Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange. Delaborde Jules
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СКАЧАТЬ recommandée. A ceste cause, mademoiselle, après vous avoir très humblement remercié du très grand bien et plaisir qu'avons promptement receu par vostre moïen, des sainctes consolations et vertueux enseignemens qu'il vous a pleu nous adresser par vos lettres, avec les offres tant honnestes et amyables, accompagnées d'une vifve démonstration de la charité chrestienne que pouvons espérer et attendre de vous, nous vous supplions très humblement, mademoiselle, nous faire cest honneur de croire que mettrons si bonne peine et diligence, avec la grâce de Dieu, à suivre le droit chemin de vertu et vraye piété, que toutes les contrariétés et grandes difficultés qui se présentent à nous, en ce bas âge, ne pourront nous en fermer le passage. Que si nostre bon Dieu, prenant compassion de notre calamité, comme avons bonne espérance qu'avec le temps il fera, nous relève de ceste oppression très dure, et qu'ayons moïen de vous faire très humble service, nous osons bien vous promettre, mademoiselle, que jamais n'aurés serviteurs plus humbles ni plus affectionnés pour recevoir et obéir à tous vos commandemens, quand il vous plaira les nous faire entendre; et sur ceste assurance d'avoir cest honneur que serons creus de vous, mademoiselle, nous supplions l'Eternel, nostre bon Dieu, qu'il luy plaise vous maintenir très longuement, mademoiselle, en très bonne santé et heureuse vie, pour servir à sa gloire et à la consolation et soulagement des pauvres affligez.

»Vos très humbles et obéissans serviteurs,»Chastillon, Andelot.»De Basle, ce 1er juin 1573.»

      Peu de temps après avoir donné, dans sa correspondance avec les fils de Coligny, une preuve de l'affectueux intérêt qu'elle prenait à leur situation, la princesse fut, en ce qui concernait l'atténuation des rigueurs imposées à la sienne par la dureté et l'avarice de son père, l'objet d'une démarche officielle que tentèrent auprès de Charles IX les ambassadeurs polonais venus en France, à l'occasion de l'élévation du duc d'Anjou au trône de leur patrie.

      Ces ambassadeurs firent entendre au monarque devant lequel ils se présentaient d'énergiques paroles60. Après avoir réclamé en faveur des droits et des intérêts de la généralité des protestants français, ils dirent61: «Nous conjoignons aussi à ces causes les requestes de beaucoup de princes d'Allemaigne et les larmes de tant de milliers de personnes qui, chassées de leur pays, sont en Allemaigne, Suisse et autres lieux, lesquelles ayant estimé que nostre intercession vaudroit beaucoup, en ce temps, envers Vostre Majesté, n'ont cessé, en présence, quand elles nous ont rencontrés, et par lettres, de nous prier et supplier d'employer toute la faveur et crédit que Dieu, par sa puissance et grâce nous donneroit, tant envers Vostre Majesté que nostre sérénissime esleu, à ce qu'il y ait paix en France, et que les innocens et affligés soient soulagés. Parquoy la pitié et les requestes de ceux auxquels nous n'avons pû ne dû refuser ce que nous pouvons en cest endroist, font que nous supplions Vostre Majesté que, selon sa royale clémence et bénignité envers les siens, il luy plaise pourvoir et remédier à une si longue et grande calamité d'armes civiles, par une équitable et très ferme paix.»

      L'histoire atteste62 «qu'outre ceste requeste pour ceux de la religion, ces nobles ambassadeurs en firent d'autres pour divers particuliers, de la part desquels ils en avoient esté suppliez, notamment pour mademoiselle de Bourbon, jadis abbesse de Jouarre, fille du duc de Montpensier, laquelle ayant quitté l'habit, s'étoit retirée en Allemaigne, chez l'Electeur palatin, où elle fut receue honorablement. Ce qu'ils demandoient pour elle estoit qu'il pleust au roy faire tant envers le duc de Montpensier, que sa fille eust de quoy s'entretenir selon le rang qu'elle devoit tenir, estant fille d'un prince du sang.»

      Le généreux langage des ambassadeurs polonais se perdit dans le bruit des pompes et des fêtes par lesquelles seules la cour de France prétendait honorer leur présence; aucun droit ne fut fait à leurs légitimes demandes63, et une grande iniquité de plus vint ainsi s'ajouter à tant d'autres déjà commises.

      L'électeur palatin, qui très probablement avait invité les ambassadeurs polonais à intercéder en faveur de Charlotte de Bourbon, donna-t-il à celle-ci, après l'échec de la démarche tentée par ces ambassadeurs vis-à-vis de Charles IX, le conseil de s'adresser directement à la reine mère? Il est permis de supposer que oui, quand on voit la jeune princesse, trop réservée pour se décider seule à entrer en rapports avec l'autorité souveraine, entretenir d'une affaire qui la concernait personnellement Catherine de Médicis, dans une correspondance que semble clore la lettre suivante64:

      «Madame, d'aultant que l'estat de mon affaire dépend seulement de vostre grâce, j'ay prins, encores à ceste fois, la hardiesse de supplier très humblement Vostre Majesté d'en user envers moy, à qui vous laisserez un perpétuel devoir de prier Dieu qu'il vous conserve vostre santé, madame, en très heureuse et très longue vie. De Heidelberg, ce 8 novembre 1573.

      »Vostre très humble et très obéissante subjecte et servante,

      »Charlotte de Bourbon.»

      Il y a lieu de croire que l'affaire dont il s'agissait dans cette lettre concernait la situation de la princesse vis-à-vis de son père.

      Quoi qu'il en soit, rien ne changea encore dans les dispositions du duc à l'égard de Charlotte. Il persista à refuser de l'assister, à Heydelberg, et de recevoir d'elle la moindre communication. Son obstination demeurait telle, qu'elle ne fut même pas ébranlée par les démarches officieuses que la reine d'Angleterre chargea, à diverses reprises, ses ambassadeurs d'accomplir, en France, dans l'intérêt de la jeune princesse65.

      Sur ces entrefaites, arriva à Heydelberg, dans les derniers jours de l'année 1573, un homme pervers, pour lequel Charlotte de Bourbon éprouvait une répulsion que ne justifiait que trop, à ses yeux, le triple titre d'ennemi personnel de ses cousins, le roi de Navarre et le prince de Condé, d'insolent et vil auteur des infortunes domestiques de ce dernier, et de promoteur du meurtre de Coligny, ainsi que de tant d'autres personnages. Cet être dégradé était le duc d'Anjou, qui, élu roi de Pologne, s'acheminait alors vers Varsovie, en compagnie de plusieurs seigneurs66, et ne pouvait se dispenser d'aller, avec eux, saluer l'électeur palatin. Une telle obligation lui pesait, car il devait nécessairement se trouver déplacé et mal à l'aise dans le milieu essentiellement honnête, digne et ferme qu'il allait aborder.

      De même que l'électeur et l'électrice, Charlotte de Bourbon se résigna à subir la présence de l'odieux visiteur et de son entourage.

      «Frédéric III, rapporte d'Aubigné67, averti des hôtes qui lui venoient, ne voulut point faire paroistre beaucoup de gens armez, pour bonne considération; et cela fut la première frayeur du roi de Pologne et des siens, qui estimoient les gens de guerre cachez pour leur faire un mauvais tour. Ce vieil prince n'oublia, à sa réception, rien d'honnesteté et aussi peu de sa gravité. Il mena ce roi pourmener dans une galerie de laquelle le premier tableau estoit celui de l'amiral de Coligny, le rideau tiré exprès. A cette vue, le palatin ayant vû changer de couleur son hoste, voilà, dit-il, le portrait du meilleur François qui jamais ait esté68, et en la mort duquel la France a beaucoup perdu d'honneur et de sûreté; tesmoin les lettres qui furent trouvées en sa cassette, par lesquelles il instruisoit son roi des cautions qui lui estoient nécessaires au traitement des princes les plus proches, et de mesme pour les affaires d'Angleterre. Nous avons receu qu'on fit lire cet escrit à Mgr d'Alençon, vostre frère, et à l'ambassadeur d'Angleterre, en leur demandant: eh bien! étoit-ce là vostre bon ami, comme vous estimiez? on nous a encores dit que leur responce, bien que non concertée, fut pareille et telle: ces lettres ne nous assurent point comment il estoit nostre ami, mais elles monstrent bien qu'il estoit СКАЧАТЬ



<p>60</p>

Mém. de l'Estat de France sous Charles IX, t. III, p. 6 à 15. – La Popelinière, Hist., t. II, liv. 36, fos 196, 197, 198. – Du Bouchet, Hist. de la maison de Coligny, p. 569.

<p>61</p>

Mém. de l'Estat de France sous Charles IX, t. III, p. 8.

<p>62</p>

Mém. de l'Estat de France sous Charles IX, t. III, p. 14, 15.

<p>63</p>

«Le roi, dit de Thou (Hist. univ., t. V, p. 6), éluda leurs demandes sous prétexte qu'elles n'intéressoient en rien la Pologne.»]

<p>64</p>

Bibl. nat., mss., f. Colbert, Ve vol. 397, fo 947.

<p>65</p>

Calendar of state papers, foreign series: 1o The queen to Dr Valentin Dale, 3 février 1574; – 2o Dr Dale to the queen, 19 février 1574; – 3o Answer, 8 mars 1574; – 4o Instruction to lord North in special embassy to the French king, 5 octobre 1574.

<p>66</p>

Sa suite se composait du duc de Nevers, du duc de Mayenne, du marquis d'Elbeuf, de Jacques de Silly, comte de Rochefort, du comte de Chaunes, de Jean Saulx-Tavannes, vicomte de Lagny, de Louis P. de la Mirandole, de René de Villequier, de Gaspard de Schomberg, d'Albert de Gondi, maréchal de Retz, de Roger de Bellegarde, de Belville, de Jacques de Levi de Quélus, de Gordes, des frères de Balzac d'Entragues, et de plus de six cents autres Français, tous gentilhommes. Il y avait, en outre, Pomponne de Bellièvre qui suivait le prince en qualité d'ambassadeur de France à la cour de Pologne, Gui du Faur de Pibrac, Gilbert de Noailles et Vincent Lauro, évêque de Mondovi, ministre du pape. (De Thou, Hist. univ., t. V, p. 21.)

<p>67</p>

Hist. univ., t. II, liv. II, ch. XIV.

<p>68</p>

Rappelons ici ces belles paroles que, quelques années auparavant, Frédéric III avait adressées à l'amiral: «Gratulamur tibi quod, præ cæteris, posthabitis omnibus iis rebus quas mundus amat, suscipit et admiratur, totus in propagatione gloriæ Dei acquiescas; nec dubitamus quin Deus his tuis conatibus felicem et exoptatum successum sit daturus, quos nos arduis ad Christum precibus juvare non cessabimus.» (Lettre du 23 mai 1561, ap. Kluckhohn, Briefe Friederich des frommen, Kurfürsten von der Pfalz, 1868, in-8o, t. Ier, p. 179). – L'électeur palatin, Frédéric III, a rédigé, sur son entrevue à Heydelberg avec le roi de Pologne, un récit en allemand, qui a été imprimé dans un recueil intitulé: Monumenta pietatis et litteraria virorum in re publica et litteraria illustrium selecta, Francfort, 1701, in-4o, et que reproduit le tome IV des œuvres de Brantôme (édit. L. Lal.), à l'appendice, p. 412 et suiv.