Le chemin qui descend. Ardel Henri
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Название: Le chemin qui descend

Автор: Ardel Henri

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Et alors, ainsi qu'elle l'avait souhaité, ce fut la course vertigineuse, la volupté du danger frôlé, les nerfs exaspérés, tout l'être vibrant sous le choc brutal du vent. Droite, elle regardait presque haletante, ses joues mordues par le souffle de la mer qui lui jetait aux lèvres une saveur de sel et d'eau. Comme des images de rêve, elle voyait fuir des plaines désertes; sur la route, quelques charrettes dont les conducteurs les saluaient d'exclamations furieuses… Puis Gruchy apparut, ses petites maisons écrasées, mélancoliques, dans leurs murs de pierre grise; avec leurs jardinets où, sur un banc, somnolaient des vieux qui se chauffaient au soleil d'automne et relevaient à demi la tête, au bruit de l'auto faisant accourir la bande des gamins aux joues écarlates et barbouillées.

      Puis, encore, ce fut la lande, la route nue, la ligne lointaine de la mer, bleue comme le ciel de septembre où l'équinoxe amenait, sans relâche, des nuées lourdes d'un blanc d'argent… Et la silhouette grandissante du phare se découpa sur l'immensité des eaux.

      Dans la solitude de la falaise, peuplée par quelques moutons noirs en quête d'une herbe courte, il se dessinait à chaque minute davantage, en lignes plus puissantes qui précisaient les détails de sa masse.

      Et seulement alors, Raymond de Ryeux ralentit la course de sa machine, avec une autorité de maître. Plus lentement, elle roula; et il semblait, par contraste, qu'elle n'avançait plus… Puis, enfin, elle s'arrêta devant la barrière qui enserrait le phare et les constructions accroupies à sa base.

      – Voilà! Nous sommes arrivés! dit Raymond de Ryeux, se tournant vers sa compagne. Êtes-vous contente? Était-ce bien ce que vous désiriez?..

      – C'était exquis! fit-elle: et elle respira largement; une ondée de sang montait à ses joues pâlies un peu.

      – Vous n'avez pas eu peur?

      – Je n'y ai pas pensé… Vous donnez une telle sensation de sécurité! Vous conduisez très bien.

      Il n'y avait nul accent complimenteur dans sa voix; elle énonçait un fait évident, ainsi que lui, le matin, quand il avait parlé de son talent de violoniste.

      Tout de même, cette approbation lui fut sensible; elle en eut soudain l'intuition, encore qu'il n'en témoignât rien. Il interrogea seulement:

      – Nous laissons un moment l'auto, voulez-vous?.. Il faut que vous voyiez bien la côte…

      – Oui, très volontiers.

      Il avait sauté à terre et lui tendait la main. Elle se dressa, d'un mouvement un peu incertain de créature qui rentre dans la réalité, et se cambra une seconde, en arrière, d'un geste inconscient. Puis, sans toucher la main qu'il lui offrait, elle sauta à son tour et, au hasard, fit quelques pas, frappant le sol de ses pieds engourdis par l'immobilité.

      – Oh! c'est bon de remuer! s'exclama-t-elle joyeusement.

      Elle s'avançait vers l'extrémité de la falaise, laissant derrière elle le phare, dont le gardien les regardait, distrait par leur visite soudaine. Au bas de la gigantesque muraille de pierre, la mer jetait sur les roches, des torrents de mousse écumeuse; la côte profilait, loin, sa ligne dentelée, très précise, car il n'y avait pas de brume. Le ciel, balayé par les rafales, était d'un bleu violent, presque aigu.

      Raymond de Ryeux arrêta sa compagne par une interrogation drôlement lancée.

      – Est-ce que vous vous amusez encore? mademoiselle Suzore. J'espère bien que non.

      – Pourquoi?

      – Parce que je ne m'«amuse» plus à conduire, moi… Alors, j'aimerais bien causer…

      – Quelle singulière idée! fit-elle, moqueuse.

      – Ce serait plus gai!

      – Croyez-vous?.. Soit… Parlons. Commencez.

      – Vous m'intimidez… Vous êtes si peu encourageante!

      Ils se mirent à rire. En dépit des quelques sillons blancs qui rayaient ses cheveux sur les tempes, il était bien encore un homme jeune, et il en avait toute l'apparence, surtout en ce moment où ses yeux de loup, pailletés d'or, étincelaient brillants de gaieté, dans le visage fouetté de sang par le rude vent qui avait avivé la couleur des lèvres, – les lèvres gourmandes, saines et fortes, sûrement habiles à la morsure et à la caresse du baiser.

      Claude en eut l'impression; et avec son hardiesse paisible de fille avertie, elle pensa, ainsi qu'elle eût jugé quelque lutteur antique:

      – C'est un beau mâle que M. Raymond de Ryeux! Il doit, en effet, avoir du succès!

      Puis elle continua tout haut:

      – Nous allons jusqu'à la plage…

      – Vous savez que le sentier est très difficile, taillé à peu près à pic dans la falaise!

      – Qu'est-ce que cela fait? dit-elle, insouciante. Ce sera plus amusant!

      Il insista:

      – Vous n'allez pas vous tuer?.. Avoir le vertige?

      Dans les yeux qui s'attachaient à son visage, elle planta ses larges prunelles qui ignoraient la peur des êtres et des choses:

      – Jamais je n'ai le vertige. J'ai une tête très solide. Pourquoi en doutez-vous? Ai-je donc l'air d'une femmelette?

      – Pas du tout. Vous avez plutôt la mine d'un jeune garçon très résolu.

      – Je ne me doutais pas que j'étais si masculine!

      – J'ai dit que vous aviez une mine résolue de jeune garçon; mais je ne vous trouve pas masculine!.. Oh! non, pas du tout!

      Elle eut une imperceptible contraction des sourcils, hérissée tout de suite, devant la banalité du compliment possible. Et sans répondre, elle s'engagea dans l'étroit sentier qui dévalait jusqu'aux roches du rivage.

      C'était vrai que le chemin constituait un vrai casse-cou; très étroit, pierreux, campé au bord du vide, abrupt de plus en plus, à mesure qu'il s'enfonçait vers le sable.

      Mais Claude ne s'en embarrassait guère; le pied sûr, elle descendait, souple et ferme, de cette allure vive qui lui était propre, sans s'occuper de son compagnon qui la suivait en silence, attentif à la surveiller; lui aussi, avec une adresse d'alpiniste.

      – Prenez garde! lui jeta-t-il seulement comme ils approchaient de la plage. Ici cela devient tout à fait laborieux! Voulez-vous ma main?

      – Ce serait bien inutile; merci!.. Je suis accoutumée à me tirer d'affaire toute seule.

      Elle descendait, sans peine apparente, en effet, à travers les éboulis, les degrés de plus en plus hauts qui formaient des semblants de marches… D'un dernier bond, elle sauta sur le sable enfin atteint; et, se retournant, attendit son compagnon qui arrivait derrière elle, plus lent mais le pied aussi adroit, l'allure aussi libre.

      Il sourit de la voir qui le regardait avec une attention un peu curieuse au fond des prunelles et l'accueillait d'une exclamation moqueuse:

      – Eh bien, malgré vos craintes, nous ne sommes morts ni l'un ni l'autre… Et nous sommes fiers de nous! n'est-ce pas?

      – Très СКАЧАТЬ