Histoire des salons de Paris. Tome 4. Abrantès Laure Junot duchesse d'
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Название: Histoire des salons de Paris. Tome 4

Автор: Abrantès Laure Junot duchesse d'

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/44054

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СКАЧАТЬ grâce… il me faut une garantie, et je ne puis l'avoir que dans la liberté de ces messieurs…

MADAME DE MONTESSON l'embrassant avec affection 55

      Ah! merci! merci!.. vous êtes bon! vous êtes aussi bon que vous êtes grand!..

JOSÉPHINE l'embrassant aussi très-émue

      Merci, mon ami!.. merci!.. Voilà une belle journée!.. elle doit aussi être belle pour toi!..

NAPOLÉON

      Mais que dans leur prison ils soient circonspects; pas d'intrigues… pas de complots.

MADAME DE MONTESSON avec assurance

      Je réponds d'eux… (Elle va vers l'Empereur, mais sans crainte.) En parlant des accusés… j'ai entendu tous les accusés pour la cause royale.

NAPOLÉON très-vivement

      Non, madame… En vous accordant, ainsi qu'à Joséphine, la vie de M. de Polignac et de M. de Rivière, je n'ai entendu et compris que ces deux noms; les autres doivent subir leur sort.

MADAME DE MONTESSON

      Même M. d'Hozier?..

NAPOLÉON

      M. d'Hozier comme les autres.

JOSÉPHINE

      Mon ami!..

NAPOLÉON frappant du pied avec colère

      On a bien raison de dire qu'un homme d'état ne devrait jamais laisser approcher une femme de son cabinet!.. Que me voulez-vous toutes deux?.. Vous me tourmentez depuis une heure pour obtenir une chose qui peut-être me sera fatale!.. Dieu veuille qu'un jour vous ne vous rappeliez pas cette conversation avec effroi!

MADAME DE MONTESSON

      Dieu protége les rois cléments, et nous ne nous la rappellerons que pour vous en aimer davantage… Mais, je vous en conjure, donnez-moi la vie de M. d'Hozier.

NAPOLÉON

      Vous l'aimez donc beaucoup?

MADAME DE MONTESSON

      Moi! du tout, je ne le connais pas56.

NAPOLÉON

      Eh bien! pourquoi donc alors vouloir arrêter le cours de la loi?..

MADAME DE MONTESSON

      Que vous importe?.. Allons, accordez-moi sa grâce!.. je vous en conjure!.. Hélas! pour vous-même, je voudrais vous voir signer une amnistie pleine et entière. Ainsi, par exemple, M. de Saint-Victor…

NAPOLÉON l'interrompant avec une sorte de hauteur

      Ah! pour celui-là, je vous demande de ne pas aller plus loin! M. de Saint-Victor est sans doute un brave homme; mais il est du nombre de ces conspirateurs qui ruinent une cause, quand ils y entrent comme associés actifs… C'est un homme bien dangereux57… et il a fait bien du mal à tous les siens!.. Il doit mourir!.. (ajouta-t-il après un long silence et comme répondant à une voix intérieure.) Nous ne sommes plus au temps des Brutus.

MADAME DE MONTESSON

      Je ne connais M. de Saint-Victor que de nom, ainsi que M. d'Hozier; mais des rapports intimes existent entre ce dernier et moi par des amis communs: voilà pourquoi je tiens tant à le sauver.

NAPOLÉON

      Eh bien! soit: je vous le donne encore… (se reprenant) c'est-à-dire j'en parlerai avec Cambacérès et le grand-juge; car je n'ai pas pouvoir à moi seul…

      Madame de Montesson quitta Saint-Cloud tellement heureuse d'avoir obtenu ce qu'elle voulait, qu'elle ne souffrait plus…

      – Victoire! cria-t-elle du plus loin qu'elle aperçut ses amies désolées qui accouraient à elle… Victoire! – Et elle leur annonça ce que l'Empereur venait de faire.

      – C'est un homme qui veut mériter ce qu'il cherche à obtenir, dit M. de Valence… et ce n'est pas moi qui lui serai un empêchement.

      Telle fut la véritable histoire de MM. de Polignac58. Je ne sais s'ils en sont instruits; mais la voici telle qu'elle me fut racontée par la principale actrice de ce drame intéressant et confirmée par la seconde.

      Nous remarquâmes, en parlant de cette conspiration et du jugement des accusés, qu'ils montrèrent dans cette circonstance le même courage insouciant que toute la noblesse a constamment prouvé pendant le temps de la Révolution. – M. de Rivière, à qui je reproche trop de ferveur pour son parti peut-être, fut pendant ce procès l'homme de cour d'autrefois… C'était M. de Narbonne se battant avec un bouton de rose dans la bouche, et qui, le laissant59 tomber, se penche, le ramasse, mais sans cesser de croiser le fer, se relève, reprend aussitôt son avantage et désarme son adversaire. – M. de Rivière faisait des vers. Un jour, se trouvant au tribunal et apercevant madame de La Force parmi ses nombreux amis, ayant à côté d'elle mademoiselle de La Ferté60, il fit ce couplet, et l'ayant écrit au crayon, il le lui fit passer:

      En prison est-on bien ou mal?

      On est mal, j'en ai maint exemple.

      On est mal au bureau central;

      On est encor plus mal au Temple.

      À l'Abbaye on n'est pas mieux,

      Car d'en sortir chacun s'efforce.

      Le prisonnier le plus heureux,

      C'est le prisonnier de la Force.

      Chanter sous le couteau; comme c'est français!..

      La conduite de madame de Montesson dans cette circonstance fut connue, mais moins peut-être qu'elle n'aurait dû l'être en raison de sa modestie. On parla beaucoup dans le monde de la vie de MM. de Polignac sauvée par Joséphine, mais voici la vraie version. Sans doute que les MM. de Polignac l'ont su, ainsi que M. de Rivière, et que leur reconnaissance aura payé celle qui ne faisait en cela que servir ses amis et sauver la vie d'un homme.

      La santé de madame de Montesson, qui, à cette époque, était déjà perdue, parut reprendre un peu de mieux par la joie qu'elle vit autour d'elle. Madame de La Tour remerciait Dieu chaque soir et le priait pour cette âme parfaite qui lui avait conservé tout ce qui lui restait d'une sœur bien-aimée… Madame de Montesson, heureuse du bonheur de ses amis, jouissait de son ouvrage, et pendant toute l'année 1804 elle fut encore assez bien pour donner de l'espoir. Sa maison de Romainville, toujours ouverte, était plus que jamais le rendez-vous de tout ce qui arrivait à Paris en gens distingués, et de cette belle fleur de bonne compagnie française dont il y avait encore alors un bon nombre en France… Remplie de reconnaissance, attachée d'amitié à l'Empereur, elle prit une part positive à tout ce qui lui arriva dans les années qui s'écoulèrent entre la grâce de MM. de Polignac et le jour où elle mourut. L'arrivée du Pape, les événements immenses qui se groupaient autour de Napoléon pour prouver qu'il ne pouvait être servi par la fortune qu'en raison de sa gigantesque destinée, trouvaient en elle une amie pour les faire valoir. Elle l'aimait de cœur, enfin, ainsi que Joséphine et plusieurs des généraux attachés à l'Empereur. M. d'Abrantès y allait beaucoup lorsqu'il était à Paris. J'y voyais aussi le maréchal Pérignon, mais pas très-souvent. Duroc y allait aussi; – Savary jamais. Madame de Montesson le détestait…

      Mais la santé de madame de Montesson s'altéra au point que Hallé, que je voyais souvent, et qui à cette époque était mon médecin, me dit qu'elle était fort mal. On lui fit quitter Romainville et elle revint à Paris, mais dans un état désespéré. Madame de Genlis eut alors une conduite admirable et à laquelle il faut rendre justice. Madame de Montesson était riche; elle avait СКАЧАТЬ



<p>55</p>

Elle était naturellement très-froide et peu expansive; elle avait même habituellement une dignité qui donnait de la crainte aux jeunes femmes qu'on lui présentait.

<p>56</p>

Je crois qu'en effet elle ne le connaissait pas du tout.

<p>57</p>

M. Coster de Saint-Victor était fanatique pour ses rois comme un Romain de l'ancienne Rome l'était pour sa république. Pendant tout le procès il fit constamment des réponses inconcevables, et toujours bravant les juges et l'autorité… Souvent il dédaignait de répondre, et en tout Napoléon avait raison: il fit beaucoup de mal à sa cause par l'obstination qu'il apportait quelquefois dans ses réponses… Du reste loyal, brave, et brave chevaleresquement… L'infortuné périt avec le plus noble courage, et sur l'échafaud, au moment où sa tête tombait, il criait encore: Vive le Roi!

<p>58</p>

On croit généralement que M. Jules de Polignac avait été condamné à mort; c'est une erreur, il ne le fut jamais qu'à deux ans de détention.

<p>59</p>

Ce fut à M. de Narbonne (le comte Louis de Narbonne) que ce fait arriva.

<p>60</p>

Qui depuis est devenue duchesse de Rivière. C'est un beau caractère de femme. C'est le dévouement, la tendresse, tout ce qu'une âme de femme renferme, mais ce que souvent elle n'a pas le courage de donner. Mademoiselle de La Ferté eut ce courage; honneur à elle!