Voyages loin de ma chambre t.2. Dondel Du Faouëdic Noémie
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СКАЧАТЬ pas eu les cornes assez fortes pour ébranler le chêne et la masse de terre qui lui servait de piédestal, il fallut établir des machines et d’énormes cabestans pour en venir à bout.

      Cela coûta cinquante mille francs. Et, pendant un an, un jardinier n’eut pas d’autre ouvrage que d’arroser le chêne en été et de le réchauffer en hiver par de fortes fumures. Après tout, ce chêne est peut-être celui qu’affectionnait Jean-Jacques qui lui aura donné son nom.

      C’est avec un plaisir extrême que nous avons promené notre rèverie dans les lieux enchanteurs où s’égaraient autrefois les beaux pages et les gentes damoiselles de la Cour; et nous avons répété avec le chantre de l’allée de Sylvie:

      «Qu’à m’égarer dans ces bocages

      Mon cœur goûte de voluptés!

      Que je me plais sous les ombrages,

      Que j’aime ces flots argentés.»

      On dit que Madame Pelouze a déjà dépensé un million et demi à la restauration de Chenonceaux; mais il faudra encore beaucoup d’argent pour rendre à ce fier château et à ces beaux jardins leur éclat primitif. Ainsi le grand parterre entouré de balustres avec sa fontaine monumentale au centre est dans un lamentable état de délabrement.

      J’ai eu quelques déceptions, il n’y a point de médailles sans revers. J’avais entendu parler du cocher grand style de Madame Pelouze. N’oubliez pas, m’avait-on dit, de visiter les écuries qui contiennent trente magnifiques chevaux. Le cocher grand style vous énumèrera avec complaisance les qualités des nobles coursiers dont vous verrez les noms inscrits en lettres d’or au-dessus de chaque box. Quand vous serez arrivé aux remarquables purs-sang envoyés par l’empereur du Maroc à M. Grévy, qui s’était empressé de les expédier chez sa sœur, vous verrez avec quel superbe dédain le cocher grand style vous glissera cette petite phrase: en effet ces chevaux sont d’admirables bêtes, c’est un joli cadeau, l’empereur du Maroc a fait de son mieux, mais qu’est-ce qu’un sultan à côté du président de la République Française!.. Nous avons donc demandé à voir les chevaux. Je ne sais trop, je vais m’informer, a murmuré le valet pris par d’autres visiteurs et que déjà nous avions dû attendre assez longtemps.

      Cette fois il n’a pas tardé à revenir suivi d’un domestique grisonnant, fort modeste celui-là, qui nous a humblement avoué qu’il venait d’expédier tous les chevaux à Paris pour y être vendus. Il ne reste qu’une vieille jument, en ce moment à la prairie, a-t-il ajouté, je puis aller la chercher. «Non, non me suis-je écriée un peu étourdiment, c’est inutile ne la dérangez pas.»

      La pluie d’ailleurs commençait à tomber, une de ces petites pluies fines qui n’ont l’air de rien et qui mouillent beaucoup. Nous avions plusieurs fois croisé la dame et la petite fille qui visitaient, comme nous, Chenonceaux.

      Revenue sur le bateau j’ai eu ma revanche du matin. La toilette de la petite fille était fort abîmée, sa capote n’avait plus son idéale blancheur, les dentelles mouillées pendaient piteusement sur la robe défraîchie, les souliers semblaient déformés et complètement salis, et je n’ai pu m’empêcher de faire remarquer que, si la petite fille avait porté une simple robe en grisaille de laine ou un costume en toile de Vichy, la toilette n’eut point été perdue. Un coup de savon des mains maternelles lui eût rendu son premier lustre; mes amies ont eu le bon goût de se rendre à l’évidence et de me donner raison.

      Si j’insiste sur ces petits détails c’est que je leur crois plus d’importance qu’il ne paraissent en avoir. Ils sont le signe évident des tendances fâcheuses et des aspirations malsaines qui se développent outre mesure depuis quelque temps; ils sont l’indice en cette fin de siècle d’un déclassement qui nous mènera loin, je le crains.

      Il a fait mauvais jusqu’au soir, quand le ciel pleure, la terre est moins gaie, mais je rapportais une si belle provision de souvenirs et tant d’enchantements dans les yeux que j’ai pardonné au temps les maussaderies du retour4.

      Autres châteaux historiques,

      L’abbaye de Marmoutier, Savonnières

      Les Jardins Mame

      Le Parc de Beaujardin, La Colonie de Mettray

      Coup d’œil sur la ville de Tours

      Comme tu le vois, mon cher Henri, tantôt c’est l’extérieur qui étale d’admirables beautés, tantôt c’est l’intérieur somptueusement décoré, parfois ce sont les deux qui brillent d’un éclat incomparable.

      Ici, le parc l’emporte sur le château par le pittoresque de sa situation: vue étendue et variée, sites enchanteurs, eaux vives, cascades tapageuses, pelouses veloutées, drapées de grandes corbeilles de fleurs ou incrustées de mosaï-culture d’une régularité parfaite. Là, le château qui se détache sur l’émeraude des vastes prairies, se mire dans la transparence des eaux ou s’abrite sous l’ombre épaisse des bois et domine par son aspect féodal et princier, par son architecture remarquable.

      C’est aussi de la dentelle de pierre, pierre blanche plus facile à travailler, plus agréable à l’œil; mais qui ne vaut pas quand même celle des antiques clochers à jours et des vieux châteaux-forts de Bretagne, façonnés dans le granit. L’intérieur arrive à son tour avec ses meubles rares, ses collections précieuses, ses bibelots artistiques, ses tableaux de maîtres. Cependant je consignerai ici mon intime pensée. Plusieurs de ces beaux châteaux sont un peu le palais de la Belle au bois dormant, j’ai ressenti ce sentiment d’une manière très vive à Chenonceaux, ils ne sont point habités. Pas de maîtres et pas beaucoup plus de domestiques. Un portier qui reste dans sa loge, il faut bien quelqu’un pour répondre, et cependant il me souvient d’avoir un certain dimanche parcouru dans tous les sens un joli parc entourant un joli château auquel nous sonnâmes en vain, sans rencontrer âme qui vive. Le gardien, cette après-midi là, avait sans doute pris la clef des champs.

      Lorsque vous êtes entré, un valet de chambre se présente pour vous faire visiter. En général les maîtres sont en voyage, c’est la phrase stéréotypée sur les lèvres des serviteurs; ils voyagent ou vivent ailleurs plus simplement que ne le comporterait leur propriété. Il est certain que pour mener le train considérable qu’exigent de pareils châteaux, il faudrait une fortune énorme, que tous leurs propriétaires n’ont pas.

      Leurs châteaux sont des musées qu’ils respectent des trésors dont ils sont fiers à juste titre et qu’ils gardent précieusement, mais dont ils ne peuvent se servir.

      Les magnifiques châteaux dont je viens de te parler en détail sont les gros diamants dont la Touraine est en partie l’écrin; mais que de perles précieuses, que de ravissants joyaux, ce bel écrin renferme encore! Dans ce fortuné pays, on peut dire que chaque bourgade, ville ou village, a son château qui le préserve de l’oubli par ses souvenirs historiques, ou l’embellit de sa propre beauté.

      Je citerai: Beaumont-la-Ronce, ancien château seigneurial; le château de la Tourballière, tous les deux érigés en marquisat, le premier en 1757, le second en 1656.

      Le château de Beugny qui s’enfonce dans la forêt de Chinon. Boussay qui détache son profil gothique au milieu des eaux. Dans ce château sont nées quatre illustrations de la famille de Merou: Jean, chambellan du roi (1363), Pierre, amiral de France (1416); Philippe, chambellan du roi Louis XI (1461); Jacques-François, président de l’Assemblée Nationale (1789), général de division, mort en 1810.

      Le château de Brizay, qui appartenait jadis à la famille de Maillé, et fut СКАЧАТЬ



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Il paraît qu’on ne peut plus visiter Chenonceaux, le Crédit Foncier qui avait acquis ce domaine l’a revendu à un Américain du Sud, Monsieur Terry, qui l’aime passionnément, jalousement même et l’habite avec sa famille. Les Touristes ne pouvant plus visiter Chenonceaux en sont réduits à saluer de loin la noble demeure tout en promenant dans le parc dont l’accès n’est pas interdit.