Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ point à mal; la veue et la peinture ne souillent point l'ame.» Les unes disoient: «Le bon vin est aussi bon leans qu'ailleurs.» Les autres affermoient qu'il y faisoit aussi bon boire qu'en une autre coupe, et que la soif s'y passoit aussi bien. Aux unes on faisoit la guerre pourquoy elles ne fermoient les yeux en beuvant; elles respondoient qu'elles vouloient voir ce qu'elles beuvoient, craignant que ce ne fust du vin, mais quelque médecine ou poison. Aux autres on demandoit à quoy elles prenoient plus de plaisir, ou à voir ou à boire; elles respondoient: «A tout.» Les unes disoient: «Voilà de belles grotesques;» les autres: «Voilà de plaisantes nommeries;» les unes disoient: «Voilà de beaux images;» les autres: «Voilà de beaux miroirs;» les unes disoient: «L'orfevre estoit bien à loisir de s'amuser à faire ces fadezes;» les autres disoient: «Et vous, monsieur, encore plus d'avoir achepté ce beau hanap.» Aux unes on demandoit si elles sentoient rien qui les picquast au mitan du corps pour cela: elles respondoient que nulle de ces drolleries y avoit eu pouvoir pour les picquer: aux autres on demandoit si elles n'avoient point senty le vin chaut et qu'il les eust eschauffées, encore que ce fust en hyver; elles respondoient qu'elles n'avoient garde, car elles avoient beu bien froid, qui les avoit bien rafraischies: aux unes on demandoit quelles images de toutes celles elles voudroient tenir en leur lict; elles respondoient qu'elles ne se pouvoient oster de là pour les y transporter. Bref, cent mille brocards et sornettes sur ce sujet s'entre-donnoient les gentilshommes et dames ainsi à table, comme j'ay veu que c'estoit une très-plaisante gausserie, et chose à voir et ouyr; mais surtout à mon gré, le plus et le meilleur estoit à contempler ces filles innocentes, ou qui feignoient l'estre, et autres dames nouvellement venues, à tenir leur mine froide riante du bout du nez et des lèvres, ou à se contraindre et faire des hypocrites, comme plusieurs dames en faisoient de mesme. Et notez que, quand elles eussent deu mourir de soif, les sommelliers n'eussent osé leur donner à boire en une autre coupe ny verre. Et, qui plus est, aucunes juroient, pour faire bon minois, qu'elles ne tourneroient jamais à ces festins; mais elles ne laissoient pour cela à y tourner souvent, car ce prince estoit très-splendide et friand. D'autres disoient, quand on les convioit: «J'iray, mais en protestation qu'on ne nous baillera point à boire dans la coupe;» et quand elles y estoient, elles y beuvoient plus que jamais. Enfin elles s'y anezèrent si bien, qu'elles ne firent plus de scrupule d'y boire; et si firent bien mieux aucunes, qu'elles se servirent de telles visions en temps et lieu, et, qui, plus est, aucunes s'en débauscherent pour en faire l'essay; car toute personne d'esprit veut essayer tout. Voilà les effets de cette belle coupe si bien historiée. A quoy se faut imaginer les autres discours, les songes, les mines et les paroles que telles dames disoient et faisoient entr'elles, à part ou en compagnie. Je pense que telle coupe estoit bien différente à celle dont parle M. de Ronsard en l'une de ses premières odes, dédiée au feu Roy Henry, qui se commence ainsi:

      Comme un qui prend une couppe,

      Seul honneur de son trésor,

      Et de son rang verse à la trouppe

      Du vin qui rit dedans l'or.

      Mais en cette coupe le vin ne rioit pas aux personnes, mais les personnes au vin: car les unes beuvoient en riant, et les autres beuvoient en se ravissant; les unes se compissoient en beuvant, et les autres beuvoient en se compissant; je dis d'autre chose que du pissat. Bref, cette coupe faisoit de terribles effets, tant y estoient pénétrantes ces visions, images et perspectives: dont je me souviens qu'une fois, en une gallerie du comte de Chasteauvilain, dit le seigneur Adjacet, une troupe de dames avec leurs serviteurs estant allés voir cette belle maison, leur veue s'addressa sur de beaux et rares tableaux qui estoient en ladite gallerie. A elles se présenta un tableau beau, où estoient représentées force belles dames nues qui estoient aux bains, qui s'entre touchoient, se palpoient, se manioient et frottoient, s'entre-mesloient, se tastonnoient, et, qui plus est, se faisoient le poil tant gentiment et si proprement en monstrant tout, qu'une froide recluse ou hermite s'en fust eschauffée et esmeue; et c'est pourquoy une grande dame, dont j'ay ouy parler et cogneue, se perdant en ce tableau, dit à son serviteur en se tournant vers luy, comme enragée de cette rage d'amour: «C'est trop demeuré icy: montons en carrosse promptement, et allons en mon logis, car je ne puis plus contenir cette ardeur; il la faut aller esteindre: c'est trop bruslé.» Et ainsi partit, et alla avec son serviteur prendre de cette bonne eau qui est si douce sans sucre, que son serviteur lui donna de sa petite burette.

      Telles peintures et tableaux portent plus de nuisance à une ame fragile qu'on ne pense; comme en estoit un là mesme d'une Vénus toute nue, couchée et regardée de son fils Cupidon; l'autre d'un Mars couché avec sa Vénus, l'autre d'une Léda couchée avec son cygne. Tant d'autres y a-t-il, et là et ailleurs, qui sont un peu plus modestement peints et voilez mieux que les figures de l'Aretin; mais quasi tout vient à un, et en approchant de nostre coupe dont je viens de parler, laquelle avoit quasi quelque sympathie, par antinomie, de la coupe que trouva Renault de Montauban en ce chasteau dont parle l'Arioste, laquelle à plein descouvroit les pauvres cocus, et cette-cy les faisoit; mais l'une portoit un peu trop de scandale aux cocus et leurs femmes infidèles, et cette-cy point. Aujourd'huy n'en est besoin de ces livres ni de ces peintures, car les marys leur en apprennent prou: et voilà que servent telles escholes de marys.

      – J'ai cogneu un bon imprimeur vénitien à Paris, qui s'appelloit messer Bernardo, parent de ce grand Aldus Manutius de Venise9, qui tenoit sa boutique en la rue de Sainct-Jacques, qui me dit et jura une fois qu'en moins d'un an il avoit vendu plus de cinquante paires de livres de l'Aretin à force gens mariés et non mariés, et à des femmes, dont il me nomma trois de par le monde, grandes, que je ne nommeray point, et les leur bailla à elles-mesmes, et très-bien reliés, sous serment presté qu'il n'en sonneroit pas mot, mais pourtant il me le dist, et me dist davantage qu'une autre dame lui en ayant demandé au bout de quelque temps s'il en avoit point un pareil comme un qu'elle avoit veu entre les mains d'une de ces trois, il luy respondit: Signora, si, et peggio, et soudain argent en campagne, les acheptant tous au poids de l'or. Voilà une folle curiosité pour envoyer son mari faire un voyage à Cornette près de Civita-Vecchia.

      Toutes ces formes et postures sont odieuses à Dieu, si bien que sainct Hierosme dit: «Qui se monstre plustost débordé amoureux de sa femme que mary, est adultère et pèche.» Et parce qu'aucuns docteurs ecclésiastiques en ont parlé, je diray ce mot briefvement en mots latins, d'autant qu'eux-mesmes ne l'ont voulu dire en françois. Excessus, disent-ils, conjugum fit, quando uxor cognoscitur ante retro stando, sedendo in latere, et mulier super virum; comme un petit quolibet que j'ay leu d'autrefois, qui dit:

      In prato viridi monialem ludere vidi

      Cum monacho leviter, ille sub, illa super.

      D'autres disent quand ils s'accommodent autrement que la femme ne puisse concevoir. Toutesfois il y a aucunes femmes qui disent qu'elles conçoivent mieux par les postures monstrueuses et surnaturelles et estranges, que naturelles et communes, d'autant qu'elles y prennent plaisir davantage, et comme dit le poëte, quand elles s'accommodent more canino, ce qui est odieux: toutes-fois les femmes grosses, au moins aucunes, en usent ainsi de peur de se gaster par le devant. D'autres docteurs disent que quelque forme que ce soit est bonne, mais que semen ejaculetur in matricen mulieris, et quomodocunque uxor cognoscatur, si vir ejaculetur semen in matricem, non est peccatum mortale. Vous trouverez ces disputes dans Summa Benedicti, qui est un cordelier docteur qui a très-bien escrit de tous les péchés, et monstre qu'il a beaucoup leu et veu10. Qui voudra lire ce passage y verra beaucoup d'abus que commettent les marys à l'endroit de leurs femmes. Aussi dit-il que, quando mulier est ita pinguis ut non possit aliter coïre, que par telles postures, non est peccatum mortale, modò vir ejaculetur semen in vas naturale. Dont disent aucuns qu'il vaudroit mieux que les marys s'abstinssent de leurs femmes quand elles sont pleines, comme font les animaux, que de souiller le mariage par telles vilainies.

      – J'ai cogneu une fameuse courtisane à Rome, dite la Grecque, qu'un grand seigneur de France avoit là entretenue. Au bout de quelque temps, il luy prit envie de venir voir la France, par le moyen du seigneur BonusiСКАЧАТЬ



<p>9</p>

Bernardin Turisan, qui avoit pour enseigne la devise des Manuces, ses parents.

<p>10</p>

Ce livre, intitulé la Somme des péchés et le remède d'iceux, imprimé à Lyon, chez Charles Pesnot, dès 1584, in-4^o, et diverses autres fois depuis, est de la composition de Jean Benedicti, cordelier de Bretagne, qui ne l'a pas moins rempli d'ordures et de saletés, que le jésuite Sanchez en a rempli son traité de Matrimonio; et ce qu'il y a de fort singulier, c'est qu'un ouvrage si impur n'en est pas moins dédié à la sainte Vierge. Comme on voit, Brantôme et ses semblables savoient très-bien en faire leur profit, et y découvrir de nouveaux ragoûts de lubricité.