Histoire des salons de Paris. Tome 4. Abrantès Laure Junot duchesse d'
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Histoire des salons de Paris. Tome 4 - Abrantès Laure Junot duchesse d' страница 8

Название: Histoire des salons de Paris. Tome 4

Автор: Abrantès Laure Junot duchesse d'

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/44054

isbn:

СКАЧАТЬ les rôles de rondeur et de gaieté. M. le duc d'Orléans n'aurait pas bien joué les rôles de Fleury, ni ceux de Molé; son physique d'ailleurs s'y opposait31; mais les rôles dans le genre de ceux que je viens de citer étaient aussi bien et même peut-être mieux remplis par lui qu'ils ne l'étaient souvent à la Comédie Française. On jouait souvent dans ses châteaux, car il aimait fort ce divertissement; aussi avait-il un théâtre dans presque toutes ses habitations. Nous avions beaucoup de théâtres particuliers dans les châteaux de nos princes et même à Paris. Outre celui de Sainte-Assise, il y en avait un à Chantilly, où madame la duchesse de Bourbon et M. le prince de Condé jouaient admirablement. Il y en avait aussi un à l'Île-Adam, chez M. le prince de Conti; mais là je ne crois pas, malgré le soin que le prince mettait à ce que sa maison fût une des plus agréables de France, que la partie dramatique fût aussi soignée que le reste.

      – Qu'est-ce donc qu'un théâtre sur lequel le duc d'Orléans aurait joué la comédie avec les comédiens français?.. Ce n'est pas Sainte-Assise.

      – Ah! vous avez raison, général… c'était sur un théâtre que M. le duc d'Orléans avait fait construire, ou au moins réparer, dans sa maison de Bagnolet. On y joua pour la première fois la Partie de chasse d'Henri IV, par Collé. Ce fut Grandval qui fit Henri IV, et, je dois le dire, M. le duc d'Orléans qui remplit le rôle de Michaud.

      Le premier Consul sourit avec cette malice qui rendait son sourire charmant, lorsqu'il était de bonne humeur. Il avait voulu amener madame de Montesson à dire que le duc d'Orléans jouait avec Grandval; mais c'était une époque où l'on était peu soigneux des convenances de rang, et où le Roi s'appelait La France32.

      Madame de Montesson vit le sourire… Elle ne dit rien… mais une minute après elle appela Garat, qui était à l'autre bout du salon, et lui dit, avec cette grâce charmante qu'elle mettait toujours dans une demande pour faire de la musique chez elle ou bien une lecture:

      – Qu'allez-vous nous chanter, Garat?.. avez-vous ici quelqu'un de force à chanter un duo de Gluck avec vous?

      Garat sortit un moment sa tête de l'immense pièce de mousseline dans laquelle il était enseveli et qui lui servait de cravate; puis il prit un lorgnon qui ressemblait à une loupe, et promena longtemps ses regards sur l'assemblée avant de répondre; probablement que l'examen ne fut pas favorable, car il secoua tristement la tête et laissa tomber lentement cette parole:

      – Personne.

      – J'en suis fâchée, dit madame de Montesson; vous auriez chanté ce beau duo que vous avez dit souvent avec la Reine… car vous chantiez souvent avec elle, n'est-ce pas?

      Garat souleva la tête une seconde fois, cligna de l'œil, et joignant ses petites mains, dont l'une était estropiée, comme on sait, il dit avec un accent profondément touché et toujours admiratif:

      – Oh! oui!.. Pauvre princesse!.. comme elle chantait faux!

      Madame de Montesson sourit aussi à son tour, mais d'une manière imperceptible, car elle était avant tout la femme du monde et celle des excellentes manières. Elle avait voulu prouver au premier Consul que le duc d'Orléans n'était pas le seul prince qui eût joué avec des artistes, puisque la reine de France chantait dans un concert devant cinquante personnes avec un homme qui se faisait entendre dans un concert payant.

      Napoléon n'aimait pas Garat. Cependant comme il aimait le chant, et que Garat avait vraiment un admirable talent, il l'écouta avec plus d'attention qu'il ne l'avait fait jusque-là, et même il lui fit répéter une romance que Garat chantait admirablement et dont la musique est de Plantade!

      Le jour se lève, amour m'inspire,

      J'ai vu Chloé dans mon sommeil;

      Je l'ai vue, et je prends ma lyre, etc.

      Mais le Consul n'eut pas la même patience pour Steibelt. Celui-ci arrivait à Paris et désirait vivement se faire entendre de l'homme dont le nom remplissait non-seulement l'Europe, mais le monde habité. Madame de Montesson lui demanda de venir à l'un de ses déjeuners, et ce même jour il y était venu. Ce fut donc avec une grande joie qu'il se mit au piano. Il joua d'abord une introduction improvisée admirable, qui à elle seule était une pièce entière; mais il tomba dans sa faute ordinaire; il entreprit toute une partition; il commença la belle sonate à madame Bonaparte, une de ses plus belles compositions, sans doute, mais qui ne finit pas. Le premier Consul fit assez bonne contenance pendant l'introduction et la première partie de la sonate; mais à la reprise de la seconde, il n'y put tenir. Il se leva brusquement, prit congé de madame de Montesson en lui baisant la main, ce qui était rare pour lui, murmura quelques mots sur ses occupations, et sortit saluant légèrement à droite et à gauche, en entraînant Joséphine, qui le suivait en mettant ses gants, rajustant son châle et disant adieu en courant à madame de Montesson.

      – Il est charmant, s'écria madame de Montesson toute ravie du baisement de main. N'est-ce pas, Steibelt, qu'il est charmant?

      – Charmant? dit le Prussien furieux!.. charmant? dites plutôt que c'est un Vandale!.. demandez à Garat.

      Mais Garat avait été écouté; on lui avait même redemandé sa romance, et il dit non-seulement comme les autres: – Il est charmant…; mais il ajouta, avec cette expression importante que nous lui avons tous connue, et qui rendait si drôle sa figure de singe:

      C'est un grand homme!

      Mais où madame de Montesson eut une maison peut-être encore plus agréable qu'à Paris, ce fut à Romainville. Elle s'ennuya bientôt de Paris; elle y eut quelques désagréments. On ne peut servir tout le monde, quelque crédit qu'on ait; et ceux qui ne réussissent pas par votre moyen sont mécontents et vous accusent: ce fut ce qui arriva à madame de Montesson. Elle eut de plus des cabales de théâtre qui vinrent lui donner de l'ennui.

      Mademoiselle Duchesnois voulut débuter aux Français33. Chaptal, qui prétendait se connaître en figures, prononça qu'un aussi laid visage ne pourrait jamais réussir, et refusa ou du moins éluda l'ordre de début. On en parla à madame de Montesson; elle avait joué la comédie trop souvent et trop bien pour ne pas porter intérêt à une jeune personne qui annonçait du talent, car elle promettait alors ce qu'elle n'a pas donné, tandis que mademoiselle Georges a été depuis, comme alors, bien au-dessus d'elle.

      Quoi qu'il en soit, madame de Montesson se passionna pour le talent de mademoiselle Duchesnois, qui était laide à renverser. Le moyen, quelque esprit qu'elle eût, de se douter que c'était M. de Valence qui lui imposait mademoiselle Duchesnois!.. Comme elle était loin de cette pensée, elle voulut, à son tour, employer son crédit pour imposer mademoiselle Duchesnois aux Parisiens. Elle fit donc promettre à madame Bonaparte de venir entendre mademoiselle Duchesnois en petit comité. On invita cent cinquante personnes, plus de deux cents s'y trouvèrent. Chaptal était du nombre. Il pensait comme beaucoup de gens qu'un beau ou un joli physique est une condition, sinon première, au moins très-importante pour réussir sur le théâtre. C'était un homme d'esprit sur lequel on faisait des mots qu'on croyait bons et qui n'étaient que de pauvres sottises. Il avait de la science et de la bonté, et, en surplus de sa science, il avait de l'esprit. Mademoiselle Duchesnois, avec sa grande bouche, sa maigreur osseuse, car alors elle était maigre et sans forme, avec sa laideur enfin, lui parut avoir raison lorsqu'elle disait:

      Soleil, je viens te voir pour la dernière fois.

      et il jugea inutile de la faire mentir en la faisant revenir pour le répéter. En conséquence, il lui refusa un ordre de début. Voilà pourquoi madame СКАЧАТЬ



<p>31</p>

M. le duc d'Orléans était très-gros, et n'aurait pas pu, en effet, jouer un rôle où il aurait fallu de l'élégance dans la tournure.

<p>32</p>

1760 ou 1761. – C'était l'époque qui commença les turpitudes de la fin du règne de Louis XV.

<p>33</p>

Alors on ne disait pas la Comédie Française, on disait les Français.