives du Cher. Cet édifice grandiose est vraiment la réalisation d’un rêve royal. Cette aile qui s’asseoit tranquillement sur la rivière et prend toute la largeur, est une conception tout à la fois étrange et captivante; la galerie du rez-de-chaussée est une sorte de musée renfermant de nombreux objets de prix. Cette même galerie qui se retrouve au deuxième étage doit devenir un musée de tableaux. On visite aussi le salon vert entièrement tendu et meublé de la couleur de l’espérance. La bibliothèque de Catherine de Médicis, sombre, peu éclairée serait d’un bien haut intérêt si on avait le loisir de l’étudier, elle renferme les archives de Chenonceaux, commençant au XIIIe siècle et comprend cinq mille pièces contenues en cent quarante registres soigneusement reliés.

      L’escalier qui est souvent un écueil pour les architectes est ici conçu avec un rare bonheur.

      «L’architecte a abandonné la vis de Saint-Gilles et adopté une innovation italienne, c’est-à-dire l’escalier à travées parallèles réunies par des paliers; cet escalier, appliqué au milieu de la façade du couchant, n’en dérange point l’ordonnance. L’escalier de Chenonceaux et celui d’Azay-le-Rideau sont, sinon les plus anciens, au moins les plus somptueux modèles de cette disposition importée d’Italie; car l’escalier de Chambord, malgré la conception magistrale de sa double vis, reste encore fidèle aux antiques traditions de l’art français.»

      La chapelle, due à François Ier, intelligemment réparée, a conservé son cachet primitif, c’est un charmant spécimen du style gothique Renaissance; de sveltes colonnettes en faisceaux supportent des tribunes et une voûte à pendentifs sculptés et découpés à jour; l’autel n’est qu’une simple table de pierre soutenue aux angles par des colonnettes très élégantes; à côté de la crédence on remarque une étroite ouverture en œil-de-bœuf oblique, qui communiquait avec l’oratoire de la Reine Louise. Une loge s’ouvre à droite, dans l’épaisseur de la muraille: c’est la place d’honneur réservée aux châtelains. Un caveau sépulcral est établi sous la chapelle.

      Les vitraux peints, fort remarquables, sortent certainement de cette admirable Ecole de Tours qui a produit tant de chefs-d’œuvre; ils sont au nombre de six, représentant Notre Seigneur Jésus-Christ, saint Michel, saint Pierre, saint Thomas et saint Gatien; sur trois verrières modernes, on voit sainte Marguerite, sainte Catherine et saint Guillaume.

      La consécration de cette chapelle fut faite en 1518, par Antoine Bohier, Cardinal-Archevêque de Bourges, et frère de Thomas Bohier, premier propriétaire, et on peut dire fondateur du château.

      Les СКАЧАТЬ



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Elles se composent de lés de toile de 3 ou 4 mètres de hauteur sur 80 de largeur. Les unes sont à fond d’or ou d’argent, les autres à fond de couleur, enjolivées d’arabesques, de fruits, de fleurs, d’oiseaux, quelques-unes ont des personnages, et représentent une chasse. Le curieux, c’est que ces ornements ne sont pas le fait d’un pinceau habile, tous les dessins sont des applications de tontures de laine, ce qui leur donne le riche aspect du velours. Elles ont dû être fabriquées sur place. Elles ont servi de modèle à la restauration de plusieurs châteaux de la Renaissance. C’est à Blois qu’on les a imitées pour la première fois.