Название: Les Forestiers du Michigan
Автор: Jules Berlioz d'Auriac
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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– Oui, je peux le faire… répliqua Johnson après quelques instants de méditation.
– Bien! n'y manquez point: me voilà parti. Adieu.
Au même instant on entendit dans le lointain une clameur tremblante et plaintive, lamentable comme un cri d'agonie.
– D'où ça arrive-t-il? demanda Veghte.
– De là-bas: répondit Johnson en indiquant une direction précisément opposée à celle que Basil aurait désignée.
– Impossible! observa ce dernier étonné: je l'ai entendu par ici.
– Vous vous êtes trompé, fit Johnson avec une assurance qui fit hésiter le forestier.
Il s'arrêta un moment, indécis. Au bout de quelques secondes le même cri étrange se fit entendre.
– C'était bien la direction que je pensais, dit Veghte: je parierais que c'est la voix d'une femme. Adieu! n'oubliez pas de tirer quelques coups de feu pour me remettre dans la bonne route.
Les dernières paroles du brave forestier se perdirent dans l'éloignement: il marchait droit au but de sa courageuse expédition.
CHAPITRE III
DÉCOUVERTE ÉTRANGE
Il fallait vraiment ton courage et bon cœur à l'intrépide chasseur, pour affronter cette noire profondeur du désert, cette sinistre tempête, cette neige mortelle amoncelée en menaçantes avalanches.
Quand il eut fait une centaine de pas, il se retourna pour voir s'il apercevrait son feu. Plus rien n'apparaissait.
– Un beau noir! un joli sombre! murmura-t-il en reprenant sa marche: ma foi! il tombe de la neige de façon à épuiser toutes les provisions d'en haut. Brrrrt! ce n'est pas un badinage de se promener à cette heure!
Au même instant, en dépit de toute sa précaution, il se cogna rudement contre un arbre; en se détournant pour l'éviter, il en heurta un autre avec la même violence.
– Il n'y a rien d'agréable à se renfoncer ainsi le nez contre les arbres, se dit-il avec un sang-froid que rien ne pouvait déconcerter.
Et il poussa en avant. Soudain le cri se fit entendre, mais si près de lui, que, malgré toute son assurance, il ne put réprimer un frisson et un ressaut en arrière. Il resta immobile, écoutant toujours.
– C'est la voix d'une femme, pensa-t-il; aussi sûr que mon nom est Basil Veghte; c'est un peu fort! que fait-elle là?
Bien des gens auraient poussé un cri d'appel en forme de signal; assurément il eût été entendu. Mais le forestier était trop avisé pour commettre une telle imprudence. Son oreille exercée avait reconnu la voix d'une squaw indienne.
Mille pensées inquiètes se pressèrent tumultueusement dans son esprit. Toutes ces aventures ne cachaient-elles pas quelque artifice perfide combiné pour le massacrer ou le faire prisonnier?.. N'était-il pas possible que son mystérieux et impassible compagnon eût organisé cette trame diabolique?.. Et sans courir aucun risque, quelque lâche ennemi ne pouvait-il pas précipiter Basil dans un gouffre inconnu?..
En une seconde tous ces soupçons tourbillonnèrent dans son esprit; Veghte se sentit mal à l'aise et écouta plus minutieusement que jamais. Un moment vint, où il s'imagina sentir la présence de plusieurs ennemis; il tourna l'oreille et l'œil dans toutes les directions pour sonder le ténébreux et impénétrable espace.
Puis, il fit quelques pas avec précaution: la voix s'éleva de nouveau; cette fois c'était une sorte de chant sourd et monotone que Veghte reconnut à l'instant.
– Dieu me bénisse! fit-il étonné; c'est le chant de mort. Je vois bien maintenant qu'il n'y a aucune trahison; mais il y a une créature en danger. Holà! qui est là?
Le chant continua comme si rien n'était venu l'interrompre. Pensant n'avoir pas été entendu, Basil réitéra son appel.
– Holà! hé! m'entendez-vous?
Sa voix dominant la tempête, alla se répercuter dans les échos endormis de la forêt: nul doute qu'elle n'eût été entendue.
– Rien n'arrête un Indien qui psalmodie son chant de mort! grommela Veghte avec impatience; voilà une Peau-Rouge encore plus obstinée que les autres.
Quelques pas le portèrent à côté de la femme qui se livrait à ce sépulcral exercice. D'abord, il ne distingua rien: peu à peu le large tronc d'un arbre se dessina dans les ténèbres, et devant lui une forme humaine qui s'y appuyait.
Basil s'avança et tâta avec les mains: cette investigation matérielle acheva de le renseigner.
Mais une chose l'exaspérait considérablement: la femme continuait de chanter avec une persistance inexorable.
– Chut donc! Silence! ou bien je vais vous y forcer. Qu'est-ce que ça signifie de brailler ainsi, alors que personne ne peut vous entendre? Taisez-vous, à la fin! ou je me fâcherai!
Ses injonctions ne produisirent pas plus d'effet que s'il se fût adressé au vent ou à la neige.
– Ah! ah! vous ne voulez pas vous arrêter? Eh bien! nous allons voir!
A ces mots il déploya sa large main et l'appliqua sans cérémonie sur la bouche de la chanteuse. Force lui fut d'interrompre pour le moment ses manifestations musicales.
Veghte tâta ensuite ses bras, ses mains et ses pieds pour savoir quels vêtements garantissaient la pauvre créature contre les rigueurs du temps: il ne trouva, hélas! qu'une mince robe en calicot, suffisante à peine pour la fraîcheur d'une nuit d'été.
– Gelée, glacée à mort! murmura-t-il; par le ciel! tout allait être fini pour vous, pauvre fille! hein? que vois-je par terre?.. Ah! une couverture!.. mais elle est toute raide de glace. Il nous faut du feu, c'est évident! Hé! vous, ne bougez pas, ou je vous tue! ajouta-t-il en déblayant le sol et recollant çà et là des broussailles pour construire son bûcher humide. – Je ne sais trop comment elle ferait pour courir, la malheureuse créature, si l'envie lui venait d'essayer!.. – Attention, vous! de ne pas chercher à fuir: j'ai l'œil sur vous, et si vous faites un pas je vous écrase! poursuivit-il en s'efforçant de rendurcir sa bonne voix émue de compassion.
Le bon forestier ne doutait pas que l'Indienne ne fût arrêtée par cette idée «qu'il avait l'œil sur elle.» – Au milieu de cette obscurité épaisse dans laquelle ils ne pouvaient s'apercevoir, ce propos aurait pu paraître présomptueux! mais il n'y regardait pas de si près, l'excellent homme! Il ne songeait qu'à l'empêcher de fuir, c'est-à-dire de courir à une mort certaine: pour cela il s'efforçait de l'épouvanter en la menaçant de sa colère, «si elle bougeait.»
– Ah! ah! grondait-il tout en bâtissant son feu; oh! oh! je suis un terrible homme, quand on m'irrite! je ne sais pas ce dont je suis capable dans ma colère! si vous faites un mouvement, je vous tuerai avant de m'en apercevoir. – Holà! elle remue, je crois! s'écria-t-il en entendant un léger froissement sur la neige.
Prompt comme l'éclair, il jeta la poignée de petit bois qu'il tenait, et bondit vers elle.
– Non! СКАЧАТЬ