Le chemin qui descend. Ardel Henri
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Название: Le chemin qui descend

Автор: Ardel Henri

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ Les têtes se dressèrent surprises, vers la tribune, où dans l'ombre, les dernières notes vibraient, telles une aérienne et mystérieuse prière.

      Raymond de Ryeux, alors, tressaillit, échappé à l'envoûtement des sons; et, lui aussi, leva la tête vers la tribune. La lampe y était éteinte; et Claude Suzore, déjà, devait être descendue car il n'entendait aucun bruit dans l'étroit escalier, ni pas sur les dalles; sauf celui d'un prêtre, le curé sans doute, qui arrivait à son tour et passait, avec une génuflexion, devant l'autel.

      Rapidement, Raymond de Ryeux sortit, oubliant que Claude lui avait demandé de ne pas la chercher, après qu'elle aurait joué pour lui. Mais, dehors, c'était maintenant la nuit complète. Le petit cimetière blotti autour de l'église était désert; et aussi la route qui montait vers Capelle, où des rafales, venues du large, haletaient à travers les branches.

      VI

      Sortant de son cabinet, Élisabeth Ronal alla appeler, au seuil de la grande salle où les infirmières accomplissaient leur tâche:

      – Claude, tu es là?.. Veux-tu venir un instant?

      La jeune fille releva sa tête brune, courbée vers le membre malade qu'elle entourait d'une longue bande, et, d'un geste inconscient, repoussa en arrière son voile d'infirmière, blanc comme la longue blouse qui l'emprisonnait.

      – Tout de suite, je suis à vous, Élisabeth. J'achève le pansement et je viens.

      Une minute, la jeune femme resta immobile à l'entrée de la salle que parcouraient ses yeux attentifs, errant sur les divers groupes des malades et des infirmières. Et son regard était lumineux d'intelligence profonde et de bonté. Sous la clarté des baies très larges, sa silhouette était toute mince dans la correction du sombre tailleur; la ligne du profil se découpait fine et ferme; les cheveux bruns, rayés, en avant, par une grosse mèche blanche, rejetés autour du front, simplement roulés en arrière, sur la nuque.

      Elle sourit aux pauvres gens qui la saluaient d'un chaud: «Bonjour, docteur», car elle était très aimée. Puis, après un bref conseil à une infirmière qui l'avait appelée, elle laissa retomber la porte et rentra dans son cabinet.

      Humble, s'y tenait une débile créature qui serrait dans ses bras un petit être chétif. Sa forme alourdie annonçait la maternité future. Près d'elle, debout, était une fillette qui paraissait quatre ou cinq ans, les yeux atones, le visage sans couleur; son pauvre corps, si maigre sous la robe, qu'il semblait fait seulement des os de la charpente.

      – Allons, petite Cécile, viens que je voie ton bras, dit doucement Élisabeth, attirant la fillette, dont elle caressa les cheveux serrés en une maigre natte. Puis, avec des gestes légers et vifs, elle enleva le corsage qui recouvrait les épaules étroites. Ses yeux étaient remplis de pitié, observant le pauvre petit corps que rongeait la tuberculose, contre laquelle, la science, hélas! ne pouvait plus rien… L'examen achevé:

      – C'est bien, mon petit, fit-elle, j'ai vu… Tu vas t'asseoir là et attendre bien sagement Mlle Claude qui va venir te chercher pour te panser… Voici un bonbon que tu croqueras pour te distraire… Tu es une raisonnable petite fille!

      Elle rhabillait l'enfant avec le même soin maternel qu'elle avait eu pour la dévêtir. Puis elle se redressa et son regard, alors, tomba sur le corps déformé de la mère. Une sévérité triste assombrit ses yeux.

      – Il faut donc encore vous répéter ce que je vous ai dit l'année dernière. C'est un crime… vous entendez bien, un crime… que vous commettez en vous prêtant à donner la vie à de pauvres êtres dont la santé est détruite à l'avance avec le père qu'ils ont!

      La femme baissa la tête.

      – Quand il revient de l'hôpital, il faut bien que je lui obéisse!..

      Élisabeth eut un geste négatif, et fermement, elle dit:

      – Il y a des limites à l'obéissance. Dites-lui que, quand il ne boira plus, vous consentirez à être mère. S'il ne vous écoute pas, envoyez-le-moi. Je tâcherai de lui faire comprendre qu'il n'est pas permis de créer des êtres, quand c'est pour les destiner sûrement à souffrir, même plus, à mourir…

      La femme baissait toujours plus la tête. Mais avec une figure lasse et butée, elle répéta:

      – Il ne m'écoutera pas. Il me battra si je ne veux pas ce qu'il veut, lui…

      Élisabeth n'insista plus. Elle le savait trop bien qu'elle prêchait l'impossible. Elle avait parlé dans un élan de révolte devant la misère du pauvre corps d'enfant. Mais c'était vrai que, même le voulût-elle, la malheureuse qui se tenait là, avec un air de bête écrasée, ne pouvait résister au maître, et peut-être, d'ailleurs, n'en avait pas le désir. Lui, Élisabeth le connaissait bien, brûlé par l'absinthe; les trois quarts de l'année à l'hôpital, revenant juste au logis pour rendre mère, la misérable qui, passive, voyait ensuite mourir ses petits. A la fin du précédent hiver, elle en avait perdu deux. La gamine qu'Élisabeth venait d'examiner arrivait de Berck; et même la brise iodée, respirée tout l'été, n'avait pu vaincre le mal. Le bébé décharné que la mère serrait sur sa poitrine allait, à son tour, en être la victime… Pour Élisabeth Ronal, c'était une vraie souffrance que de se sentir impuissante… Rien, elle ne pouvait rien… Sinon se dévouer toute, pour soutenir et consoler…

      Claude entrait, svelte sous sa blouse, marquée vers l'épaule de la croix rouge. Échappées au rigide bandeau du voile, quelques boucles frôlaient le front.

      – Claude, vois donc si Mlle de Villebon pourrait maintenant – ou dans peu de temps, – donner le bain fortifiant à ce petit! Asseyez-vous dans la galerie d'attente, madame Lefort. Il y fait bien chaud. Mlle Claude va venir vous donner la réponse; et elle emmènera Cécile pour le pansement.

      Déjà, Claude revenait, un peu haletante d'avoir monté en courant l'escalier du sous-sol où étaient installées les cabines de bain.

      – Dans dix minutes, Mlle de Villebon aura fini avec la petite Baudache. Elle pourra baigner l'enfant.

      – Parfait!.. Vous avez entendu? madame Lefort. Descendez donc avec Mlle Suzore qui va vous conduire à la salle de bains; et pendant que vous déshabillerez votre bébé, elle s'occupera de Cécile. Allons, au revoir, soignez-vous bien aussi. Claude, tu lui donneras un flacon de kola. Ce lui sera bon et tu m'apporteras sa fiche, que je l'annote.

      Tout en parlant, elle appuyait sur le timbre, pour qu'un nouveau visiteur fût introduit.

      Et Claude disparut, guidant la femme qui la suivait, la marche traînante. Elles laissèrent la petite Cécile assise sur la banquette d'attente où Claude allait venir la rechercher; et par un escalier blanc comme l'était tout le dispensaire dont le ripolin avait revêtu les murs, elles descendirent dans le sous-sol, éclairé par de vastes soupiraux. De chaque côté de l'allée, des cabines pour les bains. Des cris d'enfant s'échappaient de certaines, mêlés au bruit des voix. A gauche, une baie ouverte laissait voir la longue pièce, où, devant la table, une infirmière préparait le coton à stériliser et les bandes à pansement. Une autre, devant une armoire béante, atteignait les draps que l'œuvre fournissait avec une couverture pour une quinzaine, et qui, ce temps écoulé, étaient rapportés au blanchissage. Quand Claude passa, un vieux déposait justement le fardeau qu'il rapportait. Il interpella la jeune fille:

      – Eh! madame, je voudrais bien des toiles propres!..

      – Ce n'est pas moi qui les donne. Demandez à Madame, fit-elle, indiquant la jeune femme СКАЧАТЬ