Henri IV en Gascogne (1553-1589). Charles de Batz-Trenquelléon
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СКАЧАТЬ route dans l'été de 1562, avec une suite nombreuse de gentilshommes protestants ou catholiques, à laquelle se joignit, en Guienne, une escorte béarnaise. On a prétendu, sans preuves, que ce déploiement de forces fut nécessité par les desseins hostiles d'Antoine de Bourbon: c'est une accusation que ne justifie pas la correspondance récemment publiée du roi et de la reine de Navarre. Il suffisait, d'ailleurs, pour motiver les précautions dont s'entoura cette princesse, des difficultés habituelles d'un long voyage, à cette époque de troubles et de violences. Arrivée en Guienne, elle trouva cette province en pleine guerre civile. Montluc, lieutenant d'Antoine de Bourbon, était aux prises avec les réformés. Jeanne séjourna quelque temps au château de Duras, puis au château de Caumont, où elle tomba malade. De là, elle se rendit en Béarn, après avoir vainement tenté de pacifier la Guienne et la Gascogne, à travers lesquelles Montluc promenait son impitoyable épée. Vers la fin du mois de novembre, Jeanne, devenue l'ennemie de la religion catholique, s'était déjà mise à l'œuvre pour la détruire au moins dans ses pays souverains, lorsqu'elle reçut la nouvelle de la mort d'Antoine de Bourbon.

      Pendant que la reine de Navarre s'éloignait de la cour de France, les événements avaient suivi un cours rapide, l'ère des guerres civiles s'était rouverte au nord et au midi: l'armée royale dut reprendre Poitiers et Bourges aux protestants, vainqueurs à Saint-Gilles, dans le Bas-Languedoc, au moment où se concluait l'alliance de Condé et de Coligny avec l'Angleterre. Maîtres de Rouen depuis le 15 avril, les réformés s'y étaient fortifiés de deux mille mercenaires anglais. Assiégés par l'armée royale sous le commandement d'Antoine de Bourbon, de François de Guise et du connétable de Montmorency, ils ne furent forcés qu'après une vive résistance. Le roi de Navarre, blessé dans la tranchée, rendit sa blessure mortelle par toutes sortes d'imprudences, dont l'une, du moins, fut héroïque: il voulut entrer dans Rouen par la brèche, porté dans sa litière. Un mois après, il rendait le dernier soupir. C'était le 17 novembre 1562, deux jours avant la bataille de Dreux, et trois mois avant la mort de François de Guise, assassiné au siège d'Orléans. Brave et affable, mais d'un faible caractère, Antoine n'avait presque aucune des qualités nécessaires à un prince dans le temps où il vivait; il fut loin, toutefois, de mériter les injures dont le parti calviniste poursuivit sa mémoire7.

      Après la mort de son mari, Jeanne d'Albret laissa encore quelque temps le prince de Navarre à la cour de France. Henri assista, le 17 août 1563, à la déclaration de majorité de Charles IX, faite à Rouen, en lit de justice. La reine de Navarre avait apparemment de graves motifs pour ajourner le retour de son fils: l'histoire ne les a pas pénétrés. Peut-être fut-elle obligée de s'incliner devant quelque refus de Charles IX ou de Catherine de Médicis; peut-être aussi ne voulut-elle pas que Henri assistât à la révolution qu'elle méditait: Jeanne s'était mise en tête de protestantiser son petit royaume. L'auteur du Château de Pau a résumé avec une parfaite mesure le rôle de réformatrice assumé par la reine de Navarre8.

      Aussitôt après la mort de son mari, elle fit connaître son inflexible volonté de répandre partout les nouvelles doctrines. Son hostilité contre le catholicisme se manifestait jusque dans les actes de sa vie privée, jusque dans ses plaisirs: on la vit accueillir des œuvres de théâtre qui tournaient en dérision les prêtres et les sacrements. Elle assistait régulièrement au prêche, où, par une étrange tolérance des ministres, rapporte Pierre Mathieu, elle travaillait à des ouvrages de tapisserie, sans perdre, pour cela, un mot du sermon. Le jour de Pâques de l'année 1563, elle fit son abjuration à Pau, dans une cérémonie publique, et communia selon le rite calviniste. Enflammée de zèle, comme la plupart des néophytes, elle commença par interdire la procession de la Fête-Dieu. Cette atteinte portée à de pieux usages causa une irritation profonde parmi les catholiques béarnais; malgré la défense royale, ils firent leur procession traditionnelle dans les rues de Pau, et les huguenots s'étant ameutés, il s'ensuivit une sanglante mêlée. De réformatrice qu'elle s'était montrée dans l'origine, elle devint bientôt persécutrice, soit gratuitement, soit par représailles. En 1566, en 1569 et en 1571, elle rendit des ordonnances qui dépassaient de beaucoup l'intolérance reprochée par les calvinistes aux édits royaux. Dans le préambule de l'ordonnance de 1571, par exemple, Jeanne d'Albret déclare «que les rois sont tenus, non seulement d'établir parmi leurs sujets le fondement et la perfection de la doctrine du salut», mais «qu'ils doivent encore bannir du milieu d'eux le mensonge, l'erreur, la superstition et les autres abus…» Elle ajoute: «En quoi la reine désirant se prêter, satisfaisant, en même temps, aux vœux de son cœur et à ceux de ses sujets exprimés dans la supplication que viennent de lui présenter les Etats de son pays légitimement assemblés, voulant, en conséquence, procéder à l'extirpation des idolâtries et semblables abus qui ont régné dans son présent pays, pour y planter et rétablir la véritable religion chrétienne et réformée, déclare, veut, ordonne que tous ses sujets, de quelque qualité qu'ils soient, fassent profession publique de la confession solennelle de foi qu'elle présente». Les pénalités qu'édictait l'ordonnance étaient excessives: l'amende, la prison, le bannissement.

      La reine de Navarre n'en était pas encore arrivée, en 1563, à ces violentes manifestations de l'esprit de secte, mais elle s'y acheminait, quand la cour de Rome, inquiète des bouleversements religieux qui s'accomplissaient en Béarn, la cita, au mois de septembre, devant le tribunal de l'inquisition. Jeanne devait comparaître dans un délai de six mois, sous peine, disait le monitoire, d'être déclarée «convaincue du crime d'hérésie, privée de la dignité royale, et son royaume et ses Etats adjugés au premier qui s'en saisirait». La cour de France ne pouvait arguer contre l'accusation d'hérésie formulée par le monitoire; «mais le roi très chrétien, dit Mézeray, jugeant de la conséquence, comme il le devait, en montra un très grand ressentiment…» Les ambassadeurs français à Rome reçurent l'ordre de faire au Pape des remontrances dont le texte offre de l'interêt, sous plusieurs rapports9. Ce document se terminait par une protestation formelle et une supplication au Saint-Père de vouloir bien, par acte public, révoquer la sentence fulminée contre la reine de Navarre. Pie IV, qui, au moment de son élévation, avait dit: «Il me faut la paix!» usa de prudence et de modération: la sentence fut annulée. Ce résultat produisit quelque attiédissement dans l'esprit de l'ardente Navarraise. Elle se rendit à la cour de France pour remercier Charles IX de l'avoir défendue, elle et ses Etats, contre les décrets pontificaux et les arrêts de déchéance des parlements de Toulouse et de Bordeaux. Elle retrouva son fils entre les mains dévouées de La Gaucherie, et, avec l'agrément du roi, le ramena avec elle en Béarn.

      Lorsque Jeanne rentra dans ses Etats, le comte de Gramont, son lieutenant-général, était aux prises avec les mécontents catholiques, dont il eut raison. Elle réprima ce soulèvement, provoqué par ses hostilités contre la religion traditionnelle, mais sans la passion qu'elle devait apporter plus tard à la défense de ses droits ou de ses prétentions abusives. Cet orage passé, Jeanne paraît avoir gouverné avec sagesse. Ses actes sont inspirés par une vive sollicitude pour les intérêts du pays. Elle diminue les impôts, publie de bons règlements, établit une police bien entendue, reprend la tâche paternelle de Henri d'Albret. Quoique vouée, corps et âme, à la Réforme, qu'elle favorise publiquement, elle impose des bornes aux empiétements des ministres du nouveau culte: ses lettres-patentes du 28 mai 1564 refrènent leur zèle oppressif et interdisent toute espèce de contrainte pour le choix d'une religion. En même temps, elle s'occupait sans relâche de l'éducation de Henri et de sa sœur Catherine, noble devoir qui domina toujours ses préoccupations. Il y eut là, enfin, pour les membres de la famille royale et pour les Etats de Jeanne, une courte période de paix et de prospérité. Et, cependant, une étrange conspiration s'ourdissait, au loin, contre elle, sa Maison et son pays.

      On a voulu faire remonter l'idée première de cette conspiration, niée par plusieurs historiens, aux jours qui suivirent la mort d'Antoine de Bourbon. A ce moment, a-t-on prétendu, les ennemis des Maisons de Bourbon et d'Albret, d'accord avec Philippe II et inspirés par François de Guise, auraient préparé un projet d'enlèvement de Jeanne d'Albret et de ses СКАЧАТЬ



<p>7</p>

Appendice: III.

<p>8</p>

Appendice: II.

<p>9</p>

Appendice: II.