Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange. Delaborde Jules
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СКАЧАТЬ href="#n74" type="note">74, qui, ayant échappé au massacre de la Saint-Barthélemy, était, ainsi qu'elle se plaisait à le dire75, «receue avec beaucoup d'honneur et d'amytié par M. le duc et Mme la duchesse de Bouillon.» La princesse savait, de plus, qu'à Sedan se trouvait également un jeune Français singulièrement recommandable par la noblesse de ses sentimens et par la rare maturité de son caractère, Philippe de Mornay, seigneur du Plessis, Marly, etc., etc., investi de la confiance du duc et de la duchesse, dont il avait conquis l'affection76; qu'il soutenait d'excellents rapports, avec nombre de personnes notables de la ville et du dehors; «qu'il étoit aussi visité journellement de plusieurs ministres et autres gens de lettres; et qu'il ne se passoit affaires, tant pour les troubles de France et la cause de la religion, que pour l'estat particulier de M. de Bouillon, qui ne luy feust communiqué77

      Charlotte de Bourbon, connaissant les liens étroits qui attachaient à sa sœur et à son beau-frère Mme de Feuquères et Philippe de Mornay, se félicitait de leur présence à Sedan, et se reposait sur eux du soin de continuer à assister de leur affection et de leur dévouement ces deux membres de sa famille qui lui étaient particulièrement chers.

      Vers la fin de l'année 1574, elle eut la douleur de voir brisé pour toujours le bonheur domestique de sa sœur, par la mort du duc de Bouillon78.

      Un fait qui précéda de bien peu les derniers moments de ce prince, demeurera dans l'histoire comme un titre d'honneur indissolublement attaché à sa mémoire, ainsi qu'à celle de sa fidèle et courageuse compagne. Voici ce fait, tel que Mme de Feuquères le consigna dans ses Mémoires79, alors qu'elle était devenue Mme de Mornay:

      «Tout cest hyver M. de Bouillon ne feit que languir et traisner; et estoit tout commun qu'il ne pouvoit reschapper, et qu'il avoit esté empoisonné au siège de La Rochelle. Cependant Mme de Bouillon, sa mère, l'estoit venu voir, et craignoit-on fort que, survenant la mort de M. de Bouillon, son filz, elle se saisist du chasteau de Sedan, attendu mesmes que plusieurs avoient mauvaise opinion du sieur des Avelles, qui en estoit gouverneur. L'église de Sedan estoit belle par le nombre des réfugiés. M. Duplessis (Ph. de Mornay), qui en prévoyoit avec beaucoup de gens la dissipation, après avoir tenté plusieurs et divers moyens, s'avisa d'en communiquer avec le sieur de Verdavayne, mon hoste, médecin de mondit seigneur de Bouillon, homme fort religieux et zélé. Ilz prinrent résolutions que le sieur de Verdavayne déclareroit à Mme de Bouillon, sa femme, qui estoit lors en couche, l'extrême maladie de M. de Bouillon, son mary, et le danger qu'il y avoit, en cas qu'il pleust à Dieu de l'appeler, que madame sa belle-mère, qui estoit fort contraire à la religion80, par le moyen du sieur des Avelles, ne se saisist de la place, pour en faire selon la volonté du roy81. – Elle, après l'avoir ouy, toute affligée qu'elle estoit, se délibéra d'en escrire à M. de Bouillon qui estoit en une autre chambre, lequel, après avoir veu sa lettre, la voulant voir pour en communiquer avec elle, elle se feit doncq porter en sa chambre, et après résolution prise entr'eux, fut reportée en son lict. – Le lendemain M. de Bouillon envoyé quérir ses plus confidens, particulièrement fait prier M. Duplessis de s'y trouver, et avec eux esclarcit les moyens d'effectuer sadicte résolution; puis appelle tous ceux de son conseil et les principaux de sa maison, et leur déclare que, pour certaines causes, M. des Avelles ne pouvoit plus exercer sa charge, et pour ce, sur-l'heure mesme, luy ayant demandé les clefz, les mit ès mains de MM. Duplessis, de La Laube, d'Espan, d'Arson, et de La Marcillière, conseiller au grand conseil, pour, appelés les officiers et gardes du chasteau, leur déclarer l'intention dudict seigneur duc de Bouillon, et les remettre ès mains dudict sieur de la Lande, lieutenant de sa compagnie. – Ainsi, ceste place forte fut asseurée, et le sieur des Avelles s'en partit dans vingt-quatre heures; et, deux jours après, mourut M. de Bouillon fort chrestiennement, remettant madame sa femme, messieurs ses enfans, et son estat soubs la conduite de Dieu; et y demeurasmes, nonobstant sa mort, non moins paisiblement que auparavant.»

      Plus Charlotte de Bourbon était attachée à la duchesse, sa sœur, plus elle souffrait de la voir, jeune encore, vouée au veuvage, sans rencontrer dans la famille de son mari, pour elle et ses enfants, l'appui et la sympathie que sa position et la leur commandaient. Aussi, éprouva-t-elle un allègement à ses préoccupations fraternelles, en acquérant la conviction que la duchesse pouvait compter du moins sur le concours de l'électeur palatin, auquel le duc de Bouillon avait confié, ainsi qu'au duc de Clèves, l'exécution de ses dernière volontés, et sur le dévouement à toute épreuve de Mme de Feuquères et de Philippe de Mornay.

      Avec l'année 1575 allait s'ouvrir, pour Charlotte de Bourbon, la phase la plus solennelle de sa vie, que feront connaître les développements qui vont suivre.

      CHAPITRE III

      Impression produite par Charlotte de Bourbon sur Guillaume de Nassau. – Résumé de la vie de ce prince jusqu'à la fin de l'année 1574. – Il demande la main de Charlotte de Bourbon. Mission de Marnix de Sainte-Aldegonde à cet égard. – Réponse de Charlotte. – La demande du prince est définitivement accueillie. – Lettre de Zuliger à ce sujet. – Le prince, ne pouvant s'absenter des Pays-Bas, confie à Marnix de Sainte-Aldegonde le soin de se rendre à Heydelberg et de s'y tenir à la disposition de Charlotte de Bourbon pour l'accompagner dans le voyage qu'elle doit entreprendre. – La jeune princesse se dirige, avec Marnix de Sainte-Aldegonde, vers Embden, où l'attendent des vaisseaux de guerre destinés à protéger son trajet par mer jusqu'à l'une des côtes des Provinces-Unies. —Résolutions des états de Hollande à l'occasion de la prochaine arrivée de Charlotte de Bourbon. – La princesse arrive à La Brielle, où son mariage avec Guillaume de Nassau est célébré le 12 juin 1575. – Les nouveaux époux se rendent de La Brielle à Dordrecht. – Chaleureux accueil qu'ils reçoivent dans ces deux villes. – Chant composé en leur honneur.

      Femme d'élite, au noble sens de ce mot, Charlotte de Bourbon alliait à une foi vivante le double apanage de la supériorité du cœur et de celle de l'esprit. La dignité personnelle rehaussait, en elle, le charme d'une beauté morale et physique82, qui se reflétait dans la grâce de son langage et l'affabilité de ses manières. Aimante et douce, avant tout; d'autant plus compatissante, qu'elle avait profondément souffert; énergique et fidèle dans l'expansion de son dévouement à la cause des faibles et des infortunés de tout genre; associant à la générosité de sentiments la justesse et l'élévation d'idées, à la fermeté de convictions la rectitude d'actions et de paroles; sympathique enfin à tout ce qui était juste, salutaire et grand, elle exerçait sur quiconque avait accès auprès d'elle l'irrésistible ascendant par lequel se caractérise, dans la délicate sérénité d'une âme chrétienne, l'empire de la véritable bonté.

      Aussi, de quels vœux sincères n'était-elle pas l'objet, à Sedan, à Heydelberg et ailleurs, de la part de toute âme qui, unie à la sienne par les liens de l'amitié ou de la gratitude, se préoccupait du soin de son bonheur! On ne se bornait pas à désirer que, affranchie désormais d'une situation isolée et dépendante, elle occupât, dans les hautes régions de la société, le rang dont, à tous égards, elle était digne; on aspirait surtout à voir son cœur aimant et dévoué s'épanouir dans les saintes affections de la famille, à un foyer domestique dont elle serait l'honneur et l'égide.

      Nul, dans le secret de ses émotions et de ses pensées, sous le poids d'une existence douloureusement solitaire, n'aspirait avec plus d'ardeur au changement de situation de la jeune princesse, qu'un homme éminent, dont elle avait naguères, à Heydelberg même, fortement impressionné le généreux cœur par l'attrait de ses vertus et de ses rares qualités, aussi bien que par la grandeur de son infortune et par la dignité avec laquelle elle la supportait. Cet homme СКАЧАТЬ



<p>75</p>

Mém. de Mme de Mornay, édit. de 1824, t. Ier, p. 71.

<p>76</p>

Philippe de Mornay, en 1572, était âgé de vingt-trois ans.

<p>77</p>

Mém. de Mme de Mornay, édit. de 1824, t. Ier, p. 82.

<p>78</p>

Henri-Robert, duc de Bouillon, mourut le 2 décembre 1574. Il eut pour successeur Guillaume-Robert, son fils aîné, âgé de douze ans.

<p>79</p>

Mém. de Mme de Mornay, édit. de 1824, t. Ier, p. 84, 85. – Voir aussi l'Histoire de la vie de messire Philippe de Mornay, Leyde, in-4o.

<p>80</p>

Elle était fille de Diane de Poitiers, et avait hérité de la haine de celle-ci contre les protestants, ainsi que de l'âpre cupidité qui la poussait à s'enrichir de leurs dépouilles.

<p>81</p>

On voit par là que Mme de Bouillon mère était de la même école que le duc de Montpensier, et qu'elle n'avait pas plus de ménagements pour son fils, que Louis de Bourbon II n'en avait pour sa fille aînée; car, si la duchesse de Bouillon était exposée aux obsessions tenaces de son père, en matière religieuse, le duc de Bouillon, de son côté, avait à redouter et à déjouer les coupables manœuvres de sa mère, hostile à la religion réformée qu'il professait, et, par voie de conséquence, aux droits dont il était investi, dans l'étendue de son duché.

<p>82</p>

De Thou (Hist. univ., t. V, p. 166) dit en parlant de Charlotte de Bourbon: «C'estoit une princesse d'une grande beauté et de beaucoup d'esprit.» – Un autre écrivain dit: «Si le visage de cette princesse avoit de la sérénité et de la majesté, tout ensemble et des grâces non communes, son esprit avoit encore plus de beauté, et ses vertus, des attraits indicibles. (Mémoires sur la vie et la mort de la sérenissime princesse Louyse-Julianne, Electrice palatine, Leyde, 1625, 1 vol. in-4o.)