Les français au pôle Nord. Boussenard Louis,
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Название: Les français au pôle Nord

Автор: Boussenard Louis,

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ pas. Le cap Parry se montre au loin, par 77°, comme l'arête monstrueuse d'un cétacé battu par les flots qui le criblent d'une averse de glaçons. Sur le front des falaises où le vent fait rage, s'élèvent d'épais tourbillons de neige qui, saisis par le mouvement giratoire des trombes, s'éparpillent comme d'impalpables duvets, avec des poudroiements diamantés.

      La mer est étrange, formidable et sinistre. Tout craque, tout détone, tout mugit. Les icebergs, heurtés comme des galets, s'écrasent et disparaissent, en quelque sorte volatilisés. Là-bas, en avant du cap, une barre de rochers noirs, dépouillés de leur croûte hivernale, émergent de l'écume laiteuse qui rejaillit en colonnes de vapeurs.

      La goélette, après vingt heures de lutte sans merci, doubla enfin le cap, et trouvant le détroit de Murchison débarrassé, s'y engagea lentement.

      Elle passa ensuite entre les îles Herbert et Northumberland, obliqua vers le fiord de Peterhavick et continua sa navigation côtière jusqu'au cap Sanmarez, au moment où la tempête s'apaisait enfin.

      Le capitaine Georges Nares, favorisé par un temps exceptionnel, avait mis seulement deux jours – du 25 au 27 juillet 1875 – pour aller du cap York au cap Alexandre. Le commandant de la Gallia fut trop heureux, malgré un temps épouvantable, d'accomplir le même trajet en quatre jours.

      Le lendemain, 12 juin, la goélette laisse à deux milles et demi, par tribord, l'île Sutherland, faite d'un grès très grossier profondément érodé par l'action des glaces.

      Enfin voici le cap Alexandre, un superbe promontoire dont l'altitude atteint quatre cent vingt-sept mètres, et qui avec le cap Isabelle, situé sur l'autre rive, forme l'entrée du défilé connu de géographes sous le nom de détroit de Smith.

      La Gallia le contourne de près, au point qu'on peut distinguer à l'œil nu la couleur fauve de ses assises, et la colonne basaltique dont il est surmonté. Elle pénètre enfin, avec des difficultés inouïes, dans le fiord de Port-Foulque où elle se trouve en sûreté.

      Le navire solidement ancré sur un fond rocheux, le capitaine autorisa l'équipage à débarquer, sans oublier les chiens, qui, soustraits à la claustration, manifestèrent leur allégresse par des cabrioles et des jappements éperdus quand ils se trouvèrent sur la glace.

      On retrouva tout d'abord les épaves du premier hivernage du Polaris, mêlées sans doute à celles des Etats-Unis, le schooner du docteur Hayes. Lambeaux d'étoffes, ciseaux à glace, boîtes à conserve, bouteilles, cordages, engins de pêche, feuillets de livres, etc.

      Puis un peu plus loin, en remontant la rive gauche du fiord toujours encroûté de glaces, trois iglous, ou cabanes indigènes. C'est-à-dire des tanières lamentables, édifiées à la diable avec des cailloux cimentés de terre et d'eau glacée.

      Preuve que des nomades fréquentent parfois ces points désolés que l'on croirait visités par les seuls représentants de la faune arctique.

      Enfin, chose particulièrement intéressante au point de vue anthropologique, on rencontra, un peu plus loin sous des glaçons peut-être séculaires, arrachés par la dernière tempête, les vestiges d'anciennes stations dont il est impossible de déterminer l'âge, même très approximativement. Des quantités énormes d'ossements de rennes, de morses, de bœufs musqués, de phoques, de renards, d'ours, de lièvres, montrent l'existence d'une faune très abondante à cette époque. Tous les crânes sont brisés, tous les os longs sont éclatés, pour en extraire la cervelle et la mœlle, comme le faisaient nos ancêtres des stations préhistoriques.

      Il y a aussi des squelettes d'oiseaux, par milliers, surtout de guillemots et de mouettes-bourgmestre.

      Le docteur met de côté quelques-uns de ces vestiges des temps écoulés, puis, s'écartant à l'aventure, vers un petit vallon bien abrité des vents du Sud, pousse un cri de joie qui fait accourir ses compagnons.

      Imaginez la plus mignonne, la plus exquise forêt en miniature composée de saules et de bouleaux nains, dont une futaie pourrait tenir à l'aise dans la boîte d'un botaniste. Des troncs gros comme des porte-plumes, des branches aussi ténues que des brins de balai, des brindilles non moins déliées que des crins, tout cela couvert de minuscules bourgeons commençant à s'ouvrir sous la tiède caresse du soleil de juin.

      Pauvre petit taillis étiolé! C'est à peine s'il trouve de quoi végéter sur cette glèbe de fer, et pourtant il égaye comme d'un sourire – ce sourire résigné des déshérités – la marâtre qui lui mesure si parcimonieusement l'atome indispensable à sa vie.

      Puis, à l'entour de l'embryon de forêt, des mousses vertes comme des émeraudes et quelques graminées: des Poa arctica, des glyceria arctica, des alopecurus alpinus, des épilobus roses, des potentilles des neiges, des pavots aux pétales roses, des saxifrages bleus, rouges et jaunes, un véritable parterre, dont le docteur s'appropria discrètement quelques spécimens.

      Pendant ce temps, le capitaine, voulant dégourdir les chiens et les soustraire à une immobilité si préjudiciable à leur santé, avait ordonné qu'on les mît aux traîneaux.

      Il désirait, en outre, juger des aptitudes de ses hommes à diriger ces attelages fantaisistes.

      Plume-au-Vent, lui, en sa qualité de grand maître de la vénerie, ou plutôt, comme il s'intitulait plaisamment, de capitaine des chiens, ne doutait en aucune façon de ses propres mérites.

      Ses subordonnés, du reste, le connaissaient parfaitement, et lui obéissaient, jusqu'alors, au doigt et à l'œil. Depuis leur embarquement, il avait été leur pourvoyeur, et avait pour ainsi dire vécu dans leur intimité; aussi se vantait-il, on s'en souvient, d'en faire des chiens savants.

      «Eh bien, mon garçon, lui dit avec bonhomie le capitaine, montre-nous le savoir-faire de tes élèves.

      «Choisis ceux auxquels tu as le plus confiance et fais-les galoper sur cette belle glace unie.»

      L'attelage s'opère sans trop de difficultés, le Parisien procédant par insinuation, et offrant à chacun de ses toutous un morceau d'ours tout cru qu'il sortait de ses poches.

      Le traîneau prêt à partir, le conducteur improvisé s'accroupit sur la plate-forme et fait claquer son fouet comme il a vu faire aux gens de Julianeshaab.

      Aussitôt, les chiens s'éparpillent dans toutes les directions, tirent à hue, à dia, en éventail, et communiquent au véhicule un mouvement en zigzag d'un comique achevé.

      «Allez!.. mais allez donc, satanés cabots!» criait le Parisien vexé des rires fous de l'équipage.

      Et les «satanés cabots» allaient, couraient, chacun pour son compte sans souci de l'inoffensive lanière qui claquait en pure perte.

      Plume-au-Vent, très malin, s'avise alors d'un stratagème pour sauver au moins l'honneur, et clore, ne fût-ce qu'un moment, la bouche aux rieurs.

      Il a encore dans sa poche une certaine quantité de viande. Vite il en lance un morceau devant la meute indocile, aussi loin qu'il peut. Naturellement, les chiens, mis d'accord par leur mutuelle avidité, s'élancent à fond de train, galopent vingt mètres, puis s'arrêtent, se gourmandent jusqu'à ce que le plus adroit ou le plus heureux ait gobé, comme une fraise, l'appât tentateur.

      Puis, avec un ensemble surprenant, ils se retournent, s'assoient sur leur derrière, tournent vers leur automédon des yeux chargés de muettes prières et sollicitant une seconde ration.

      «Pétard! grogne СКАЧАТЬ