Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange. Delaborde Jules
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СКАЧАТЬ on connaît du moins la lettre qu'à la suite de ces entretiens elle fit parvenir à Guillaume de Nassau. La voici dans sa gracieuse simplicité98:

      «A monsieur le prince d'Orange.

      »Monsieur, j'ay reçeu la lettre qu'il vous a pleu m'escrire et entendu de ce gentilhomme, présent porteur, l'affaire dont luy avés donné charge de me parler, quy est telle que je n'y puis faire réponce que par le conseil et commandement de monsieur l'Électeur et de madame l'Électrice, auxquels j'ay tout remis; car, me tenant lieu de père et de mère, et recevant de leurs Excellences les mesmes offices et bons traitemens, il est bien raisonnable que je leur rende le debvoir de fille, comme j'y suis obligée. Pour ce qui dépent de ma voullonté, monsieur, il ne sera jamais que je n'estime et honore beaucoup la vostre, avec desir de vous faire service, en ce que Dieu m'en donnera le moïen, lequel je vais supplier vous donner, monsieur, après vous avoir présenté mes bien humbles recommandations à vostre bonne grâce, en santé et prospérité, très heureuse et longue vie.

»Vostre bien humble, à vous faire service.»Charlotte de Bourbon.»à Heydelberg, ce 28 janvier 1575.»

      La délicate réserve dont ces lignes étaient empreintes n'excluait pas, aux yeux de Guillaume, la perspective d'un consentement qui, s'il était obtenu, assurerait son bonheur. Convaincu que la détermination à laquelle Charlotte de Bourbon s'arrêterait ne devait être que le résultat de mûres réflexions, il tint à la laisser s'y livrer à loisir, en demeurant, vis-à-vis d'elle, dans une silencieuse expectative, et à lui prouver, par cela même, combien il respectait la plénitude de sa liberté.

      Les sentiments de la jeune princesse étaient à la hauteur de ceux de Guillaume99. Elle se sonda devant Dieu, n'aspirant qu'à connaître et qu'à suivre sa volonté. Vint le jour où, obtenant, dans le recueillement de la foi, une réponse à ses instantes prières, elle se sentit paternellement amenée par une direction suprême sur le seuil de la voie qu'elle devait suivre, et qu'aplanissait d'ailleurs, devant elle, l'affectueuse approbation de sa sœur aînée, de ses cousins, le roi de Navarre et le prince de Condé, de l'électeur palatin et de l'électrice. Alors elle accepta avec une confiante sérénité d'âme le rôle sacré de compagne d'un homme de foi et d'abnégation, et la mission touchante de maternelle protectrice de ses enfants. Préoccupations, labeurs, fatigues, périls, elle était prête à tout supporter, à ses côtés; car son cœur la portait à devenir pour lui ce qu'elle fut en effet, «une aide fidèle, lui faisant du bien, tous les jours de sa vie100

      L'acceptation si vivement désirée par le prince intervint, à la fin du mois de mars 1575, dans des circonstances que Zuliger, l'un des principaux conseillers de l'électeur palatin, fit connaître à Guillaume, en lui expédiant, le dernier jour de ce même mois, la lettre suivante101:

      «Monseigneur et très illustre prince, le seigneur Mine est revenu de France, portant la mesme résolution du roy de France et de la royne mère, comme Vostre Excellence l'a cognue par l'extrait des lettres dudit de Mine, lequel ay envoyé dernièrement à Vostre Excellence, à sçavoir que le roy ne se veut engager en cest affaire, comme estant contre sa religion; toutesfois que Mademoiselle seroit heureuse de rencontrer une si bonne partie; semblablement a fait la royne mère: et qu'en somme, ils ne trouveront point mauvais ce que Madamoiselle feroit par le conseil du conte palatin, et qu'elle verroit estre son bien, moyennant qu'il ne soit contre le service du roy; toutesfois que cela méritoit bien estre communiqué au duc de Montpensier, son père. Ce nonobstant, il a esté résolu, en présence du conte palatin, du chancelier Ehem et de moy, par Madamoiselle, qu'il ne fust besoing d'attendre le consentement du duc de Montpensier, à cause qu'il ne faut espérer de luy autre responce que du roy, estant de mesme religion, et qu'elle, aïant atteint son parfait âge, ne demande sinon d'obéir au conte palatin en tout ce qu'il luy plairoit de luy conseiller, lequel en cest affaire elle trouve pour père; et qu'ayant le conte palatin trouvé bon et déclaré qu'il ne luy sçauroit desconseiller un parti si honneste et estant de sa religion, Madamoiselle a simplement déclaré en cest affaire d'obéir au conte palatin, et vouloir donner son consentement; ce que le conte palatin m'a commandé de escrire à Vostre Excellence.

      »Car, quant aux autres points, à sçavoir la déclaration de Vostre Excellence, qu'elle veut faire aux parens de l'autre partie, le conte palatin et Madamoiselle la remettent à la suffisance de Vostre Excellence, laquelle fera tout ce qu'elle trouvera convenable, tant pour appaiser lesdits parens, que pour garder l'honneur de Vostre Excellence et de Madamoiselle.

      »Quant au douaire, le conte palatin et Madamoiselle ont entendu ce que Vostre Excellence a résolu touchant la maison de Middelbourg; mais comme Madamoiselle ne demande autre chose, sinon d'attendre et porter avec Vostre Excellence tout ce qu'il plaira à Dieu d'envoyer à Vostre Excellence et Madamoiselle, estant conjoints, ainsy Madamoiselle, comme aussy le conte palatin, ne font aucun doute que Vostre Excellence aura considération du sexe, et des biens que Vostre Excellence pourra avoir en France, soit Aurange ou en la duché de Bourgogne, s'ils ne soyent point obligez aux enfans précédens de Vostre Excellence, afin qu'en tout événement elle puisse avoir de quoy s'entretenir honnestement; car, quant à Messieurs, frères de Vostre Excellence, elle ne voudroit ni Vostre Excellence ni eux discommoder. Car elle ne s'arreste nullement sur ce point, ains le remet aussi bien que les autres à la discrétion et prudhommie de Vostre Excellence, laquelle elle s'asseure bien d'avoir puissance d'y pourvoir autrement. Il ne reste donc sinon la déclaration de Vostre Excellence là dessus, et qu'icelle ordonne du reste qu'il luy plaise que par la permission du conte palatin Madamoiselle face. Car il nous semble estre chose superflue que Vostre Excellence renvoye pour cest affaire au roy; ains suffit de la response susdite; veu aussi que le conte palatin attend de jour en autre la response du frère du roy et du roy de Navarre, ausquels le conte palatin a escrit de vouloir consentir à ce mariage, et adoucir le duc de Montpensier, son père, qu'il le trouve bon.»

      La solution affirmative de la grande question du consentement fut aisément suivie de celle des questions secondaires qui s'y rattachaient, et Charlotte de Bourbon vit, non sans émotion, approcher le moment où elle devrait se séparer de l'électeur et de l'électrice. Sa gratitude envers eux était profonde, et toujours elle sut en prouver la sincérité.

      Heureusement fixé sur la réalisation de ses vœux par la lettre de Zuliger, Guillaume, à qui la gravité des événements s'accomplissant alors au sein de sa patrie ne permettait pas de s'absenter du territoire de celle-ci, pour se rendre à Heydelberg, voulut du moins, qu'en quittant cette résidence, sa noble fiancée, sur le voyage de laquelle se concentrait sa sollicitude, ne s'acheminât vers les Provinces-Unies, que sous la protection d'un personnage dévoué et vigilant. Il avisa, en outre, à ce que son beau-frère le comte de Hohenloo joignit son appui personnel à celui que la princesse devait recevoir de Marnix de Sainte-Aldegonde102.

      Mû par son infatigable dévouement aux intérêts de Guillaume et à ceux de Charlotte de Bourbon, Sainte-Aldegonde vint immédiatement dans le Palatinat se mettre à la disposition de la princesse, et, d'accord avec elle, il prit, sous les yeux de l'électeur et de l'électrice, toutes les mesures nécessaires à l'organisation de son départ, avant que le comte de Hohenloo, dont il ignorait d'ailleurs la mission, fût arrivé à Heydelberg.

      Au moment où il allait quitter cette ville avec la princesse, Sainte-Aldegonde adressa, le 2 mai, au comte Jean de Nassau une lettre étendue103 qui témoignait de son zèle à seconder les intentions du prince dans l'observation des égards et des ménagements auxquels sa noble fiancée avait droit.

      Tandis qu'accompagnée du loyal ami du prince, Charlotte de Bourbon entreprenait un long et fatigant voyage, Guillaume, promptement informé de son départ, en donna avis СКАЧАТЬ



<p>98</p>

Autographe (archives de M. le duc de La Trémoille).

<p>99</p>

Certains historiens des Pays-Bas qualifiaient la princesse de «vray miroir de toute vertu, et de princesse vrayment douée d'une piété singulière.» (Voir Lepetit, la Grande chronique de Hollande, Zélande, etc., t. II, p. 301. —Hist. des troubles et guerres civiles des Pays-Bas, par T. D. L., 1 vol. in-12, 1582, p. 358. Ouvrage attribué au prédicateur Ryckwaert d'Ypres.)

<p>100</p>

Genèse, chap. II, v. 18. —Proverbes, chap. XXXI, v. 12.

<p>101</p>

Groen van Prinsterer, Correspondance, 1re série, t. V, p. 165.

<p>102</p>

Voir Appendice, no 5.

<p>103</p>

Groen van Prinsterer, Correspondance, 1re série, t. V, p. 192.