Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange. Delaborde Jules
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СКАЧАТЬ avait été la vie, soit privée, soit publique de ce prince, jusqu'à la fin de l'année 1574, et dans quelles circonstances nourrissait-il le désir d'unir son sort à celui de Charlotte de Bourbon? c'est ce qu'il importe de préciser, au moins sommairement.

      Fils de Guillaume le Riche et de Julie de Stolberg, femme d'une profonde piété, Guillaume Ier, de Nassau, dit le Taciturne naquit, en 1533, au château de Dillembourg.

      Il tenait de son père, à titre héréditaire, des domaines situés dans les Pays-Bas, et de René de Nassau, son cousin, la principauté d'Orange enclavée dans le territoire de la France.

      Élevé à Bruxelles et attaché comme page à la personne de Charles-Quint, il sut si bien, grâce à une rare pénétration d'esprit et à une grande droiture de caractère, se concilier la faveur et l'affection de ce monarque, que, dès l'âge de quinze ans, il devint en quelque sorte son confident.

      A dix-huit ans, il épousa la plus riche héritière des Pays-Bas, Anne d'Egmont, fille de Maximilien, comte de Buren.

      A vingt et un ans, il fut appelé par l'empereur, en l'absence du duc de Savoie, au commandement en chef de l'armée qui occupait alors la frontière de France.

      Quand se tint, à Bruxelles, en 1555, la séance solennelle de l'abdication, ce fut en s'appuyant sur l'épaule de Guillaume de Nassau, que Charles-Quint se présenta à l'assemblée qu'il avait convoquée.

      Le jeune favori fut chargé de remettre à Ferdinand la couronne impériale.

      En 1558, Anne d'Egmont mourut, laissant deux enfants, Philippe-Guillaume et Marie, issus de son union avec le jeune prince.

      Après avoir pris une large part aux opérations militaires dont la Picardie fut le théâtre en 1557 et 1558, et aux négociations qui aboutirent, en 1559, au traité de paix du Cateau-Cambrésis, Guillaume de Nassau vint en France avec le duc d'Albe.

      A la mission que ce duc devait accomplir auprès de la jeune princesse accordée en mariage à Philippe II, s'ajoutait une mission secrète, celle de se concerter avec Henri II, sur les moyens à employer pour procéder en France, parallèlement à la marche qui serait suivie en Espagne et dans les Pays-Bas, à l'extermination des protestants. Satisfait des entretiens qu'il avait eus avec le duc d'Albe, Henri II en fit part à Guillaume de Nassau, qui, encore dépourvu de convictions religieuses précises, mais du moins ennemi décidé de toute intolérance et de toute persécution, se disait catholique, et ne l'était que de nom84. Ému d'indignation, à l'ouïe du langage de Henri, Guillaume toutefois se contint si bien, qu'il dut, en partie, son surnom de Taciturne85 a l'impertubable sang-froid dont il fit preuve en cette circonstance, au sujet de laquelle il a écrit86: «Je confesse que je fus lors tellement esmeu de pitié et compassion envers tant de gens de bien qui estoient vouez à l'occision, que dès lors j'entrepris, à bon escient, d'aider à faire chasser cette vermine d'Espaignols hors de ces païs.» Ce fut ainsi que la vocation du Taciturne comme futur fondateur de l'indépendance des provinces unies des Pays-Bas, et comme promoteur de la liberté religieuse au sein de ces provinces, se décida soudainement, en France, aux côtés et à l'insu du royal oppresseur des chrétiens évangéliques.

      Revenu à Bruxelles, Guillaume fut douloureusement affecté par la mort de son père87.

      Sous l'influence de l'émotion que lui avait récemment causée le langage du roi de France, il souleva, dans les Pays-Bas, une vive opposition à la présence des troupes espagnoles; et, sans partager encore les convictions religieuses des protestants, il se prit cependant de compassion pour eux, et résolut de les soustraire aux persécutions. Il y réussit maintes fois, notamment lorsque, chargé, en qualité de stathouder de Hollande, de Zélande et d'Utrecht, de faire châtier et périr une foule d'innocents, il leur ménagea des moyens d'évasion; croyant en cela «qu'il valoit mieux obéir à Dieu qu'aux hommes88».

      Des circonstances politiques auxquelles se subordonnait, malheureusement pour lui, le soin de ses intérêts privés, l'amenèrent à contracter, en 1561, une nouvelle alliance avec Anne de Saxe, fille du célèbre électeur Maurice, mort depuis quelques années. De cette union naquirent un fils, Maurice, et deux filles, Anne et Émilie.

      La marche des événemens ayant, d'année en année, aggravé la situation générale des Pays-Bas, Guillaume de Nassau provoqua, avec d'autres seigneurs, le renvoi du cardinal Granvelle, comme troublant ces pays par sa désastreuse administration.

      On vit alors le prince se consumer en de longs efforts dans une lutte engagée contre la politique persécutrice de Philippe II, et s'attacher à apaiser la fermentation des esprits justement indignés.

      Quand, pour opprimer les populations et les livrer en proie aux horreurs de l'inquisition, le duc d'Albe se dirigea vers les Pays-Bas, à la tête d'une armée, Guillaume écrivit à Philippe qu'il se démettait de toutes ses charges et se retirait dans le comté de Nassau.

      Sommé de comparaître devant le conseil des troubles, surnommé le conseil de sang, il répondit par un refus formel de se soumettre à cette juridiction monstrueuse, qui aussitôt fulmina contre lui une condamnation, et il proclama hautement que les Espagnols voulaient, à force d'excès, pousser les Pays-Bas à la révolte, afin de les décimer par une répression sanguinaire.

      En concours avec le conseil de sang agissait le saint-office qui, aux termes d'une sentence du 16 février 1568, confirmée par décision royale du 26 du même mois, condamna à mort tous les habitans des Pays-Bas, à titre d'hérétiques89. La cruauté se confondait ainsi, chez les persécuteurs, avec le délire.

      Le jeune comte de Buren, fils aîné de Guillaume, fut arraché à l'université de Louvain et entraîné en Espagne.

      Atteint ainsi comme père, proscrit, dépouillé de ses biens par voie de confiscation, mis hors la loi, mais fort de sa conscience, de son patriotisme et de sa sympathie pour la cause de la réforme, dont il faisait désormais sa propre cause, Guillaume s'érigea résolument, contre la tyrannie, en défenseur des droits de la nation et des sectateurs de la religion réformée, à laquelle il déclarait expressément adhérer.

      Ce fut là plus qu'un pas décisif dans sa carrière: ce fut un acte d'une immense portée; car la foi chrétienne, en s'emparant alors de son âme, lui imprima une direction suprême et le doua d'une indomptable énergie dans l'accomplissement des devoirs ardus qui s'imposaient à lui.

      Bientôt il leva, à ses frais, une armée en Allemagne, et la fit entrer en Frise sous le commandement de son frère, Louis de Nassau, qui, quels que fussent ses valeureux efforts, essuya une défaite.

      Sans se laisser décourager par cet insuccès, Guillaume leva, toujours à ses frais, une autre armée, à la tête de laquelle il entra dans le Brabant, mais sans réussir à attirer le duc d'Albe au combat.

      Suivi par douze cents hommes qu'il s'était réservés, et accompagné de ses frères Louis et Henri, il se joignit au duc de Deux-Ponts, qui s'avançait en France, au secours des réformés, y prit part à divers combats, et ne se retira momentanément dans le comté de Nassau que pour y préparer, en faveur des Pays-Bas, une nouvelle levée de troupes.

      Le conseil que l'amiral de Coligny donna alors à Guillaume d'organiser un armement maritime fut éminemment utile à ce courageux chef; car, avec l'appui des gueux de mer, plus heureux dans leurs entreprises que ne l'avaient été jusque-là СКАЧАТЬ



<p>84</p>

«Quant à ceux qui avoient la cognoissance de la religion, je confesse que je ne les ai jamais haïs, car, puisque, dès le berceau, j'y avois été nourri, monsieur mon père y avoit vécu, y estoit mort, ayant chassé de ses seigneuries les abus de l'Eglise, qui est-ce qui trouvera estrange si ceste doctrine estoit tellement engravée en mon cœur et y avoit jecté telles racines, qu'en son temps elle est venue à apporter ses fruicts? Car combien, pour avoir esté, si longues années, nourri en la chambre de l'empereur, et estant en âge de porter les armes, que je me trouvai aussitôt enveloppé de grandes charges ès armées, pour ces raisons, dis-je, et veu le peu de bonne nourriture, quant à la religion, que nous avions, j'avois lors plus à la teste les armes, la chasse et autres exercices de jeunes seigneurs, que non pas ce qui estoit de mon salut: toutefois, j'ai grande occasion de remercier Dieu, qui n'a pas permis ceste sainte semence s'étouffer, qu'il avoit semée luy-mesme en moy; et dis dadvantage, que jamais ne m'ont plû ces cruelles exécutions de feux, de glaive, de submersions, qui estoient pour lors trop ordinaires à l'endroit de ceux de la religion.» (Apologie de Guillaume de Nassau, prince d'Orange, contre l'édict de proscription publié en 1580 par Philippe II, roi d'Espagne, Bruxelles et Leipzig, 1 vol. in-8o, p. 87, 88.)

<p>85</p>

Loin d'être taciturne, il se montrait au contraire si bien doué d'expansion et d'affabilité, qu'on a dit de lui: «C'étoit un personnage d'une merveilleuse vivacité d'esprit… jamais parole indiscrète ou arrogante ne sortait de sa bouche par colère, ni autrement; mesmes si aulcuns de ses domestiques luy faisoient faulte, il se contentoit de les admonester gracieusement, sans user de menaces ou propos injurieux; il avoit la parole douce et agréable, avec laquelle il faisoit ploïer les aultres seigneurs de la court, ainsy que bon luy sembloit; aimé et bien voulu sur tous aultres, pour une gracieuse façon de faire, qu'il avoit, de saluer, caresser, et arraisonner familièrement tout le monde.» (Mémoires de Pontus Payen, Bruxelles, Leipzig et Gand, 1861, in-8o, t. Ier, p. 42). – On lit dans un récit manuscrit, intitulé: Troubles des Pays-Bas (Bibl. nat., mss., f. fr., vol. 24.179): «Quand Guillaume de Nassau parloit, sa conversation étoit séduisante; son silence même étoit éloquent; on pouvoit lui appliquer le proverbe italien: Tacendo parla, parlando incanta.»]

<p>86</p>

Apologie précitée, p. 88.

<p>87</p>

Il existe une touchante lettre de lui sur ce grave sujet (Groen van Prinsterer, Corresp., 1re série, t. Ier, p. 47. Lettre du 15 octobre 1559, datée de Bruxelles). On y rencontre l'expression des louables sentiments qui l'animaient comme fils et comme frère, et auxquels il demeura fidèle.

<p>88</p>

Apologie précitée, p. 109.

<p>89</p>

J. – F. Lepetit, la Grande chronique de Hollande, Zélande, etc., in-fo, t. II, p. 174, 175, 176.