Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ il ne faut point que l'amant se soucie d'excogiter des commoditez, car elle en trouvera plus en une heure que tous nous autres sçaurions faire en cent ans, ainsi que dit une dame de par le monde, que je sçay, qui dit à son amant: «Trouvez moyen seulement de m'en faire venir l'envie, car d'ailleurs, j'en trouveray prou pour en venir là.» César aussi sçavoit bien combien vaut l'aune de ces choses-là, car il estoit un fort grand ruffian, et l'appeloit-on le coq à toutes poules, et en fit force cocus en sa ville, tesmoing le sobriquet que luy donnoient ses soldats à son triomphe: Romani, servate uxores, mœchum adducimus calvum, c'est-à-dire, «Romains, serrez bien vos femmes, car nous vous amenons ce grand paillard et adultere de César le chauve, qui vous les repassera toutes.» Voilà donc comme César, par cette sage response qu'il fit ainsi de sa femme, il s'exempta de porter le nom de cocu qu'il faisoit porter aux autres; mais, dans son ame, il se sentoit bien touché.

      – Octavie César répudia aussi Scribonia pour l'amour de sa paillardise sans autre chose, et ne luy fit autre mal, bien qu'elle eust raison de le faire cocu, à cause d'une infinité de dames qu'il entretenoit; et devant leurs marys publiquement les prenoit à table aux festins qu'il leur faisoit, et les emmenoit en sa chambre, et, après en avoir fait, les renvoyoit, les cheveux défaits un peu et destortillez, avec les oreilles rouges: grand signe qu'elles en venoient, lequel je n'avois ouy dire propre pour descouvrir que l'on en vient; ouy bien le visage, mais non l'oreille. Aussi luy donna-t-on la réputation d'estre fort paillard; mesmes Marc-Antoine le luy reprocha: mais il s'excusoit qu'il n'entretenoit point tant les dames pour la paillardise, que pour descouvrir plus facilement les secrets de leurs marys, desquels il se mesfioit. J'ai cogneu plusieurs grands et autres, qui en ont fait de mesme et ont recherché les dames pour ce mesme sujet, dont s'en sont bien trouvez; j'en nommerois bien aucuns: ce qui est une bonne finesse, car il en sort double plaisir. La conjuration de Catilina fut ainsi descouverte par une dame de joye.

      – Ce mesme Octavie, à sa fille Julia, femme d'Agrippa, pour avoir esté une très-grande putain, et qui luy faisoit grande honte (car quelques-fois les filles font à leurs peres plus de deshonneur que les femmes ne font à leurs marys), fut une fois en délibération de la faire mourir; mais il ne la fit que bannir, luy oster le vin et l'usage des beaux habillements, et d'user des parures, pour très-grande punition, et la fréquentation des hommes: grande punition pourtant pour les femmes de cette condition, de les priver de ces deux derniers points!

      – César Caligula, qui estoit un fort cruel tyran, ayant eu opinion que sa femme Livia Hostilia lui avoit dérobé quelques coups en robe, et donné à son premier mary C. Piso, duquel il l'avoit ostée par force, et à luy encore vivant, luy faisoit quelque plaisir et gracieuseté de son gentil corps cependant qu'il estoit absent en quelque voyage, n'usa point en son endroit de sa cruauté accoustumée, ains la bannit de soy seulement, au bout de deux ans qu'il l'eust ostée à son mary Piso et espousée. Il en fit de mesme à Tullia Paulina, qu'il avoit ostée à son mary C. Memmius: il ne la fit que chasser, mais avec défense expresse de n'user nullement de ce mestier doux, non pas seulement à son mary: rigueur cruelle pourtant de n'en donner à son mary! J'ay ouy parler d'un grand prince chrestien qui fit cette défense à une dame qu'il entretenoit, et à son mary de n'y toucher, tant il estoit jaloux.

      Claudius, fils de Drusus Germanicus, répudia tant seulement sa femme Plantia Herculalina, pour avoir esté une signalée putain, et, qui pis est, pour avoir entendu qu'elle avoit attenté sur sa vie; et, tout cruel qu'il estoit, encor que ces deux raisons fussent assez bastantes pour la faire mourir, il se contenta du divorce. Davantage, combien de temps porta-t-il les fredaines et sales bourdelleries de Valeria Messalina, son autre femme, laquelle ne se contentoit pas de le faire avec l'un et l'autre, dissolument et indiscrètement, mais faisoit profession d'aller aux bourdeaux s'en faire donner, comme la plus grande bagasse de la ville, jusques-là, comme dit Juvenal, qu'ainsi que son mary estoit couché avec elle, se déroboit tout bellement d'auprès de luy le voyant bien endormy et se déguisoit le mieux qu'elle pouvoit, et s'en alloit en plein bourdeau, et là s'en faisoit donner si très-tant, et jusques qu'elle en partoit plustost lasse que saoule et rassasiée, et faisoit encore pis: pour mieux se satisfaire et avoir cette réputation et contentement en soy d'estre une grande putain et bagasse, se faisoit payer, et taxoit ses coups et ses chevauchées, comme un commissaire qui va par pays jusqu'à la dernière maille.

      – J'ay ouy parler d'une dame de par le monde, d'assez chère étoffe, qui quelque temps fit cette vie, et alla ainsi aux bourdeaux déguisée, pour en essayer la vie et s'en faire donner; si que le guet de la ville, en faisant la ronde, l'y surprit une nuict. Il y en a d'autres qui font ces coups, que l'on sçait bien.

      Bocace, en son livre des Illustres Malheureux, parle de cette Messaline gentiment, et la fait alléguant ses excuses en cela, d'autant qu'elle estoit du tout née à cela, si que le jour qu'elle naquist ce fut en certains signes du ciel qui l'embraserent et elle et autres. Son mary le sçavoit, et l'endura long-temps, jusques à ce qu'il sceut qu'elle s'estoit mariée sous bourre avec un Caïus Silius, l'un des beaux gentilshommes de Rome. Voyant que c'estoit une assignation sur sa vie, la fit mourir sur ce sujet, mais nullement pour sa paillardise, car il y estoit tout accoustumé à la voir, la sçavoir et l'endurer. Qui a veu la statue de ladite Messaline trouvée ces jours passez en la ville de Bourdeaux, advouera qu'elle avoit bien la vraye mine de faire une telle vie. C'est une médaille antique, trouvée parmy aucunes ruines, qui est très-belle, et digne de la garder pour la voir et bien contempler. C'estoit une fort grande femme, de très-belle haute taille, les beaux traits de son visage, et sa coeffure tant gentille à l'antique romaine, et sa taille très-haute, démonstrant bien qu'elle estoit ce qu'on a dit: car, à ce que je tiens de plusieurs philosophes, médecins et physionomistes, les grandes femmes sont à cela volontiers inclinées, d'autant qu'elles sont hommasses; et, estant ainsi, participent des chaleurs de l'homme et de la femme; et, jointes ensemble en un seul corps et sujet, sont plus violentes et ont plus de force qu'une seule; aussi qu'à un grand navire, dit-on, il faut une grande eau pour le soutenir. Davantage, à ce que disent les grands docteurs en l'art de Vénus, une grande femme y est plus propre et plus gente qu'une petite. Sur quoi il me souvient d'un très-grand prince que j'ai cogneu: voulant loüer une femme de laquelle il avoit eu joüissance, il dit ces mots: «C'est une très-belle putain, grande comme madame ma mere.» Dont ayant esté surpris sur la promptitude de sa parole, il dit qu'il ne vouloit pas dire qu'elle fust une grande putain comme madame sa mere, mais qu'elle fust de la taille et grande comme madame sa mere.

      – Quelquesfois on dit des choses qu'on ne pense pas dire, quelquesfois aussi sans y penser l'on dit bien la vérité. Voilà donc comme il fait meilleur avec les grandes et hautes femmes, quand ce ne seroit que pour la belle grace, la majesté qui est en elles; car, en ces choses, elle y est aussi requise et autant aimable qu'en d'autres actions et exercices, ny plus ny moins que le manège d'un beau et grand coursier du règne est bien cent fois plus agréable et plaisant que d'un petit bidet, et donne bien plus de plaisir à son escuyer; mais aussi il faut bien que cet escuyer soit bon et se tienne bien, et monstre bien plus de force et d'adresse: de mesme se faut-il porter à l'endroit des grandes et hautes femmes; car, de cette taille, elles sont sujettes d'aller d'un air plus haut que les autres, et bien souvent font perdre l'estrier, voire l'arçon, si l'on n'a bonne tenuë, comme j'ay ouy conter à aucuns cavalcadours qui les ont montées; et lesquelles font gloire et grand mocquerie quand elles les font sauter et tomber tout à plat: ainsi que j'en ay ouy parler d'une de cette ville, laquelle, la première fois que son serviteur coucha avec elle, luy dit franchement: «Embrassez-moy bien, et me liez à vous de bras et de jambes le mieux que vous pourrez, et tenez-vous bien hardiment, car je vays haut, et gardez bien de tomber. Aussi, d'un costé, ne m'espargnez pas; je suis assez forte et habile pour soutenir vos coups, tant rudes soient ils; et si vous m'espargnez je ne vous espargneray point. C'est pourquoy à beau jeu beau retour.» Mais la femme le gaigna. Voilà donc comme il faut bien adviser à se gouverner avec telles femmes hardies, joyeuses, renforcées, charnuës et proportionnées; et, bien que la chaleur surabondante en elles donne beaucoup de contentement, quelquesfois aussi sont-elles trop pressantes pour estre si chaleureuses. Toutesfois, comme l'on dit, de toutes tailles bons levriers: aussi y a-t-il de petites femmes nabottes qui ont le geste, la grace, la façon en ces СКАЧАТЬ