La Louve. Paul Feval
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Название: La Louve

Автор: Paul Feval

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066330422

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СКАЧАТЬ travail préparatoire, à cause de la diversité grande des monnaies courantes. Josselin Guitan, le beau jeune homme à la chevelure brune, qui, trois fois de suite, avait répété à notre cousin Yaumy: «Tu n’as rien vu,» était chargé de mettre d’accord les sous nantais, les croisettes d’Anjou, les liards de France, les doubles normands et rennais, les piécettes au mouton et les gros cuivres de Laval. Ce n’était pas une sinécure, et Josselin Guitan, debout, la craie à la main, devant une planche noircie, faisait des additions d’une aune pour la moindre redevance de quinze ou vingt écus. Il semblait, du reste, se donner tout entier à sa besogne, et vous auriez cherché en vain, dans son regard calme et froid, la trace de sa récente violence.

      Chaque fois que la somme des fermages payés arrivait à former mille livres, Josselin traçait une croix blanche en haut de son tableau. Quand une discussion s’élevait entre les fermiers et l’intendant touchant le cours légal des pièces, leur titre et leur poids, Josselin croisait ses bras sur sa poitrine et fermait les yeux, en homme dont la pensée est loiu de son occupation présente.

      Dans l’âtre, deux gros tisons, couverts de cendres, fumaient sous la crémaillère où pendait le chaudron plein de bouillie d’avoine. Dame Michon était assise à la place d’honneur, au côté gauche de la cheminée; auprès d’elle tournait, avec un cri périodique et gémissant, son rouet supporté par deux montants guillochés, à l’un desquels se balançait la petite bouteille d’huile, avec sa plume servant de pinceau. Tout en filant, dame Michon trouvait moyen de faire encore trois autres choses, savoir: agiter doucement un berceau qui était à portée de sa main, dès que son rouet, bien lancé, pouvait fournir tout seul une certaine carrière, fumer sa pipe, pleine de tabac qui n’avait point payé la redevance aux gens du roi, et jouer de la langue énergiquement, comme une digne Bretonne qu’elle était.

      Son auditoire se composait des serviteurs du château et des fermiers qui avaient achevé de régler leurs comptes avec maître Alain. Parmi eux se trouvaient le cousin Yaumy et Jouachin, le vieux métayer. On parlait à haute voix auprès de la fenêtre, dans le groupe officiel, présidé par l’intendant; sous le manteau de la cheminée, on devisait discrètement, comme si c’eût été déjà l’heure intime de la veillée.

      –Quoi donc! disait dame Michon en prenant à témoin Jouachin, son compère, Rohan n’est-il pas assez grand seigneur pour qu’il y ait des légendes sur sa maison?

      –Depuis le temps de saint Guéhéneuc, répliqua Jouachin avec plus de complaisance que de conviction, il est question de cette lueur qui passe derrière les croisées de la tour de l’Ouest. Quand j’étais tout jeune, on parlait déjà de la femme blanche du balcon et de son chevalier noir.

      –Peut-être, grommela Yaumy, que le balcon servait déjà du temps de saint Guéhéneuc. On sait ce qu’on sait!

      Tous les yeux étaient fixés sur le joli sabotier, qui ajouta d’un air capable:

      –Et l’on voit ce qu’on voit!

      –Qu’as-tu vu, toi? demanda la bonne femme en haussant les épaules; si notre jeune monsieur César, que Dieu bénisse! vivait encore. mais voilà! les méchants qui l’ont tué voudraient bien faire disparaître sa sœur, à présent!

      Son rouet, fouetté par un brusque mouvement, se prit à tourner si vite que son fil se rompit.

      –Mauvais présage présage! murmura Yaumy d’un accent railleur.

      Michon Guitan le regarda de travers et se signa. Le berceau qu’elle oublia de balancer s’arrêta, et un petit cri d’enfant se fit entendre parmi les langes. Yaumy glissa une œillade sournoise vers la croisée; comme il vit que maître Josselin ne regardait point de son côté, il se prit à sourire insolemment.

      –Comme ça, dit-il, c’est à votre gars Josselin, cette belle petite fille-là dame Guitan?

      –A qui donc serait-elle? répliqua la bonne femme d’un accent bourru.

      –Faut-il vous aider à renouer votre fil, la mère? C’est au gros bourg d’Ernée, on dit cela, que votre Josselin a pris femme?

      –Ici ou là, que t’importe?

      –On ne l’a jamais vue, la femme de votre Josselin. Moi, je voudrais la voir.–

      Dame Michon était rouge de colère; sa pipe tremblait entre ses dents.

      –M’est avis, murmura le joli sabotier, qui cligna de l’œil à la ronde, m’est avis qu’autant vaudrait chercher le trèfle à quatre feuilles ou bien le merle blanc1

      La bonne femme ôta sa pipe de sa bouche et regarda Yaumy en face.

      –Mon gars, Josselin n’est pas loin, dit-elle: pourquoi ne lui parles-tu pas?

      En ce moment on entendit la voix d’Alain Polduc qui répondait aux plaintes de quelques tenanciers:

      –Mes bonnes gens, si j’étais le maître ici, j’aurais compassion de vous et de vos peines; mais je ne suis que mandataire du comte de Rohan, notre seigneur.

      –Hypocrite! pensa tout haut dame Michon. Avant l’arrivée de cet homme-là au château, jamais fermier de Rohan n’avait pleuré misère!

      –C’est la vérité! appuya Jouachin.

      –Le malheur est entré avec lui, reprit la femme de charge, le malheur pour les vassaux, le malheur pour le maître!. C’était un fier jeune homme que César de Rohan! Et notre Valentine, vous souvenez-vous comme elle allait, joyeuse, par les sentiers de la forêt? Ses beaux cheveux flottaient sur ses épaules et pas une de vous, fillettes, ne savait sourire si gaîment que la fille de notre maître! Maintenant, César de Rohan est au cimetière de Noyai, et il n’y a qu’une pauvre croix de bois sur sa tombe. Maintenant, et depuis bien longtemps, nous cherchons en vain le sourire sur les lèvres de votre Valentine.

      Dame Guitan laissa tomber sa tête sur sa poitrine, tandis que la voix de maître Alain Polduc s’élevait de nouveau à l’autre extrémité de la table.

      –Vincent Julot, disait maître Alain avec un calme doucereux, si tu n’as pas payé ce soir, mon ami, demain je ferai vendre à l’encan ton attelage de charrue.

      Un murmure s’éleva parmi les fermiers.

      –Mes pauvres enfants, répéta gravement Alain Polduc, je ne suis pas le maître, et je fais les affaires de Rohan, mon noble cousin.

      –C’est demain la. Saint-Jean, dit Vincent Julot, j’avais gardé un quart d’écu pour acheter mon cierge.

      –Les fermiers de Rohan, appuyèrent trois ou quatre voix, n’ont plus de quoi allumer la chandelle de la Vierge depuis que l’hérésie est dans le manoir!

      –S’il n’y avait que les fermiers de Rohan à ta paroisse, on ne brûlerait plus le fagot de la Saint-Jean!

      Maître Alain poussa un gros soupir et inscrivit sur son registre, vis-à-vis du nom de Vincent Julot, cette note laconique: «Attelage à vendre.»

      –Voulez-vous savoir, s’écria tout à coup dame Michon Guitan, qui releva la tête et jeta autour d’elle un regard égaré, si Rohan ne voit plus que par les yeux de cet homme-là, qui est son malheur, c’est une punition de Dieu, car Rohan a renié le nom СКАЧАТЬ