Les Troubadours. Anglade Joseph
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Название: Les Troubadours

Автор: Anglade Joseph

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ Marseille et par Narbonne, qui toutes deux avaient déjà connu la civilisation grecque. De bonne heure de savantes écoles d'enseignement supérieur s'élevèrent dans les provinces méridionales. Il suffit de rappeler l'éclat dont brillaient au IVe siècle Bordeaux et Périgueux, Auch et Toulouse, Narbonne et Arles, Vienne et Lyon.

      C'est par le Midi également qu'avait commencé l'évangélisation des Gaules: de gracieuses légendes le rappellent encore aujourd'hui en Provence. Ces causes réunies donnèrent à ces pays, pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne, une vie intellectuelle et artistique que d'autres parties de la Gaule n'avaient pas connue ou ne connaissaient plus. Sans doute, dans l'Est et le Nord-Est, les écoles de Besançon, d'Autun et de Trèves, comme celles de Bourges et d'Orléans, dans le Centre, étaient restées célèbres, mais leur décadence, pour des causes que nous n'avons pas à rappeler ici, avait été plus rapide que celle des écoles du Midi. Trèves en particulier, malgré Ausone, était, comme l'a remarqué M. Jullian, une grande place d'armes plutôt qu'une grande Université 1. Une curieuse anecdote, rapportée par Grégoire de Tours, nous renseigne sur l'état d'esprit d'un abbé parisien de son temps que le caprice du roi Clotaire voulait envoyer comme évêque à Avignon, en Avignon, comme on dit plus euphoniquement en Provence. Le pauvre saint Domnolus, car c'est de lui qu'il s'agit, passa toute la nuit en prières, demandant à Dieu de ne pas être envoyé parmi les senatores sophisticos (c'étaient les conseillers municipaux du temps) et les judices philosophicos (la magistrature!) qui peuplaient Avignon; il affirmait que, vu sa simplicité, le poste qu'on lui offrait serait pour lui une humiliation plutôt qu'un honneur 2.

      Il semble donc que dans la plupart des villes du Midi de la Gaule des traditions littéraires et artistiques s'étaient maintenues, au moins jusqu'à la rénovation des études classiques à l'époque de Charlemagne. A cette date, cent cinquante ans à peine nous séparent des premiers monuments poétiques de la langue d'oc, qui sont un poème philosophique commentant le De Consolatione de Boèce, et un poème sur sainte Foy d'Agen. A la fin du XIe siècle apparaît le premier troubadour, Guillaume, comte de Poitiers.

      La tentation est grande d'expliquer par une survivance des traditions littéraires la naissance de ce mouvement poétique. La poésie des troubadours serait l'héritière de la poésie latine de la décadence. Une explication de ce genre paraît même si naturelle qu'on pourrait être porté à s'en contenter tout d'abord et à n'en point chercher d'autre. Cependant la vérité paraît être bien différente. Nous essaierons de la dégager après avoir délimité le domaine linguistique de l'ancienne langue d'oc. La question des origines sera plus claire après cet exposé.

      Les limites de la langue d'oc ne paraissent pas avoir changé depuis le moyen âge. La ligne qui sépare les deux langues de la France part de la rive droite de la Garonne, à son confluent avec la Dordogne, remonte vers le nord, en laissant Angoulême dans le domaine de la langue d'oïl et en dépassant Limoges, Guéret et Montluçon; elle redescend ensuite vers Lyon par Roanne et Saint-Étienne.

      Une partie du Dauphiné (jusqu'au-dessous de Grenoble), la Franche-Comté (jusqu'aux environs de Montbéliard) et les dialectes romans de la Suisse forment un groupe linguistique que le savant Ascoli a dénommé franco-provençal 3, à cause des traits communs aux langues française et provençale que présentent les dialectes de cette région.

      En redescendant vers la Méditerranée la frontière linguistique se confond avec la frontière politique, sauf en ce qui concerne le Val d'Aoste qui appartient au franco-provençal et quelques villages italiens de langue d'oc.

      Au sud-ouest, la limite linguistique dépassait de beaucoup les limites de la France actuelle; car le catalan, avec Barcelone, Valence et les îles Baléares est du domaine de la langue provençale.

      La région que nous venons de délimiter à grands traits comprenait, comme aujourd'hui, plusieurs dialectes. Les principaux étaient le limousin, qui voisinait avec les dialectes de la langue d'oïl (saintongeais et poitevin), le gascon, qui occupait, à peu près comme aujourd'hui, la boucle formée par la Garonne, le languedocien, les dialectes d'Auvergne et de Dauphiné et le provençal proprement dit. Aujourd'hui ces dialectes présentent des différences profondes; livrés à eux-mêmes pendant des siècles, ils ont librement évolué. Il n'en était pas de même aux origines; les différences étaient beaucoup moins sensibles.

      De plus, il se forma de bonne heure une sorte de langue littéraire. Sans Académie, sans règles, par la force des choses, disons mieux, par la force de la poésie, la langue des premiers troubadours s'imposa à leurs successeurs. On peut reconnaître des différences dialectales – en petit nombre – chez quelques-uns d'entre eux; mais, dans l'ensemble, la langue resta la même, du début du XIIe siècle à la fin du XIIIe.

      Le dialecte auquel cette langue était le plus apparentée était le dialecte limousin. Il y a là une indication précieuse, qui n'a pas échappé à ceux qui se sont occupés les premiers des origines de la poésie provençale. La linguistique a servi de point de départ aux recherches d'histoire littéraire. C'est dans ce dialecte limousin qu'ont été écrites les premières poésies des troubadours, c'est lui qui s'est imposé aux poètes du XIIe et du XIIIe siècle 4.

      Il se produisit même un phénomène peu fréquent dans l'histoire littéraire. La langue limousine-provençale devint la seule langue poétique non seulement du midi de la France, mais d'une partie de l'Espagne et de l'Italie. Des poètes nés dans le domaine de langue d'oïl, en Saintonge par exemple, écrivirent en provençal. Une légende attribuait à Dante l'intention d'écrire la Divine Comédie dans cette langue (n'oublions pas que son maître, Brunetto Latini, écrivit en français, et son compatriote Sordel en provençal); ce qui est certain, c'est qu'il est l'auteur des vers provençaux qu'il met dans la bouche d'Arnaut Daniel dans la Divine Comédie.

      Mais il est temps de revenir à la question des origines, que nous avons dû laisser en suspens: elle est d'ailleurs déjà résolue.

      Pour la résoudre, il fallait connaître auparavant ce fait si important que les premières œuvres poétiques nous viennent de l'ouest et du sud-ouest, du Limousin, du Poitou, de la Saintonge; il fallait savoir que la langue des troubadours s'appela d'abord langue «limousine». C'est en effet dans le Limousin, et en partie dans le Poitou, plus vraisemblablement à la limite commune des deux provinces, qu'on peut placer le berceau de la poésie des troubadours. Le premier d'entre eux n'est-il pas Guillaume VII, comte de Poitiers 5?

      Il a existé des «sons» poitevins (mélodies). Dans cette partie de la France où les dialectes d'oc et ceux d'oïl étaient en contact, il semble qu'on ait composé de nombreux chants populaires, romances, aubes, pastourelles, rondes et danses: c'est dans ces chants qu'il faut chercher l'origine de la poésie des troubadours.

      La forme artistique de leurs premières compositions, la technique élégante de leur métrique, toutes choses qui nous éloignent de la facture simple et fruste de la poésie populaire, ne doivent pas nous faire illusion sur les humbles origines de leur art. La chanson courtoise, qui est le produit le plus remarquable de la poésie des troubadours, a eu pour aïeule la chanson populaire, chanson d'amour ou rondes de printemps. Rondes de printemps surtout, si on en juge par le début des chansons courtoises qui rappellent presque toutes la réapparition des feuilles et des fleurs, avec le retour des oiseaux; la mention du mois de mai, du rossignol, de l'hirondelle ou de l'alouette, oiseaux populaires et poétiques, laisse entrevoir dès les premiers vers des chansons les plus conventionnelles les origines lointaines de cette poésie.

      D'ailleurs parmi les genres traités par les troubadours, il en est quelques-uns qui ont gardé leur type populaire. Rappelons seulement que les principaux d'entre eux СКАЧАТЬ



<p>1</p>

Roger, L'enseignement des lettres classiques, d'Ausone à Alcuin, Paris, 1905.

<p>2</p>

Kiener, Verfassungsgeschichte der Provence seit der Ostgothenherrschaft bis zur Errichtung der Konsulate (510-1200). Leipzig, 1900, p. 48.

<p>3</p>

Les limites approximatives du franco-provençal sont données d'après la première carte du Grundriss de Grœber, t. I.

<p>4</p>

Cette langue s'appela d'abord langue romane, puis prit le nom de limousine; la dénomination de provençal date du XIIIe siècle: c'était, dans ce sens, la langue de la «Province» comprenant à peu près tout le Sud de la France.

<p>5</p>

M. Chabaneau, en classant par province d'origine les troubadours dont il existe une biographie (111, un quart environ du chiffre total) donne pour l'Aquitaine quarante-un noms: parmi eux Guillaume de Poitiers, les troubadours gascons Cercamon et Marcabrun, Jaufre Rudel et Rigaut de Barbezieux (Saintonge), Arnaut de Mareuil, Arnaut Daniel, Giraut de Bornelh, Bertran de Born, etc. L'Auvergne et le Velay ont douze troubadours avec biographie: parmi eux Peire d'Auvergne, Peire Rogier, Peirol, Peire Cardenal. Le Languedoc en a dix-huit, parmi lesquels les Toulousains Peire Vidal et Aimeric de Péguillan, Raimon de Miraval, Guiraut Riquier. Enfin la Provence et le Viennois présentent vingt-huit noms; les principaux sont ceux de Raimbaut d'Orange, de la comtesse de Die, Folquet de Marseille, Raimbaut de Vaquières, Folquet de Romans, etc. Quoique cette liste ne comprenne qu'un quart des troubadours (et que, par conséquent, la classification soit incomplète) il faut remarquer que parmi ces troubadours se trouvent les plus illustres.