Les Troubadours. Anglade Joseph
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Название: Les Troubadours

Автор: Anglade Joseph

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de Pétrarque, était prince de Blaye. Cinq rois se sont exercés à la poésie provençale: il est vrai qu'on a remarqué à leur sujet que leur contribution n'avait pas été des plus brillantes. La liste des troubadours comprend encore dix comtes, cinq marquis et autant de vicomtes; parmi eux Bertran de Born. Beaucoup d'autres sont de puissants barons ou de riches chevaliers. Plusieurs, par contre, sont des chevaliers sans fortune qui abandonnent le métier des armes pour la poésie 13.

      Cependant ce n'est pas seulement dans les hautes classes que sont écloses les vocations poétiques. Un des troubadours les plus anciens et les plus originaux, Marcabrun, originaire de Gascogne, était un enfant illégitime. Un des plus gracieux, le Limousin Bernard de Ventadour, était le fils d'un domestique du château de Ventadour, dont les seigneurs, poètes eux-mêmes, furent depuis les origines de la poésie provençale les protecteurs nés des troubadours: Giraut de Bornelh, dont la vie, suivant la biographie provençale, fut si édifiante, était aussi de petite naissance. De même origine fut sans doute le dernier troubadour, Guiraut Riquier de Narbonne.

      D'autres troubadours, et non des moindres, s'étaient destinés d'abord à l'état ecclésiastique. La biographie provençale nous raconte de plus d'un qu'arrivé à l'âge d'homme il «s'éprit des joies du monde» et quitta le métier de clerc pour celui de troubadour. Il est vrai que plusieurs suivirent une voie inverse. Bertran de Born, après une vie consacrée aux armes et à la poésie, finit obscurément à l'abbaye de Dalon. Le troubadour Folquet de Marseille, fils d'un riche marchand, entré dans les ordres après sa carrière poétique, devint évêque de Toulouse. Il se signala, dans ce nouveau poste, par un tel zèle contre les Albigeois que l'Église le sanctifia. Un demi-siècle plus tard le troubadour Gui Folqueys, devenu pape sous le nom de Clément IV, accordait cent jours d'indulgence à qui récitait ses poésies; hâtons-nous de dire qu'il s'agissait de prières à la Vierge.

      Les sentiments de l'Église vis-à-vis de la poésie des troubadours paraissent avoir varié avec le temps et peut-être aussi avec les hommes. Ainsi Gui d'Ussel, qui appartenait à une noble famille de troubadours, et qui était chanoine de Brioude, dut jurer au légat du pape de renoncer à la poésie profane. En revanche le moine de Montaudon avait la permission de son supérieur de se livrer à la poésie dans l'intérieur de son couvent. De plus il était autorisé à visiter les châteaux du voisinage et à y réciter ses chansons; seulement il devait rapporter au cloître les présents qu'il recevait. On a compté seize ecclésiastiques parmi les troubadours, dont deux évêques et plusieurs chanoines. Au point de vue profane, très profane même, la palme appartient parmi ceux-ci à un chanoine de Maguelone, Daude de Prades, qui peut compter au nombre des ancêtres les plus immédiats de Rabelais; il vivait au XIIIe siècle, et son activité poétique ne paraît pas avoir été gênée par ses supérieurs.

      La bourgeoisie enfin a fourni également bon nombre de troubadours: les fils de marchands ne sont pas rares parmi eux: Bartolomé Zorzi, de Venise, était marchand; Élias Cairel, originaire du Périgord, était graveur en métaux précieux; Arnaut de Mareuil et plusieurs autres étaient notaires. Toutes les classes de la société étaient ainsi représentées dans ce monde étrange des troubadours; fils de nobles, fils de bourgeois, ou simples fils de gueux, un même amour pour la poésie les rapprochait.

      Il manquerait un fleuron à cette couronne poétique, si nous n'ajoutions que les femmes aussi s'exercèrent avec honneur à la poésie. On compte dix-sept poétesses: parmi elles Béatrice, la gracieuse comtesse de Die, dont les chansons nous font connaître le roman d'amour avec le troubadour Raimbaut, comte d'Orange. Marie de Ventadour, femme d'Èbles IV, passait pour une connaisseuse en art poétique; elle composa des poésies et fut choisie comme juge, avec d'autres nobles dames, dans des questions de casuistique amoureuse 14.

      Dans certaines familles les deux époux étaient poètes: nous connaissons au moins deux exemples d'unions de ce genre 15. Quelquefois il se formait une vraie dynastie de troubadours, comme dans la famille des châtelains d'Ussel, en Limousin. «Gui d'Ussel, nous dit le biographe, était un noble châtelain; l'un de ses frères s'appelait Èbles, l'autre Pierre; son cousin s'appelait Élie; et tous quatre étaient troubadours. Gui trouvait de bonnes chansons, Élie de bonnes tensons et Èbles les mauvaises [il y a là une distinction qui ne nous paraît pas très claire; peut-être les mauvaises tensons désignent-elles des tensons grossières, comme cela arrivait quelquefois]. Pierre chantait tout ce que son cousin et ses frères composaient. Gui était chanoine de Brioude et de Montferran…» C'est à lui, on s'en souvient, que le légat du pape fit jurer de renoncer à la poésie profane.

      On voit, par cette rapide esquisse, combien variée fut la condition des troubadours. Il y en eut parmi eux à qui la fortune sourit en même temps que la poésie, dès leur berceau; et il y eut aussi de pauvres hères, qui, épris d'idéal et de rêve, n'eurent d'autre ressource pour le réaliser que de courir le monde. Aussi la plupart d'entre eux furent-ils de grands voyageurs. Nous en connaissons qui sont allés en Orient, quelques-uns dans les pays d'outre-Loire, comme Bernard de Ventadour et Bertran de Born, qui séjournèrent en Normandie. D'autres paraissent avoir vécu à la cour des comtes de Champagne, comme un des plus anciens, Marcabrun, et peut-être Rigaut de Barbezieux.

      Quant au sud de la France, à la péninsule ibérique et au nord de l'Italie, c'était leur pays de prédilection. C'est là qu'ils trouvaient leurs plus puissants et leurs plus généreux protecteurs: en Italie les marquis de Montferrat et d'Este, dans la marche de Trévise; l'empereur Frédéric II. En Espagne ils vinrent en foule à la cour des rois de Castille et d'Aragon, en particulier à celles du roi Alfonse X le Savant et de Jacme le Conquistador. En France il suffit de citer les noms de quelques-uns de leurs protecteurs pris parmi les plus connus: ce sont les comtes de Toulouse et de Provence, les vicomtes de Marseille, les seigneurs de Montpellier, les vicomtes de Béziers, les vicomtes de Narbonne, les comtes de Rodez, et ceux d'Astarac. A ces puissants protecteurs il faut ajouter les rois d'Angleterre qui ont vécu en France, comme Henri au Court-Mantel et surtout Richard Cœur de Lion, poète lui-même, et protecteur d'Arnaut Daniel, de Peire Vidal, de Folquet de Marseille 16.

      Ce rapide coup d'œil sur l'histoire des troubadours nous laisse entrevoir combien ardent était, dans toutes les classes de la société, l'amour de la poésie et de quelle faveur y jouissaient les poètes. Une étude rapide de leurs biographies confirmera ces impressions. Jamais peut-être la poésie n'a suscité tant d'enthousiasme, tant de dévouements.

      Il existe deux sources principales pour la biographie des troubadours: l'une ancienne, l'autre plus récente. Celle-ci est du célèbre Jehan de Notredame, plus connu sous le nom de Nostradamus, procureur du roi au Parlement d'Aix-en-Provence, à la fin du XVIe siècle, et mystificateur littéraire des plus audacieux. Il connaissait très bien l'ancienne poésie provençale et il avait à sa disposition de précieux documents que nous ne possédons plus. Il pouvait rendre service aux études provençales pour lesquelles il avait une si grande sympathie. Il s'est amusé à créer une vie légendaire des troubadours en mêlant à des faits exacts ce que lui suggéraient son imagination et sa fantaisie. Il tirait ses renseignements, prétendait-il, du manuscrit d'un savant moine, mort au début du XVe siècle, au monastère de Saint-Honorat, dans l'île de Lérins, et qui s'appelait du joli nom de Moine des Iles d'Or. C'était un mythe. On crut pendant longtemps à cette supercherie; ce n'est que dans le dernier siècle qu'on a exprimé des doutes; et tout récemment enfin le savant provençaliste Chabaneau a fait connaître le mot de l'énigme: le Moine des Iles d'Or n'est autre chose que l'anagramme du nom d'un ami de Nostradamus 17. Telle était la source principale de ses récits: qu'on juge par là des autres. Ce fut une belle mystification, une galéjade littéraire: elle n'a que trop bien réussi; les inventions de Nostradamus ont eu la vie dure, presque autant que les Centuries de son frère aîné, Michel de Nostredame, le prophète.

      Laissons СКАЧАТЬ



<p>13</p>

Cf. A. Stimming in Grœber, Grundriss der romanischen Philologie, II, A, p. 19. Une partie des détails qui suivent est empruntée à cet excellent résumé.

<p>14</p>

O. Schultz (-Gora), Die provenzalischen Dichterinnen, Leipzig, 1888.

<p>15</p>

Raimon de Miraval et son épouse Gaudairenca; Hugolin de Forcalquier et Blanchemain (A. Stimming, l. s., p. 19).

<p>16</p>

Sur les protecteurs des troubadours, voir Paul Meyer, Provençal language and litterature, in Encyclopædia britannica, et la liste dressée par Diez, Leben und Werke, 2e éd., p. 497. Cf. aussi Restori, Lett. prov., p. 77-79.

<p>17</p>

Jean de Nostredame, Vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux, Lyon, 1575. M. Chabaneau préparait depuis de nombreuses années une réédition de cet ouvrage. Nous la publierons le plus tôt possible. Cf. Chabaneau, Le Moine des Iles d'or, Annales du Midi, 1907.