Название: Les français au pôle Nord
Автор: Boussenard Louis,
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Mais c'est tout. Prières, menaces, coups de lanière, tout est inutile.
Au loin, c'est-à-dire à cinquante mètres, les lazzis pleuvent dru comme grêle sur le loustic dont chacun a essuyé les brocards.
Plume-au-Vent, de plus en plus ennuyé, ne sachant à quel saint se vouer, crie, se démène de plus belle et ne réussit même pas à faire lever ses élèves gravement accroupis sur leur arrière-train.
Fort heureusement Dumas, dont l'épiderme provençal n'a pas été entamé par les plaisanteries d'antan, sauve la situation.
Dumas a une idée qu'il s'empresse de mettre au service de son camarade.
Très simple comme les idées géniales, celle du cuisinier se manifeste sous l'apparence d'une morue sèche amarrée à un bout de ligne.
Dumas accourt devant l'attelage récalcitrant, dont l'odorat est sollicité par les violents effluves de saumure qui s'exhalent de la morue.
La tentation est irrésistible. Aussitôt les chiens se dressent sur leurs pattes, et Dumas, les jugeant suffisamment excités, se met à courir. Tout naturellement ils se précipitent comme une meute qui lance à vue un sanglier. Dumas, voyant le succès de sa ruse, gagne au large en homme capable de rivaliser avec le héros dont les pieds légers ont été chantés par le divin Homère.
La morue tiraillée par la ficelle, saute et rebondit sur la neige, devant le nez des chiens de tête, leur échappant sans cesse, en raison de l'irrégularité du mouvement de translation.
Et Dumas, toujours galopant, réussit à entraîner ainsi le peloton indocile jusqu'à cinq cents mètres.
L'équipage, qui s'amuse comme un clan de demi-dieux, applaudit bruyamment.
De son côté, Plume-au-Vent ravi ne ménage à son camarade ni les éloges, ni les remerciements.
«Allons, ça va! Dumas, ça va… et raide!
«T'es un homme, toi, un vrai… ma parole!
«Mais, tu vas t'époumonner!
«Si tu montais avec moi, à présent que la carriole va son train.
– A ton idée, mon çer! Zé crois en effet que ça marçera sans embardées.»
Il s'installe près du Parisien qui brandit son fouet, le fait claquer à tour de bras, sans autre résultat d'ailleurs, que de cingler son compagnon et lui-même avec la mèche rebelle.
«Allons, bon! v'là encore la mécanique détraquée!
«Décidément, faudra que je demande au Grand-Phoque des leçons de fouet.
«Vois-tu, le fouet, n'y a que ça.
«Sans lui, rien à refrire avec ces maudites bêtes.
– Mais, nous n'allons pas rester en panne, comme sur un ponton, hein?
– Dame, faut rappliquer.
«Pétard! c'que les autres vont s'en payer à mes dépens!
– Eh! pécaïré!.. qu'est-ce qui les prend donque… ces faillis cabots?
«Vont-y s'emballer, autrement!..»
Les chiens, subitement devenus inquiets, tournent le museau vers la terre, pointent les oreilles, aspirent l'air par saccades, font entendre un rauque aboi, et détalent affolés vers le navire.
«Tiens-toi bien!» crie le Parisien, en se cramponnant au traîneau.
Dumas regarde en arrière et pousse un juron carabiné à l'aspect d'un ours se traînant sur trois pattes, retombant à chaque pas, et faisant des efforts désespérés pour avancer.
«Troun de l'air!.. un ours!.. ah ça! il en pleut, dans ce pays!
«Eh!.. il marçe à cloçe-pied!.. ce qu'il a l'air claqué, le povre!
– Claqué ou pas claqué… je tiens pas à le fréquenter, tant qu'y n'sera pas devenu descente de lit.
«Hardi! les chiens… hardi!»
Les pauvres bêtes épouvantées n'ont pas besoin d'encouragement. Rappelées au sentiment de l'unité par une mutuelle terreur, elles filent d'une telle vitesse, que le traîneau arrive en deux minutes au milieu des marins qui déjà se préparent à combattre l'intrus.
IX
Plaie ancienne. – Le projectile. – Emotion du capitaine en reconnaissant une balle de fusil Mauser. – Fantaisie gastronomique. – Ingestion d'un gilet de flanelle. – Marque en caractères allemands. – Départ précipité. – Difficiles manœuvres. – Fatigues surhumaines. – Les docks provisoires. – Les gaietés d'un équipage courbaturé. – Venise est le pays des glaces. – Dans le canal de Kennedy. – Un pavillon flotte sur Fort-Conger!
Malgré l'état d'épuisement dans lequel se trouve l'ours polaire, le capitaine fait prendre les précautions exigées par la plus élémentaire prudence.
En un clin d'œil, hommes, chiens, véhicules sont hissés à bord.
L'ours, presque agonisant, se traîne avec des difficultés infinies. A chaque pas il tombe lourdement, grogne, se relève à demi pour s'abattre encore. Poussé par une faim atroce, il tourne vers le navire sa tête busquée, idiotement féroce, et fait claquer ses dents.
Il s'approche néanmoins, jusqu'à ce qu'une balle explosible envoyée par le docteur, qui veut prendre sa revanche de l'autre fois, lui fracasse le crâne.
La fuite des chiens, la retraite de l'équipage, l'exécution du perturbateur, tout cela n'a pas duré dix minutes.
Comme l'ours a été foudroyé, chacun redescend sur la glace, pour le voir de près, et tirer, s'il y a lieu, parti de sa dépouille.
Chose facile à constater tout d'abord, c'est son épouvantable maigreur. Il n'a littéralement que la peau et les os qui font de lamentables saillies à travers la fourrure.
«Docteur, veuillez donc, je vous prie, examiner sa blessure, et me dire à quoi vous l'attribuez,» dit le capitaine tout pensif.
La cuisse droite est le siège d'une tuméfaction intense qui occupe l'articulation de la hanche, et se traduit par une grosse protubérance. Au milieu de cette protubérance, un trou rond, du diamètre du petit doigt, d'où suinte un pus fétide collé aux longs poils jaune paille.
«C'est, à n'en pas douter, une plaie d'arme à feu, répond le docteur sans la moindre hésitation.
– Ancienne?
– Datant au plus de huit jours.
– La balle est-elle sortie?
– Pas que je sache, car je ne trouve point de contre-ouverture.
«Etant donné la direction latérale du coup de feu, je doute qu'elle soit ressortie par le trou d'entrée.
– Vous pouvez l'extraire, n'est-ce pas?
– Rien СКАЧАТЬ