Histoire des salons de Paris. Tome 4. Abrantès Laure Junot duchesse d'
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Название: Histoire des salons de Paris. Tome 4

Автор: Abrantès Laure Junot duchesse d'

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/44054

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СКАЧАТЬ entendîmes mademoiselle Duchesnois dans Phèdre, et, je crois, dans Clytemnestre et dans Didon

      – Que ferez-vous? dis-je à Chaptal, lorsque après avoir écouté la débutante on se mêla pour causer.

      Il me regarda en souriant.

      – Je parie que vous m'avez deviné, me dit-il.

      – Mais non… J'ai fort bonne opinion de votre fermeté…

      – Vraiment!.. mais le moyen!.. mettez-vous à ma place… tenez, voyez plutôt.

      En effet, nous vîmes s'avancer vers nous madame Bonaparte, donnant le bras à madame de Montesson, qui, pour cette grande attaque, avait quitté son canapé et son tabouret34, et, tenant mademoiselle Duchesnois par la main, venait solliciter le fameux ordre de début…

      – Et la protégée de madame Louis Bonaparte? dis-je à Chaptal…

      – Oh! qu'elle est belle! s'écria-t-il comme transporté à ce seul souvenir!

      – Et comme elle est bonne dans les moments de force de son rôle! vous ne pouvez pas la refuser si celle-ci débute.

      – Vous avez raison… Eh bien! toutes deux débuteront.

      Ces dames arrivèrent alors auprès de nous… Madame de Montesson demanda, madame Bonaparte appuya et Chaptal accorda ce qu'il ne pouvait au fait pas refuser à madame Bonaparte, qui, par instinct, n'aimait pas mademoiselle Georges, rivale de mademoiselle Duchesnois, que mademoiselle Raucourt avait amenée chez madame Louis, où je l'admirai le lendemain de la soirée de madame de Montesson.

      – N'est-ce pas, me dit mademoiselle Raucourt avec son accent de Léontine dans Héraclius, ou de Cléopâtre dans Rodogune, n'est-ce pas que voilà un bel outil de tragédie?..

      Le fait est qu'elle était superbe, et que son talent, très-beau dans cette première époque de sa vie, est devenu un des plus remarquables de notre temps: c'est le dernier soupir de la bonne tragédie. Mademoiselle Raucourt lui avait donné les bonnes traditions, et elle les a conservées…

      Madame de Montesson voulut quitter Paris, et comme sa fortune lui permettait d'avoir une maison à elle, elle en acheta une charmante à Romainville; mais elle était trop petite, il fallut l'agrandir. Elle fit bâtir, et ce qu'elle ordonna fut d'un goût si parfait, que tout le monde voulut connaître cette charmante chaumière ou moulin, comme elle l'appelait, et bientôt elle eut plus de monde qu'à Paris.

      J'ai déjà dit qu'elle peignait admirablement les fleurs; elle voulut en élever d'aussi belles que celles du Jardin des Plantes, pour lui servir de modèles. Elle fit donc construire une serre à Romainville: cette serre servit ensuite de modèle pour celle de la Malmaison35; elle communiquait à la chambre à coucher de madame de Montesson par une glace sans tain. Au milieu, était une rotonde dans laquelle on déjeunait tous les matins. Il y avait souvent des personnes qui ne pouvaient pas venir plus tard et venaient déjeuner à Romainville, et puis l'entourage de madame de Montesson était fort nombreux. Elle avait ses deux nièces, dont l'une, madame de Valence, était encore charmante, et jolie, et gracieuse, autant que femme peut l'être…; l'autre, madame Ducrest, chantait à merveille. On faisait d'excellente musique à Romainville; madame Robadet, dame de compagnie de madame de Montesson, était très-forte sur le piano et l'une des premières élèves de Steibelt. Dès qu'il fut arrivé à Paris, il fut attiré dans cette maison et contribua à l'agrément du salon de madame de Montesson. C'était une aimable femme que madame Robadet36; elle formait, avec la famille nombreuse de madame de Montesson, le fond et le noyau de la société qu'on était toujours sûr de trouver à Romainville. Tout cela se groupait autour de la maîtresse de la maison, sans chercher à faire un effet exclusif, et pour l'aider seulement à rendre sa maison plus agréable37, quoique parmi elles il y en eût qui pouvaient le faire avec certitude de succès; mais la pensée n'en venait pas… Il y avait donc à Romainville madame de Valence, encore jolie à faire tourner une tête, et madame Ducrest, nièces toutes deux de madame de Montesson; les deux filles de madame de Valence38, parfaitement élevées, polies, et faisant déjà présumer ce qu'elles sont devenues, des femmes parfaites; mademoiselle Ducrest (Georgette), jolie comme un ange et fraîche comme un bouton de rose… Voilà ce qui formait le fond de la société habituelle de madame de Montesson; il faut y ajouter les dames de La Tour39, amies malheureuses pour qui elle fut une providence… Les plus habituées ensuite étaient madame Récamier, madame Regnault de Saint-Jean-d'Angély… Madame Bonaparte y allait aussi souvent qu'elle le pouvait, ainsi que la princesse Borghèse. J'y allais aussi, mais je fus à Arras alors, ce qui me rendit moins assidue. On y voyait aussi presque toujours madame de Fontanges40, fille de M. de Pont; et puis encore madame de Custine, mademoiselle de Sabran, cette belle et ravissante personne, dont le dévouement, aussi grand que son courage et sa beauté, fit impression sur un peuple en délire, et ne put toucher des juges qui, pour la satisfaire, n'avaient qu'à écouter la justice!..

      On voyait encore chez madame de Montesson toutes les étrangères ayant une spécialité de fortune, de rang ou de beauté: la marquise de Luchesini41, la marquise de Gallo42, madame Visconti, la duchesse de Courlande, madame Divoff, madame Demidoff, la princesse Dolgorouki et la belle madame Zamoïska43, et une foule de Françaises et d'étrangères dont les noms m'échappent.

      J'ai dit que madame de Montesson ne sortait pas. Sa santé, presque détruite, en était encore plus la cause que l'étiquette, contre laquelle plusieurs personnes se révoltaient. À l'époque dont je parle surtout (en 1804), elle souffrait cruellement de douleurs aiguës qui lui ôtaient presque ses facultés. Un jour cependant, quelles que fussent ses souffrances, elle prouva combien madame de Genlis avait tort en l'accusant de manquer de cœur44. Elle était plus accablée que de coutume, et retirée dans l'intérieur de son appartement; elle était entourée de ses femmes, qui empêchaient le moindre bruit de parvenir à elle… Tout à coup, elle entend la voix de madame de La Tour, de son amie, qui, au milieu de sanglots étouffés, suppliait la femme de chambre de garde auprès de la malade de la laisser entrer… Madame de Montesson, émue de ce qu'elle entend, sonne, et donne l'ordre de laisser entrer madame de La Tour.

      – Ah! mon amie, ma seule amie, venez à notre secours! s'écrie madame de La Tour, en tombant à genoux près de son lit… Mes neveux vont périr si vous ne les secourez pas!.. Vous seule le pouvez; car vous avez tout pouvoir sur madame Bonaparte, et madame Bonaparte peut tout à son tour sur le général Bonaparte45.

      Et madame de La Tour apprend à son amie ce qu'elle ignorait, n'ayant lu aucun journal depuis le matin, la conspiration de Georges et le danger de MM. de Polignac.

      Madame de Montesson, dont l'esprit rapide comprit sur-le-champ le danger des accusés, ne perd pas un moment à délibérer; elle sonne, donne l'ordre de mettre ses chevaux et demande une robe.

      – Mais vous êtes malade, mon amie!.. vous souffrez cruellement… vous ne pouvez aller à Paris… Je ne vous demandais qu'un billet pour madame Bonaparte!

      – Un billet n'est point assez éloquent lorsqu'il s'agit de la vie d'un homme, lui répondit madame de Montesson… Il faut que je voie non-seulement Joséphine, mais l'Empereur!..

СКАЧАТЬ



<p>34</p>

Madame de Montesson savait sans doute, par les Mémoires de Saint-Simon et ceux de Dangeau, que les princesses se couchaient sur leur lit pour ne pas reconduire lorsque l'étiquette était douteuse. Pour trancher la difficulté, madame de Montesson était sur un canapé, les pieds posés sur un tabouret et les jambes recouvertes d'un couvrepied. Cette attitude admettait un état qui l'empêchait de se lever et conséquemment de reconduire. Elle ne reconduisait que madame Bonaparte et madame Louis, quelquefois aussi la princesse Pauline: celle-ci exigea qu'elle ne le fît pas, mais elle le voulait faire. J'ai déjà parlé de cette coutume de la maison de madame de Montesson.

<p>35</p>

La serre de la Folie de Saint-James, à Neuilly, avait été faite sur ce plan bien avant toutes deux.

<p>36</p>

Madame Robadet, dame de compagnie de madame de Montesson, fut toujours attentive à lui plaire, mais n'en fut pas récompensée comme elle aurait dû l'être à la mort de madame de Montesson. Elle fut à peu près oubliée dans le testament, si elle ne le fut pas tout-à-fait. J'ai contribué pour ma part, et sans qu'elle l'ait su, peut-être, à lui faire avoir une place de dame de compagnie en Italie. Madame Robadet était une aimable femme.

<p>37</p>

J'ai vu des exemples de ce que je viens de citer, pas plus tard que l'hiver dernier. C'était dans un salon où il y avait beaucoup de monde; la maîtresse de la maison se levait pour aller parler à quelqu'un à l'extrémité du salon; elle trouvait sa place auprès de la cheminée prise, cette place qui est toujours un lieu réservé, ainsi que tout le monde sait. Cette ridicule usurpation se fit plusieurs fois de suite; il fallut que la maîtresse de la maison le dît enfin, pour qu'on ne retombât plus dans cette faute.

<p>38</p>

Qui depuis épousèrent, l'une M. de Celles, préfet de Nantes, l'autre le maréchal Gérard. Toutes deux sont faites pour servir de modèle comme filles, comme épouses et comme mères. Madame de Celles est morte à Rome en 1825.

<p>39</p>

Madame de La Tour était mademoiselle de Polastron et sœur de la duchesse Jules de Polignac.

<p>40</p>

Madame la marquise de Fontanges, fille de l'ancien intendant de Metz, était une charmante personne et jolie comme un ange; sa fille Delphine a depuis épousé M. Onslow (Georges), qui possède un si beau talent pour la composition de musique dramatique.

Madame de Fontanges et son père, M. de Pont, étaient aussi des amis intimes de ma mère. M. de Pont était avec M. de Valence et César Ducrest, lorsque ce malheureux jeune homme fut tué par une bombe, au feu d'artifice tiré pour la paix avec l'Angleterre: M. de Pont eut le bras cassé à plus de soixante-six ans. Il était l'ami le plus intime, après M. de Valence, de madame de Montesson.

<p>41</p>

Femme du ministre de Prusse. – C'était une énorme Prussienne, très-bonne femme du reste.

<p>42</p>

Ambassadrice de Naples.

<p>43</p>

Sœur du prince Czartorinsky.

<p>44</p>

Madame de Genlis a été pour madame de Montesson comme beaucoup de gens sont envers les grands parents, c'est-à-dire ingrats, du jour où celui qui a longtemps fait s'arrête. Alors ce parent a tous les défauts; il a d'abord les siens, et puis toutes ses qualités qui se sont changées en défauts. Bienheureux qu'elles ne deviennent pas des vices!

<p>45</p>

Madame de La Tour se serait crue coupable d'appeler l'Empereur par son nom.