Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange. Delaborde Jules
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СКАЧАТЬ peu d'entendement, a tendu toujours à cela, de ne me soucier de paroles, ni de menasses, en chose que je peusse faire avecq bonne et entière conscience, et sans faire tort à mon prochain, mesme là où je fûsse asseuré d'y avoir vocation légitime et commandement exprès de Dieu.

      »Et de faict, si j'eûsse voulu prendre esgard au dire des gens, ou menasses des princes, ou aultres semblables difficultez qui se sont présentées, jamais je ne me fûsse embarqué en affaires et actions si dangereuses et tant contraires à la volonté du roi, mon maistre du passé, et mesmes au conseil de plusieurs miens parens et amys. Mais, après que j'avois veu que ny humbles prières, ny exhortations ou complaintes, ny aultre chose, quelle qu'elle fûst, y peust servir de rien, je me résoluz, avecq la grâce et aide du Seigneur, d'embrasser le faict de ceste guerre, dont encoires ne me repens, mais plus tost rendz grâce à Dieu, qu'il luy a pleu avoir esgard par sa miséricorde à la rondeur et sincérité de ma conscience, lorsqu'il me donnoit au cœur de ne faire estat de toutes ces difficultés qui se présentoient, pour grandes qu'elles fussent.

      »Je dis aussy tout le mesme à présent de ce mien mariage, que, puisque c'est chose que je puis faire en bonne conscience, devant Dieu, et sans juste reproche devant les hommes; mesmes que par le commandement de Dieu je me sentz tenu et obligé de le faire, et que, selon les hommes, il n'y a que redire, tant la chose est claire et liquide; veu singulièrement qu'après avoir attendu l'espace de quatre ou cinq ans, et en avoir adverty tous les parens, tant par vous que par mon beau-frère, le comte de Hohenlohe, il n'y a eu personne qui m'ait presté la main, ou donné conseil pour y remédier; m'a semblé, puisque l'occasion s'est présentée, de l'embrasser résolutement et avec toute accélération, afin de ne ouvrir la porte aux traverses que l'on y eust peu donner.

      »…J'espère que ce mariage tournera autant et plus à nostre bien et de la cause générale, que n'eust fait le retardement ou plus long délai, lequel eust peu bien aisément ruiner et renverser toute nostre intention. Aussi, quand le tout sera bien considéré, je ne voy nul juste fondement sur lequel les princes puissent asseoir leur indignation et offense si grande que vous me alléguez.

      »…Quand ils considéreront bien le tout, ils auront grande occasion de me sçavoir bon gré d'y estre procédé de cette façon, et m'estre plustost assubjecty à je ne sçay quels soupçons sinistres d'aucuns qui ignorent la vérité, par ceste mienne accélération et simple et secrète façon de procéder, que d'avoir voulu, par longs délais et par odieuses disputes, débats et déclarations sur les difficultés occurrentes, ou bien par autres solennités ou cérémonies juridiques, publier ce fait par tout le monde, comme à son de trompe, et réduire le tout à plus grande aigreur et scandale qui ne fust oncques114.

      »…Je croy fermement que cecy a esté le chemin plus seur, non seulement pour moy, mais aussy pour la cause générale.»

      Cette conviction, qu'exprimait si fortement le prince, fut bientôt partagée, comme elle devait l'être, par le comte Jean, qui s'y affermit sans réserve, dès que, par les communications détaillées et précises qui lui parvinrent à Dillembourg, il eut appris à connaître la constante dignité de sentiments, de caractère et d'actions de sa belle-sœur, ainsi que la basse animosité de ses détracteurs et de ceux de Guillaume de Nassau. Il se fit alors, en toute loyauté, un devoir d'élever la voix en faveur de Charlotte de Bourbon et de son mari. La preuve en est, notamment, dans le langage qu'il s'empressa de tenir au landgrave de Hesse:

      «En ce qui concerne, lui disait-il115, les rumeurs qui courent au sujet de la nouvelle compagne de Monsieur le prince d'Orange, il faut les reléguer au rang des déplorables et indignes calomnies proférées contre sa grâce, la princesse. Elles sont, Dieu merci, dépourvues de tout fondement. La vengeance n'en appartient qu'à Dieu. Il faut attendre avec patience le moment où, après de longs jours de troubles et d'orages, il daignera, de nouveau, faire luire son soleil de justice et délivrer Sa Grâce la princesse, ainsi que nous-mêmes, de si nombreuses croix. Ceux qui journellement arrivent de Hollande, et principalement ceux qui ont été un certain temps auprès de ladite noble épouse de Monsieur le prince, rendent, en dépit des calomniateurs, un témoignage on ne peut plus favorable à sa grâce la princesse. Et afin, mon cher prince, que vous puissiez d'autant mieux sonder le fond des odieuses calomnies dont il s'agit, je vous envoie, à cet effet, sous le présent pli, ce que Sa Grâce la princesse a écrit, de sa propre main, il y a peu de jours, à Madame ma mère.»

      Ces derniers mots prouvent le soin affectueux que prenait Charlotte de Bourbon de continuer à correspondre avec sa belle-mère et l'appui implicite que celle-ci prêtait au langage du comte Jean.

      Fidèle à la douce habitude de se rapprocher, en pensée, par une active correspondance, des personnes qui lui étaient chères et loin desquelles elle se trouvait, la jeune princesse avait, dès le premier moment, fait part à son frère et à ses sœurs de son mariage avec Guillaume. Le prince avait, vis-à-vis d'eux, suivi son exemple.

      Par leurs réponses à la communication des nouveaux époux, les enfants du duc de Montpensier prouvèrent qu'ils étaient loin d'avoir subi l'influence des préventions et des rudesses paternelles à l'égard de leur sœur; car ils la félicitèrent, ainsi que Guillaume, d'un mariage qu'ils envisageaient comme un élément de bonheur pour elle et pour lui.

      Rien de plus naturel qu'une telle appréciation de la part de la duchesse de Bouillon, à raison des liens multiples d'affection, de croyance et de sentiment qui l'unissaient à Charlotte.

      Mais ce qui rend cette appréciation particulièrement remarquable, de la part des autres enfants du duc de Montpensier, c'est la spécialité même de la position de chacun d'eux.

      A ne parler que de celles du frère et de l'une des sœurs, quoi de plus frappant, par exemple, que d'entendre le prince dauphin, François de Bourbon, vivant, d'habitude, aux côtés de son père, et parfois confident de ses pensées, déclarer qu'il éprouve un contentement réel du mariage de sa sœur!

      Quoi de plus frappant encore que de rencontrer, sur ce point, l'expression d'une vive sympathie sous la plume d'une abbesse, et, qui plus est, d'une abbesse de Jouarre; car telle était bien Louise de Bourbon. Du fond de l'abbaye, qu'elle dirigeait, comme ayant succédé à Charlotte, elle écrivait, dans l'élan du cœur, au mari de celle-ci116:

      «Monsieur, je ne vous puis dire combien j'estime l'honneur et faveur que j'ay receu de vous, m'ayant faict démonstration, par la lettre qu'il vous a pleu m'escripre, de me vouloir recognoistre pour ce que j'ay l'honneur de vous estre maintenant. Aussy vous supplieray-je très humblement de croire que, pour ma part, j'estime comme je doibz la faveur qu'il vous a pleu de faire à nostre maison, d'y avoir prins alliance par le mariage de ma sœur avec vous; la réputant très heureuse d'avoir esté voulue d'un prince si vertueux et sage, comme en avez la réputation; et me ferés cest honneur de croyre que je me tiendroys bien heureuse et contente, sy j'avois l'honneur de recevoir de vos commandemens, affin que puissiés juger, par l'exécution, combien je désire tenir lieu en vos bonnes grâces, aulxquelles je présente mes très humbles recommandations et supplie Nostre Seigneur vous donner, monsieur, en très bonne santé, très longue et très heureuse vie. A Juerre (Jouarre), ce 21 août 1575.

»Vostre plus humble et obéissante sœur à vous faire service.»Louyse de Bourbon.»

      Continuant une correspondance dont il avait pris l'initiative vis-à-vis de François de Bourbon, devenu son beau-frère, Guillaume de Nassau disait à ce prince117:

      «Monsieur, j'ay receu la lettre qu'il vous a pleu m'escrire, laquelle m'a grandement resjouy, pour y entendre le contentement qu'avez receu de nostre alliance; ce que, procédant de vostre singulière courtoisie et honnesteté, j'ay receu avec telle et si СКАЧАТЬ



<p>114</p>

Voir Appendice, no 7.

<p>115</p>

Lettre datée de Dillembourg, 21 nov. 1575 (Groen van Prinsterer, Corresp., 1re série, t. V, p. 312.)

<p>116</p>

Groen van Prinsterer, Corresp., 1re série, suppl., p. 174.

<p>117</p>

Bibl. nat., mss., f. fr., vol. 3.415, fo 34.