La Louve. Paul Feval
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Название: La Louve

Автор: Paul Feval

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066330422

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СКАЧАТЬ dites pas plus que vous n’en voulez dire.

      –Dieu me préserve d’accuser mon seigneur! répliqua dame Michon dont l’émotion faisait trembler la voix; mais le cœur déborde à la fin! J’ai vu Rohan, autrefois, passer des heures entières auprès du berceau de ses deux enfants. Ah! ah? il les aimait bien tous deux! et nous l’entendions souvent qui disait:–Je les aime deux fois, mon fils César et Valentine, ma fille; une fois pour moi, une fois pour la sainte qui était leur mère. Écoutez! Ses aïeux s’asseyaient sur le trône de Bretagne, et les Français lui ont pris les trois quarts de son héritage; on ne peut pas lui en vouloir, s’il déteste les Français jusqu’à la mort. Quand son fils eut vingt ans et sa fille dix-huit, il leur dit:

      «Voici l’âge des fiançailles qui va venir pour vous; souvenez-vous que nos pères sortiraient te leur tombe, si Rohan s’alliait aux gens de France…» Il leur dit encore: «Au-dessous des gens de France, il y a les Bretons parjures. Les français sont des ennemis, les Bretons vendus à la France sont des infâmes! Mon fils et ma fille, pleurerais sur celui d’entre vous qui se méellierait avec la France; celui d’entre vous qui n’oublierait au point d’entrer dans une famille retonne déshonorée, mon fils et ma fille, je le Maudirais!»

      –Et la mort vient vite, prononça Jouachin voix basse, pour l’enfant que son père a maudit!

      Les fillettes retenaient leur souffle; le rouet le dame Guitan restait immobile; l’enfant s’évait rendormi dans son berceau.

      –Rohan avait parlé trop tard, reprit la femme de charge; notre jeune M. César recherchait déjà en mariage madame Jeanne de Combourg…

      –Tout le monde sait cela, interrompit Yaumy, le joli sabotier.

      –La fille du lieutenant de roi, ajouta dame Michon Guitan avec tristesse.

      –Et notre demoiselle? demanda Yaumy entre haut et bas: était-il trop tard aussi pour Valentine de Rohan?

      La main de dame Guitan chercha le manche de son rouet. Peut-être n’avait-elle pas entendu, car son regard chargé de rêverie se perdait dans le vide. Elle continua en baissant la voix et comme si elle se fût parlé à elle-même:

      –J’ai connu un sonneur à Cesson-sur-Vilaine qui disait que Dieu a un livre où les cœurs sont inscrits deux à deux. César et Jeanne étaient mariés secrètement depuis plus d’une année; ils avaient un fils. Ecoutez! Je me souviens de cela comme si c’était hier: le vent soufflait au dehors et la pluie battait contre les carreaux des croisées. Il faisait nuit. On frappa à la porte, et ce fut cet homme-là qui entra.

      Son doigt, étendu couvulsivement, montrait Alain Polduc, dont la tête demi-chauve se penchait sur son registre.

      –Il demanda l’hospitalité, reprit dame Michon, et Rohan l’accueillit comme un gentilhomme. Quand il eut mangé à la table de notre seigneur et qu’il eut séché ses vêtements au feu de la cheminée, il dit à Rohan: mon cousin, je voudrais vous parler seul à seul. Or, sachez-le, mes bonnes gens, Combourg est aussi fier que Rohan. Jeanne de Combourg, en s’alliant à Rohan, avait méconnu, elle aussi, la volonté de son père qui a gardé la foi catholique. Nous l’avions cachée avec son enfant au berceau dans cette partie du manoir que nul n’habite, et toutes les nuits notre jeune maître César allait y rejoindre son fils et sa femme.

      Bien des regards d’intelligence furent échangés autour du foyer; chacun songeait aux deux ombres qu’on avait aperçues tant de fois sur le balcon de la tour de l’Ouest.

      –Voilà déjà que nous ne parlons plus du temps de saint Guéhéneuc! murmura Yaumy qui retrouva son sourire narquois.

      Les fillettes et les ménagères se disaient:

      –Puisque César et Jeanne la Belle ne sont plus là, pourquoi voit-on toujours l’apparition de la tour de l’Ouest?

      On croyait bien aux fantômes, en ce temps-là, puisqu’on y croit encore un petit peu de nos jours, au pays de Bretagne; mais je ne sais pourquoi la croyance aux fantômes est toujours doublée de certains soupçons qui n’ont rien de surnaturel.

      –Ils s’aimaient, sous le regard de Dieu, continuait cependant la femme de charge; ils étaient beaux et tout jeunes; le chapelain qui les avait unis disait sa messe à leur intention, et nous ajoutions tous un Oremus à notre prière du soir pour que Dieu mît fin à leurs peines, car Jeanne de Combourg avait la piété d’un ange et notre jeune M. César était resté fidèle à la vraie foi. La nuit dont je vous parle, Rohan nous fit sortir et resta seul avec cet homme-là qui est le malheur. Une demi-heure se passa. Puis, dans la salle où nous attendions, inquiets, nous vîmes entrer Rohan, la joue pâle et la prunelle tachée de rouge.

      –Qui a donné à l’étrangère l’entrée de mon château? demanda-t-il d’une voix étouffée.

      Il savait tout! Cet homme-là était derrière lui, les bras croisés sur sa poitrine et les yeux baissés modestement. C’était lui qui avait trahi le secret de notre jeune maître. Comment l’avait-il découvert? Dieu seul le sait. On alla chercher César de Rohan et sa femme, une pauvre belle créature blanche et frêle qui pleurait avec son petit enfant dans ses bras. Valentine, le cher et noble cœur, se jeta aux genoux de son père. Rohan ne lui avait-il jamais rien refusé en sa vie; mais cette fois il la repoussa durement.

      –Toi que j’appelais mon fils et qui m’as déshonoré, dit-il à César, va-t’en, je te maudis!

      Sans cet homme-là, il ne se serait trouvé personne pour ouvrir la porte. Ce fut lui qui leva la barre. L’orage était terrible au dehors, le vent brisait les branches des chênes de la forêt, le tonnerre secouait les vieilles murailles du château; César de Rohan et sa femme sortirent; ce fut cet homme-là qui referma la porte sur eux!

      –Combien y a-t-il de croix? demanda en ce moment, à l’autre bout de la salle, maître Alain, qui repoussa son registre.

      Josselin Guitan se retourna vers le tableau et compta:

      –Cinq, dix, quinze, vingt, trente. Il y a trente-cinq croix, dit-il.

      –Trente-cinq mille livres à la Saint-Jean, pensa maître Alain, qui eut un sourire, trente-cinq mille livres à la Noël, Rohan possède encore sept mille pistoles de revenus!

      Puis il y eut silence auprès de la croisée comme aux alentours du foyer. Le soleil, avançant dans sa course, frappait gaiement les vitraux. On entendait en forêt le son lointain et continu de la trompe.

      Les doigts de dame Guitan se crispèrent sur la poignée de son rouet qui rendit une aigre plainte.

      –Oh! cet homme-là! cet homme-là! fit-elle, tandis que maître Alain souriait benoîtement aux trente-cinq croix tracées sur la planche noire.

      –Je suis bien vieille, poursuivit-elle, mais il n’y a pas une nuit pareille dans mes souvenirs. Toutes les toitures de chaume furent enlevées entre la forêt et Vitré; le tonnerre incendia le manoir de Tréla, le grand étang de Paintourteau rompit sa chaussée, et la Vilaine, débordée, couvrit cinq lieues de route. Les voyageurs perdus, on ne les compta point!… La paroisse de Noyal enterra deux pauvres jeunes gens, l’homme et la femme, qu’on avait trouvés serrés dans les bras l’un de l’autre au fond d’un ravin, et le vicaire vint dire à Rohan: «Voulez-vous mettre un marbre sur la tombe de votre fils unique?»

      Rohan regarda СКАЧАТЬ