Le chemin qui descend. Ardel Henri
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Название: Le chemin qui descend

Автор: Ardel Henri

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ bibelots. Alors, sans insister, il prépara sa machine et revint seulement pour fermer et soulever le panier de paille qu'il plaça dans la caisse de l'auto.

      Puis il prononça:

      – Tout est prêt… Voulez-vous que nous repartions?

      – Oui, puisqu'il le faut!

      – Mettez votre plaid… Le soleil baisse, il ne va pas faire chaud… Étendez cette fourrure sur vos genoux… Ah! attendez que j'attache votre châle par une épingle pour que le vent ne l'écarte pas.

      – Oh! merci, je puis bien…

      – Non… Laissez-moi faire, enfant volontaire.

      – Soit… Comme vous aimez à servir les femmes! Mme de Ryeux doit être une personne terriblement dorlotée!

      – Ma femme?.. Non, je ne la dorlote guère… Elle se charge si bien de se dorloter elle-même que je réserve mes soins pour les étrangères.

      Claude ne répondit pas. Elle pensait que Mlle de Villebon avait dit vrai. Le ménage de Ryeux n'était pas très amoureux.

      Il sauta près d'elle. Alors elle dit:

      – Et maintenant, nous ne parlons plus!

      – Convenu! fit-il inclinant la tête.

      Et la course fantastique recommença. Le soleil s'était voilé sous les nuées plus épaisses que, sans relâche, les rafales apportaient du large. La mer était toute grise, maintenant, soulevée en crêtes écumantes.

      Claude, ressaisie par la griserie de la vitesse, contemplait, les yeux songeurs, la fuite éperdue des landes assombries, la mer menaçante, les pauvres villages écrasés sous leurs toitures basses, où les vieux n'étaient plus assis devant le seuil de granit. De nouveau, ils traversèrent Gruchy, entrevirent le Millet de pierre dressé devant le paysage qu'il a aimé… Puis ce fut Landemer… Et du sommet de la côte, apparut le merveilleux horizon de mer, de falaises, la ligne de la côte qui fuyait jusqu'aux plus lointaines profondeurs du ciel tourmenté.

      Alors seulement Raymond de Ryeux parla:

      – Nous nous arrêtons à l'église?

      – Non, il faut que j'aille à Capelle chercher mon violon.

      – Allons… Je vous attendrai…

      Mais elle secoua négativement la tête.

      – Pour que mes doigts ne tremblent pas, il faut que je me repose un instant. Ne m'attendez pas. Capelle est si près de l'église que j'irai très bien à pied. Dans trois quarts d'heure, je serai à l'orgue.

      – Bien sûr?.. insista-t-il, avec une sourde irritation de devoir la laisser partir.

      – Mais certainement, bien sûr, je vous ai promis… Puisque nous nous quittons, je vous fais mes adieux et vous remercie encore beaucoup… ah! oui, beaucoup… Cette journée aura été une des meilleures de mes vacances… Et mes regrets aussi d'avoir été peut-être, pour votre goût, trop franche dans mes jugements…

      – Habitude salutaire, espérons-le pour ceux qui parlent et pour ceux qui écoutent, riposta-t-il flegmatique, un peu railleur à son tour… Peut-être, un jour, ferai-je mon profit de vos conseils. Car tout arrive!

      – Oh! jamais je n'ai eu, dans la cervelle, l'idée de vous donner l'ombre même d'un conseil. A quel titre, grand Dieu!.. Au revoir… Et merci encore!

      – Au revoir, vous avez dit… Je retiens la promesse… Car, moi aussi, j'ai passé un inoubliable après-midi…

      Elle lui avait tendu la main d'un geste de camarade, comme sur la falaise. Cette fois, sans demander de permission, il porta à ses lèvres les doigts dégantés et sa bouche experte appuya un baiser sur la peau tiède.

      Puis, vif, sans attendre qu'elle eût protesté, il remonta dans l'auto et dit:

      – A tout à l'heure. Je vais vous attendre!

      V

      Trois quarts d'heure après, il entrait dans la petite église, toute obscure, où, seule, brûlait la lampe du sanctuaire.

      Claude Suzore était-elle là? L'idée lui traversa le cerveau que, fantasque comme elle semblait l'être, peut-être elle allait avoir changé d'avis et ne viendrait pas…

      A demi-voix, il appela:

      – Mademoiselle Suzore, vous êtes là?

      Nulle parole ne répondit. L'église était déserte. Il en fit le tour, heurtant des chaises dans l'ombre, irrité d'avoir été joué, très déçu aussi…

      Mais, soudain, la porte basse, enfoncée dans l'épaisseur du mur, s'ouvrit de nouveau. Il entrevit une forme mince. Allons, elle venait, fidèle à sa parole. A tort, il avait douté d'elle.

      A son tour, elle demandait:

      – C'est vous qui êtes là? monsieur de Ryeux.

      – Oui; je commençais à avoir peur que vous ne m'ayez oublié.

      – Eh bien, vous voilà rassuré. Installez-vous; je grimpe à l'orgue.

      Comme il s'était rapproché, il distinguait un peu le blanc visage où les yeux dessinaient deux abîmes d'ombre.

      – Je ne puis pas monter avec vous?

      – Oh! non… Vous entendriez très mal. Mettez-vous, au contraire, loin, vers l'autel.

      Il obéit, sentant qu'il ne pouvait faire autrement. Il entendit le pas vif s'éloigner sur les dalles, tourner sur l'escalier étroit. La lueur d'une faible lampe s'alluma dans la tribune, derrière l'harmonium. Il y eut un silence, puis quelques notes d'accord; et la voix du violon s'éleva dans la solitude et l'ombre, ample, vibrante, chaude ainsi qu'une voix humaine, en un son si large et si plein, qu'il écartait toute idée d'un accompagnement possible.

      Alors, Raymond de Ryeux comprit qu'on lui avait dit vrai; cette enfant était une artiste rare qui possédait le don que nulle étude ne pourrait donner.

      Certes, elle avait dû travailler beaucoup pour posséder, si jeune, la science qui donnait à son jeu, cette stupéfiante souplesse. Mais c'était d'elle-même que venait la puissance d'expression qui résultait de ce qu'elle sentait la musique, avec une force, et une profondeur émanées de quelque mystérieux foyer qui brûlait en elle.

      D'abord, il avait écouté curieusement, séduit par l'originalité de cette séance offerte à lui seul. Puis, parce que – comme il le lui avait dit – il goûtait ardemment la musique, il oublia la violoniste, le cadre, absorbé tout entier, âme et cerveau, par le plaisir d'art.

      Le violon se tut. Et comme un altéré, il pria:

      – Oh! encore un peu… Encore!

      L'artiste obéit. Peut-être son orgueil ne voulait rien devoir à l'homme qui, sur la falaise, avait obéi quand elle demandait «encore»!

      Et le chant merveilleux monta de nouveau, s'épanouit avec une pureté grave et passionnée, tombant dans l'âme même de cet homme СКАЧАТЬ