Название: L'année terrible
Автор: Victor Hugo
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066304270
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I
J’étais le vieux rôdeur sauvage de la mer,
Une espèce de spectre au bord du gouffre amer;
J’avais dans l’âpre hiver, dans le vent, dans le givre,
Dans l’orage, l’écume et l’ombre, écrit un livre,
Dont l’ouragan, noir souffle aux ordres du banni,
Tournait chaque feuillet quand je l’avais fini;
Je n’avais rien en moi que l’honneur imperdable;
Je suis venu, j’ai vu la cité formidable;
Elle avait faim, j’ai mis mon livre sous sa dent:
Et j’ai dit à ce peuple altier, farouche, ardent,
A ce peuple indigné, sans peur, sans joug, sans règle,
J’ai dit à ce Paris, comme le klephte à l’aigle:
Mange mon cœur, ton aile en croîtra d’un empan.
Quand le Christ expira, quand mourut le grand Pan,
Jean et Luc en Judée et dans l’Inde Épicure
Entendirent un cri d’inquiétude obscure;
La terre tressaillit quand l’Olympe tomba;
D’Ophir à Chanaan et d’Assur à Saba,
Comme un socle en ployant fait ployer la colonne,
Tout l’Orient pencha quand croula Babylone;
La même horreur sacrée est dans l’homme aujourd’hui,
Et l’édifice sent fléchir le point d’appui;
Tous tremblent pour Paris qu’étreint une main Vile;
On tuerait l’Univers si l’on tuait la Ville;
C’est plus qu’un peuple, c’est le monde que les rois
Tâchent de clouer, morne et sanglant, sur la croix;
Le supplice effrayant du genre humain commence.
Donc luttons. Plus que Troie et Tyr, plus que Numance,
Paris assiégé doit l’exemple. Soyons grands.
Affrontons les bandits conduits par les tyrans..
Les Huns reviennent comme au temps de Frédégaire;
Laissons rouler vers nous les machines de guerre;
Faisons front, tenons tête; acceptons, seuls, trahis,
Sanglants, le dur travail de sauver ce pays.
Tomber, mais sans avoir tremblé, c’est la victoire.
Être la rêverie immense de l’histoire,
Faire que tout chercheur du vrai, du grand, du beau,
Met le doigt sur sa bouche en voyant un tombeau,
C’est aussi bien l’honneur d’un peuple que d’un homme,
Et Caton est trop grand s’il est plus grand que Rome;
Rome doit l’égaler, Rome doit l’imiter;
Donc Rome doit combattre et Paris doit lutter.
Notre labeur finit par être notre gerbe.
Combats, ô mon Paris! aie, ô peuple superbe,
Criblé de flèches, mais sans tache à ton écu,
L’illustre acharnement de n’être pas vaincu.
II
Et voilà donc les jours tragiques revenus!
On dirait, à voir tant de signes inconnus,
Que pour les nations commence une autre hégire.
Pâle Alighieri, toi, frère de Cynégire,
O sévères témoins, ô justiciers égaux,
Penchés, l’un sur Florence et l’autre sur Argos,
Vous qui fîtes, esprits sur qui l’aigle se pose,
Ces livres redoutés où l’on sent quelque chose
De ce qui gronde et luit derrière l’horizon,
Vous que le genre humain lit avec un frisson,
Songeurs qui pouvez dire en vos tombeaux: nous sommes
Dieux par le tremblement mystérieux des hommes!
Dante, Eschyle, écoutez et regardez.
Ces rois
Sous leur large couronne ont des fronts trop étroits.
Vous les dédaigneriez. Ils n’ont pas la stature
De ceux que votre vers formidable torture,
Ni du chef argien, ni du baron pisan;
Mais ils sont monstrueux pourtant, convenez-en.
Des premiers rois venus ils ont l’aspect vulgaire;
Mais ils viennent avec des légions de guerre.
Ils poussent sur Paris les sept peuples saxons.
Hideux, casqués, dorés, tatoués de blasons,
Il faut que chacun d’eux de meurtre se repaisse;
Chacun de ces rois prend pour emblème une espèce
De bête fauve et fait luire à son morion
La chimère d’un rude et morne alérion,
Ou quelque impur dragon agitant sa crinière;
Et le grand chef arbore à sa haute bannière,
Teinte des deux reflets du tombeau tour à tour,
Un aigle étrange, blanc la nuit et noir le jour.
Avec eux, à grand bruit, et sous toutes les formes,
Krupps, СКАЧАТЬ