Henri IV en Gascogne (1553-1589). Charles de Batz-Trenquelléon
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СКАЧАТЬ le prince de Navarre, «qu'une tête de saumon vaut mieux que mille têtes de grenouilles», n'est qu'un propos, mais des plus caractéristiques. Il s'en tint bien d'autres de ce genre, on peut l'affirmer, et si, tous ensemble, ils ne suffisent pas pour inscrire une conjuration de plus dans l'histoire, pareillement ils démontrent l'inanité de la thèse qui refuse à l'entrevue de Bayonne tout caractère d'hostilité contre les protestants.

      Le prince de Navarre, malgré son extrême jeunesse, ne passa pas inaperçu dans cette réunion des cours de France et d'Espagne. Jeanne était venue à Bordeaux visiter Charles IX et la reine-mère, et les prier de s'arrêter à Nérac, au retour de Bayonne. Elle avait pris des mesures pour que le prince de Navarre parût sur la frontière d'Espagne avec l'appareil qui convenait à son rang: il importait, selon elle, que l'héritier des débris du royaume de Navarre se montrât avec éclat, à côté du roi de France, devant les représentants de la nation ennemie. Une lettre de Henri, datée de Bazas, 8 mai 1565, porte les traces de cette maternelle et royale préoccupation: «Monsieur d'Espalungue, ayant délibéré de m'accompagner, au voyage de Bayonne, des plus notables et apparents gentilshommes que je pourrai aviser, je vous ai bien voulu avertir que, pour la bonne confiance que j'ai eue toute ma vie en vous, je vous ai choisi et élu pour me faire compagnie audit voyage».

      Pendant les fêtes de Bayonne, qui durèrent dix-sept jours, le prince de Navarre, dit Favyn, «tint toujours son rang de premier prince du sang, magnifique en son train, splendide en son service, doux et agréable à tous, mais avec une telle majesté, qu'il était admiré des Français et redouté par les Espagnols, qui, en un âge si tendre de ce prince, jugeaient bien que cet aigle presserait, quelque jour, de ses serres leur lion, pour lui faire démordre son royaume de Navarre. C'est pourquoi le duc de Rio-Secco, ambassadeur de Philippe II, ayant considéré les actions de ce prince de plus près que les autres, dit ces paroles, qui furent depuis bien remarquées: «Ce prince est empereur ou le doit être. —Mi parece este principe o es imperador, o lo ha de ser.» Ce succès un peu théâtral répondit aux sollicitudes de Jeanne d'Albret et des gentilshommes béarnais dont elle avait formé le cortège de son fils; malheureusement, leur joie ne fut pas sans mélange: Charles IX, pour plaire à la reine sa sœur, consentit, en faveur de l'Espagne, au démembrement du diocèse de Bayonne, qui fut amoindri de tout le Guipuscoa.

      La cour de France revint de Bayonne par Condom et Nérac. Jeanne d'Albret lui avait préparé une réception royale: il y eut quatre jours de gala11, pendant lesquels la reine de Navarre fut vivement sollicitée, mais en vain, de rentrer au giron de l'Eglise. Quelques historiens placent à cette époque sa hautaine réponse à Catherine de Médicis sur l'inflexibilité de ses nouvelles convictions religieuses. Elle dut, cependant, faire une importante concession. La liberté du culte catholique n'existait plus dans la capitale de l'Albret, et comme ce duché n'était pas un pays souverain, mais un fief, Jeanne, se rendant au vœu de Charles IX, leva son interdiction. Il fut convenu, en outre, que les magistrats municipaux seraient mi-partis, et Montluc, lieutenant-général en Guienne, reçut l'ordre de tenir la main à cet arrangement.

      Après avoir quitté la Gascogne et la Guienne, Charles IX traversa Angoulême, Niort, Thouars, Angers, Tours, et il arriva à Blois à l'entrée de l'hiver. Il rapportait de ce long voyage beaucoup d'impressions pénibles et de souvenirs irritants. Frappé, de tous côtés, du spectacle des églises, des châteaux, des hameaux dévastés par les réformés, il en conçut contre eux, au rapport de Davila, une sorte d'aversion et de dégoût. Au mois de janvier 1566, la cour se rendit à Moulins, où le chancelier de l'Hospital avait convoqué, avec les personnages les plus considérables du royaume, les présidents de tous les parlements de France. Il s'agissait de réconcilier solennellement les Maisons de Guise et de Châtillon, de reviser l'édit d'Amboise, déjà modifié, et de discuter quelques projets de réforme judiciaire ou administrative préparés par le chancelier. La réconciliation eut lieu, et personne ne la tint pour sincère; les projets de réforme furent approuvés, en attendant que la guerre les rendît illusoires; quant à la révision de l'édit d'Amboise, elle occupa les esprits sans les apaiser.

      Vers ce temps-là, Jeanne fut rappelée à la cour par diverses affaires, entre autres un procès qu'elle soutenait contre son beau-frère le cardinal de Bourbon, au sujet de ses domaines du Vendômois. Elle comprit bientôt, au premier aspect des choses, que la guerre allait sortir de tous les instruments de paix forgés sur le pupitre du chancelier. Elle avait laissé elle-même, dans ses Etats, des ferments de discorde qui lui inspiraient peu de confiance en l'avenir. D'un autre côté, le prince de Navarre touchait à un âge critique, et la cour des Valois n'était guère le lieu où se pût achever son éducation. Jeanne prit le parti de le ramener en Béarn. Ce fut presque un enlèvement, nécessité, il faut le dire, par la persistance de Catherine de Médicis à conserver son otage. Epiant le moment favorable, Jeanne, avec l'agrément de Charles IX, partit, accompagnée de son fils, pour ses domaines de Picardie, d'où elle passa dans le Vendômois, et de là en Anjou. De La Flèche, elle écrit au roi pour excuser son départ précipité, alléguant les troubles qui venaient d'éclater dans la Navarre; elle gagne le Poitou, traverse la Guienne et la Gascogne, et arrive à Pau. Son allégation au roi n'était que trop exacte: elle trouva une partie du Béarn soulevée, et il fallut, peu de temps après, recourir aux armes pour avoir raison de ces nouveaux désordres, provoqués, comme les précédents, par les dissensions religieuses.

      CHAPITRE V

      La popularité du prince de Navarre. – Florent Chrestien. – L'éducation littéraire, militaire et politique. – Voyage de Henri dans les Etats de sa mère. – Son séjour à Bordeaux. – Reprise des hostilités entre les protestants et la cour. – La tentative de Meaux. – Bataille de Saint-Denis. – Paix de Lonjumeau. – Le geôlier politique et militaire de Jeanne d'Albret. – Henri réclame vainement le gouvernement effectif de Guienne. – Autres griefs des réformés. – Projet d'arrestation de Condé, de Coligny et de plusieurs autres chefs calvinistes. – Ils se sauvent à La Rochelle. – Retraite du chancelier de l'Hospital. – Boutade du prince de Navarre contre le cardinal de Lorraine. – Jeanne quitte ses Etats, malgré Montluc, et se retire à La Rochelle avec ses enfants. – Ses lettres à la cour de France et à la reine d'Angleterre. – L'organisation militaire du parti calviniste. – La première armure de Henri. – Essai de pacification. – Edit de Saint-Maur contre les protestants. – Les forces des calvinistes et leurs succès.

      Le retour du prince de Navarre dans son pays natal fut un événement pour le petit royaume: les visites et les députations se succédèrent longtemps au château; mais ce fut surtout le pays de Coarraze qui afflua autour du donjon de Gaston-Phœbus. Duflos raconte qu'un beau jour, tous les habitants de ce coin de terre, endimanchés, les mains pleines de fleurs, de galettes et de fromages, se mirent en route pour aller voir «lou nousté Henric». Ils traversent Pau, soulevé de joie et de curiosité sur leur passage, abordent le château et font tumultueusement irruption dans la cour d'honneur. Henri et sa mère paraissent au milieu d'eux, salués de vivats tels qu'en savent faire retentir les robustes poumons des montagnards pyrénéens. Il y eut des harangues et des embrassades, des attendrissements et des enthousiasmes indescriptibles, le tout couronné par un banquet homérique. C'était la popularité du Béarnais qui commençait: elle devait aller grandissant jusqu'à l'heure de l'immortalité.

      Après les joies du retour, le prince de Navarre se remit à l'étude, sous l'œil vigilant de sa mère. Il avait perdu son précepteur La Gaucherie, à qui venait de succéder Florent Chrestien, bien digne d'achever l'œuvre de son devancier. C'était un homme docte, de bonnes mœurs, mais d'un esprit plus vif que La Gaucherie. Il passe pour avoir formé le goût littéraire de son élève, ce qui est croyable, car Florent Chrestien était un écrivain de talent: on lui attribue une part considérable de collaboration dans cette fameuse Satire Ménippée qui aida puissamment Henri IV à conquérir la population parisienne. Mais, sans abandonner les livres, Henri dut porter son attention sur d'autres objets. Son gouverneur militaire, le baron de Beauvais, ne СКАЧАТЬ



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Appendice: VI.