Les protestants à Nimes au temps de l'édit de Nantes. Boulenger Jacques
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СКАЧАТЬ la bonne espérance» qu’on avait de ses études133 et de la nécessité où se trouvaient sa mère et ses sœurs134.

      Nous avons vu par le cas de Jean Terond qu’il ne suffisait pas toujours à une église d’avoir entretenu un proposant, grâce à des sacrifices pécuniaires relativement assez considérables135, pour être assurée de l’avoir plus tard comme pasteur. Le synode allait en effet au plus pressé et fournissait d’abord de ministres les églises tout à fait dépourvues. Ainsi, en 1600, malgré les Nîmois qui réclamaient Terond, celui-ci fut encore prêté pour un an à l’église de Saint-Martin de Boubaux136. Néanmoins, sans approuver les contrats d’engagement dans le genre de celui que Terond avait signé137, les synodes admettaient généralement qu’une église s’acquérait des droits sur un pasteur lorsqu’elle l’avait autrefois «entretenu aux études138». Ce qui était bien interdit aux consistoires, c’était de donner des gages moins élevés à ceux de leurs ministres qu’ils avaient pensionnés comme écoliers139.

      Si je me suis arrêté à étudier en détail les salaires qui pouvaient être alloués à un pasteur et à un proposant dans le colloque de Nîmes, c’est qu’ils nous fournissent un indice sûr de la popularité des ministres et par conséquent de leur influence.

      Or, en ce qui concerne les proposants, le consistoire avait la plus grande peine à les entretenir et n’arrivait pas à leur donner ce qu’il leur avait promis. Il en était de même pour les pasteurs. Les gages qui leur étaient dus ne leur étaient pas versés. Nous verrons que le consistoire ne pouvait obtenir des fidèles les sommes auxquelles il les taxait pour l’entretien du ministère. Un Nîmois déclara qu’«il yroit plus tost baptizer son enfant à la messe que bailher rien à MM. les ministres140».

      Pourtant, il ne faudrait pas croire que l’élément pastoral était en général dédaigné et n’avait pas d’influence. Seulement cette influence n’avait pas de caractère spécial. Le ministre n’a que l’autorité d’un membre du consistoire, peut-être plus respecté que les autres. La pureté de sa vie et son savoir lui valent une grande influence sur les fidèles, mais c’est la même que pourrait avoir un ancien placé dans les mêmes conditions.

      Ce n’est plus l’influence du prêtre. Le principe du libre examen, en effet, donne à chacun le droit de se former son opinion sur le pasteur, de le récuser même. On peut venir en consistoire le reprendre sur sa doctrine141. Certains se livrent à des «enquêtes secrètes» sur «la doctrine et mœurs des pasteurs142». Il se forme en dehors du consistoire des «scindicatz pour diffamer les pasteurs, diminuer leur salaire, les chasser ou en requérir d’aultres» qui envoient des députations aux colloques et aux synodes143. Les conseils de villes ont le droit de nommer des députés pour se plaindre des ministres, et de les «envoyer aux assemblées ecclésiastiques, sans les consistoires144». Enfin, le consistoire peut censurer lui-même son ministre, ainsi que le fit celui de Gignac à M. Rossel qui ne voulait pas lui obéir, et ordonner «l’abaissement des cheveux de sa femme145», s’il ne préfère le faire juger par le colloque146. Chacun dans le troupeau se donne donc le droit de juger et d’apprécier les actes du pasteur de même que ceux d’un simple laïc.

      Il résulte de cela que les ministres ne peuvent avoir sur les fidèles une influence d’un caractère spécial. La leur ne se distingue pas de celle du consistoire. Ils ont plus d’autorité qu’un ancien, mais une autorité du même genre. Et c’est pourquoi leur action sur le peuple ne peut être étudiée séparément de celle du consistoire avec laquelle elle se confond.

      II

      COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT DU CONSISTOIRE

      Composition: Fonctions du «diacre» et de l’«ancien». Nombre des membres du consistoire. Leur élection. Leur classe sociale. Oppositions. Entrée en charge. Division du travail. Employés.

      Fonctionnement: Séances ordinaires. Leurs dates. Leur présidence. «Quorum» obligatoire. Séances de censure. «Consistoires extraordinaires». Ce qu’on entend par «actes consistoriaux».

      Un consistoire se compose de diacres et d’anciens. Ces noms différents impliquaient à l’origine des fonctions distinctes. M. P. de Felice a montré que les diacres furent caractérisés tout d’abord par des devoirs pastoraux147. D’après un document attribué au réformateur Viret148, leur charge «consiste à la réception, distribution et administration des biens dediez aux povres et autres destituez à l’usage de l’église, comme à la nourriture des ministres et autres affaires ordinaires ou survenants149». Leur office est bien distinct de celui des anciens qui ont à «veiller sur les vices et scandales universellement de ceux qui sont du corps de l’église150». La Discipline précise d’une façon analogue les fonctions diaconales. «L’office des diacres (dit-elle) est de recueillir et distribuer par l’avis du consistoire les deniers des pauvres, des prisonniers et des malades, les visiter et en avoir soin151

      Cependant, à Nîmes, à la fin du XVIe siècle, je ne trouve aucune distinction entre les fonctions de diacre et d’ancien. Tout d’abord, les diacres n’ont pas la direction des finances de l’église: en effet, les receveurs des deniers des pauvres et des deniers de l’église sont, au contraire, choisis parmi les anciens152; de plus, un synode provincial déclare responsables de l’entretien du pasteur les diacres et les anciens indistinctement153, et cette décision est acceptée théoriquement par l’église de Nîmes154. Les diacres n’ont pas davantage le devoir particulier de s’occuper des pauvres, car le 16 janvier 1602, le consistoire charge chaque «ancien» d’apporter le rôle de ses pauvres155, et l’hôpital est visité par «ung ministre accompagné d’aulcungz du concistoyre156», non pas spécialement de diacres. – Quant aux fonctions pastorales dont nous parle Viret, elles semblent passer aux proposants: la lecture en chaire est faite par des écoliers157. – En outre, je ne trouve dans le registre aucune mention des diacres-catéchistes dont parle M. de Felice158 (et à propos desquels il signale d’ailleurs que leurs fonctions tendent à passer aux proposants159), ni aucune trace de charges spéciales données aux diacres pendant la Cène160. – Enfin, ceux-ci sont députés aux colloques et synodes au même titre que les anciens161.

      On peut conclure de tout cela que la distinction primitive entre les deux charges de diacre et d’ancien est, à cette époque, complètement abolie dans l’église de Nîmes.

      Le nombre des membres d’un СКАЧАТЬ



<p>133</p>

Délib. du 8 janvier 1597 (fo 153). – Cette somme lui fut envoyée (Délib. du 29 janvier 1597, fo 160).

<p>134</p>

Délib. du 9 avril 1597 (fo 175).

<p>135</p>

V. ci-dessous, chap. III, la difficulté qu’elles avaient à payer les pasteurs.

<p>136</p>

Syn. prov. d’Uzès, séance du 19 mars 1600 (B.P.F., copie Auzière).

<p>137</p>

Ainsi, le syn. prov. de Sauve (1597) déclare que le contrat d’engagement passé par M. Alphonse avec l’église d’Anduze est nul et contraire à la discipline, pour n’avoir été approuvé par une assemblée ecclésiastique, et il exhorte les pasteurs à ne faire aucune formalité semblable, mais à enregistrer seulement leur promesse au livre du consistoire (B. P. F., copie Auzière. – V. aussi Frossard, Recueil de règlements, art. 20).

<p>138</p>

Le syn. nat. de Jargeau (1601) cassa l’ordonnance du syn. prov. d’Uzès citée note 2. (Aymon, Syn. nat., t. I, p. 242). – D’ailleurs le syn. d’Uzès avait reconnu formellement les droits des Nîmois sur la personne de Terond.

<p>139</p>

Cf. une ordonnance du syn. nat. de Montpellier (1598) dans Aymon, Syn. nat., t. I, p. 223.

<p>140</p>

Délib. du consist. du 23 décembre 1598 (loc. cit., fo 254).

<p>141</p>

V. ci dessus, p. 2.

<p>142</p>

Syn. prov. d’Uzès, séance du 21 avril 1603 (B. P. F., copie Auzière).

<p>143</p>

Syn. prov. de Nîmes, séance du 13 mars 1601 (B. P. F., copie Auzière).

<p>144</p>

Syn. prov. de Saint-Germain de Calberte, séance du 12 mai 1599 (Ibid.)

<p>145</p>

Rossel en appela au syn. prov. de Montpellier (1596) qui le censura «griefvement… d’avoir appelé de l’abaissement des cheveux de sa femme» (Ibid.)

<p>146</p>

Syn. nat. de Jargeau (1601) dans Aymon, Syn. nat., t. I, p. 238. – Cf. P. de Felice, Protestants d’autrefois, 3e série, pp. 281-2.

<p>147</p>

Protestants d’autrefois, 3e série, pp. 7-9.

<p>148</p>

Viret naquit en 1511 et mourut avant le 22 avril 1571 (France protestante, 1re édition). Le document dont il s’agit est intitulé La forme de dresser un consistoire; il a été publié par E. Arnaud (Documents protestants inédits) qui l’attribue à Viret (pp. 88-89).

<p>149</p>

Arnaud, op. cit., p. 75.

<p>150</p>

Arnaud, op. cit., p. 72.

<p>151</p>

Discipline, chap. III, art. 5.

<p>152</p>

En 1596, 1597, 1598, 1599, 1601, 1602; je ne connais pas les receveurs de l’année 1600 (Pièce no 1).

<p>153</p>

Frossard, Recueil de règlements, art. 48.

<p>154</p>

V. délib. des 10 décembre 1597 et 9 décembre 1598 (Arch. du consist., B, 90, t. VII, fos 200 et 250).

<p>155</p>

Ibid., fo 455.

<p>156</p>

Délib. du consist. du 8 novembre 1600 (Ibid., fo 371).

<p>157</p>

Cf. ci-dessus, p. 18.

<p>158</p>

Protestants d’autrefois, 3e série, p. 7.

<p>159</p>

Op. cit., p. 9.

<p>160</p>

Guillaume de Reboul, décrivant la cérémonie de la Cène, dit que le pain est distribué par le ministre et les verres par «deux anciens ou diacres» (Salmonées, citées par Puech, Le pamphlétaire Guillaume de Reboul, p. 68).

<p>161</p>

Ainsi le consistoire de Nîmes députe, le 29 mai 1596, au colloque un pasteur et un diacre (loc. cit., fo 30). – Etc.