Henri IV en Gascogne (1553-1589). Charles de Batz-Trenquelléon
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СКАЧАТЬ d'affaires, donna des audiences, représenta la reine partout où elle jugeait qu'une délégation de son pouvoir n'offrait pas d'inconvénients. Il fit même son début sous les armes, un semblant de première campagne, à l'occasion des troubles d'Oloron, en 1567. Jeanne d'Albret l'envoya contre les rebelles, pour les ramener à la soumission par sa présence, ou, au besoin, pour les combattre. Il s'acquitta de cette mission avec un plein succès. A l'approche de ce généralissime de treize ans, les révoltés se retirèrent dans les montagnes; mais quelques-uns étant tombés au pouvoir du prince, il les employa comme négociateurs, les chargeant de dire à leurs compagnons que, s'ils voulaient recourir à la clémence de la reine, ils n'auraient pas sujet de s'en repentir. Ils suivirent ce conseil et mirent bas les armes. Quelques exemples furent faits, mais la modération l'emporta dans les conseils de la reine.

      Jeanne d'Albret, recherchant toutes les occasions de donner un but à l'activité déjà exubérante de son fils et de compléter son éducation politique, lui traça l'itinéraire d'un grand voyage à travers ses Etats et dans le gouvernement de Guienne, dont il était investi, quoique le véritable gouverneur de cette province fût le maréchal Blaise de Montluc.

      Le voyage eut lieu en 1567. Henri partit de Pau, accompagné de Florent Chrestien, du baron de Beauvais et d'une suite digne de son rang. Quelques souvenirs de ce voyage nous ont été conservés par Duflos, qui s'est aidé des Mémoires de Nevers, de relations manuscrites et des traditions locales. Le prince y fit un bon apprentissage de patience et de diplomatie. Il dut parler souvent, et plus souvent écouter. Parfois il se trouva dans une situation difficile. L'Éducation de Henri IV rapporte que, dans une petite ville de Guienne, où il n'y avait guère que des calvinistes, Henri prit part à un banquet dont les vins généreux délièrent les langues au point de les faire toutes médire du roi et de la cour de France. Le prince invite les convives à plus de réserve; les propos continuent; il proteste formellement et sort, ne voulant pas paraître complice.

      A Lectoure, un épisode touchant. Le prince arrive sous les murs de cette place; un malentendu fait qu'on ne vient pas au-devant de lui; des pauvres gens, des mendiants même, lui font accueil à leur manière, le suivent et entrent avec lui dans la ville. Il marchait avec ce cortège, lorsque les magistrats de Lectoure le rencontrent, stupéfaits et honteux de leur maladresse. « – Qu'auriez-vous dépensé, Messieurs, pour me fêter aujourd'hui? – Six cents livres et plus, Sire. – Eh bien! donnez six cents livres à ces bonnes gens, et demain vous serez mes convives.»

      A Bordeaux, Henri eut une réception magnifique, tous les succès et toutes les admirations. On lit, sur son séjour, dans les Mémoires de Nevers, l'extrait suivant d'une lettre écrite par un des principaux magistrats de Bordeaux: «Nous avons ici le prince de Navarre. Il faut avouer que c'est une jolie créature. A l'âge de treize ans, il a toutes les qualités de dix-huit et dix-neuf; il vit avec tout le monde d'un air si aisé, qu'on fait toujours la presse où il est; il agit si noblement en toutes choses, qu'on voit bien qu'il est un grand prince; il entre dans les conversations comme un fort honnête homme; il parle toujours à propos, et quand il arrive qu'on parle de la cour, on remarque qu'il est fort bien instruit et qu'il ne dit jamais rien que ce qu'il faut dire en la place où il est. Je haïrai, toute ma vie, la nouvelle religion de nous avoir enlevé un si digne sujet.» Une autre lettre, citée dans ces Mémoires, ajoute de curieux détails sur sa façon de vivre et les penchants auxquels il semblait déjà destiné à se livrer: «Le prince de Navarre aime le jeu et la bonne chère. Quand l'argent lui manque, il a l'adresse d'en trouver, et d'une manière toute nouvelle et toute obligeante pour les autres aussi bien que pour lui-même: il envoie à ceux qu'il croit de ses amis une promesse écrite et signée de lui; il prie qu'on lui envoie le billet ou la somme qu'il porte: jugez s'il y a maison où il soit refusé! On tient à beaucoup d'honneur d'avoir un billet de ce prince.» Il n'eut pas, plus tard, à beaucoup près, autant de facilités pour battre monnaie, surtout lorsque, au milieu des camps, il manquait de chemises et portait le pourpoint troué. Il faut reproduire encore un trait de caractère, daté de cette époque, et qui prophétisait la passion dominante de ce prince. Les historiens citent cette note d'un contemporain anonyme: «Le prince de Navarre acquiert tous les jours de nouveaux serviteurs. Il s'insinue dans les cœurs avec une adresse incroyable. Si les hommes l'honorent et l'estiment beaucoup, les dames ne l'aiment pas moins. Il a le visage fort bien fait, le nez ni trop grand, ni trop petit, les yeux fort doux, le teint brun, mais fort uni; et cela est animé d'une vivacité si peu commune, que, s'il n'est bien avec les dames, il y aura bien du malheur.»

      Cette même année 1567 vit, en France, des essais de ligue catholique, dont les calvinistes s'autorisèrent pour s'exciter à la lutte et parler à la cour sur un ton plus hardi. Charles IX, dans cette occurrence, eut un colloque très vif avec Coligny. L'amiral voulait se mettre à la tête de la noblesse pour aller combattre le duc d'Albe, dont la politique d'extermination inondait de sang les Pays-Bas. « – Il n'y a pas longtemps», dit le roi à Coligny, «que vous vous contentiez d'être soufferts par les catholiques; maintenant, vous demandez à être égaux; bientôt vous voudrez être seuls et nous chasser du royaume.» Les calvinistes se crurent à la veille d'être attaqués et résolurent de prendre l'offensive. Leur prise d'armes débuta par la tentative de Meaux contre le roi et la cour. Elle échoua, grâce à la bravoure des gardes suisses, et les troupes de Condé et de l'amiral ayant fait devant Paris un simulacre de siège, il s'ensuivit la bataille de Saint-Denis, où l'action resta indécise, quoique La Noue accorde l'avantage à l'armée royale. Le vieux connétable de Montmorency y fut mortellement blessé. « – Votre Majesté n'a pas gagné la bataille», dit au roi le maréchal de Vieilleville; «encore moins le prince de Condé. – Qui donc?» demanda Charles IX. – «Le roi d'Espagne, Sire; car il y est mort, d'une part et d'autre, tant de valeureux seigneurs, si grand nombre de noblesse, tant de vaillants capitaines et braves soldats, tous de la nation française, qu'ils étaient suffisants pour conquêter la Flandre et tous les pays sortis autrefois de votre royaume!»

      La fin de l'année 1567 et les premiers mois de l'année suivante sont pleins d'émeutes et de prises d'armes partielles dans le midi, depuis le Dauphiné jusque dans le Poitou. Condé et l'amiral, s'affaiblissant autour de Paris, poussèrent leur armée vers la frontière d'Allemagne, pour donner la main aux reîtres levés par eux dans ce pays. La jonction se fit à Pont-à-Mousson, malgré la poursuite de l'armée royale. Fortifiés, mais ne se jugeant pas en état de tenir la campagne dans l'Ile-de-France, les réformés se dirigèrent sur Orléans, prirent Blois et mirent le siège devant Chartres. Là, les incessantes négociations de Catherine de Médicis les trouvèrent disposés à conclure une paix que leur rendait salutaire l'indiscipline des mercenaires allemands. Ce fut la paix de Chartres ou de Lonjumeau. Signé au mois de mars, ce traité, aussi mal observé, de part et d'autre, que les précédents, multiplia et envenima les griefs réciproques: au mois d'août suivant, il n'en restait plus vestige.

      En Guienne et en Gascogne, Montluc était le geôlier politique et militaire de Jeanne d'Albret. Nous avons dit que, à raison de la jeunesse de Henri, les fonctions de sa charge de gouverneur de Guienne étaient exercées par le maréchal, qui ne péchait pas, envers les «Navarrais», par excès de bienveillance. La reine jugea opportun de réclamer pour son fils un pouvoir plus effectif, et elle en écrivit à Charles IX, accompagnant sa requête d'une lettre de Henri, dans laquelle il priait le roi de France de ne pas écouter «ceux qui se voulaient fonder sur son bas âge» pour l'empêcher d'être employé en sa charge de gouverneur de Guienne. Il y a déjà, dans cette lettre, un accent de juste revendication et de légitime amour-propre: «Qu'il vous plaise», dit-il au roi en parlant de sa charge purement nominale, «de ne laisser pourtant de permettre et de me commander que je commence d'y vaquer et entendre selon que madite dame et mère le vous remontre et requiert. Car il me semble, Monseigneur, pour l'honneur que j'ai d'être le premier prince de votre sang, et sentant en moi une extrême affection au service de V. M., ensuivant celle de mes prédécesseurs, que je tarde trop à faire paraître ma bonne volonté…»

      Cette réclamation et bien d'autres, que provoquèrent, quelques semaines après, de la part de Jeanne, de Condé et de Coligny, les flagrantes violations de la nouvelle paix, СКАЧАТЬ