Argent et Noblesse. Hendrik Conscience
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Название: Argent et Noblesse

Автор: Hendrik Conscience

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066087012

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СКАЧАТЬ vous en prie, faites ça pour moi, j'aime tant l'odeur du tabac. Elle me rafraîchit les idées et me rend toute joyeuse… Allons, ne me refusez pas ce petit plaisir.

      Pendant ce temps, elle avait bourré elle-même la pipe et la tendit au vieillard avec une allumette enflammée.

      Il commença à fumer; et cela devait véritablement lui faire du bien, car petit à petit son visage s'illumina d'une expression de contentement.

      Lina reprit son carreau à dentelles et la mère son tricot.

      Alors commença une conversation plus tranquille, où le jardin, le printemps et les vaches eurent la plus grande part.

      Pendant qu'ils causaient ainsi, ils entendirent dans le lointain des voix qui chantaient ou qui criaient.

      —Ce sont les jeunes messieurs de l'Aigle d'or, dit Jean Wouters. Ils se rendent au chemin de fer pour prendre le dernier train. Leur bamboche a duré jusqu'à présent.

      —Il me semble qu'ils se disputent, remarqua Lina.

      —Non, ils se connaissent très bien et ils sont habitués à faire une vie pareille. Depuis une couple de mois ils viennent une ou deux fois par semaine à l'Aigle d'or et y font toujours la même vie, à ce que m'a dit la servante… Maintenant, ils chantent et ils crient. Tenez, le bruit cesse. Ils se dépêchent pour arriver au chemin de fer.

      Nos braves gens écoutèrent encore un instant le bruit qui allait en s'affaiblissant, puis ils reprirent leur travail et leur conversation.

      Une demi-heure après, pendant que le plus profond silence de la nuit régnait autour de la maison solitaire, Lina leva tout à coup la tête avec surprise de dessus son travail et demanda:

      —N'avez-vous pas entendu, mère?

      —Qu'aurais-je entendu, mon enfant?

      —Et vous, grand-père?

      —Non, rien, Lina.

      —Il m'a semblé que j'entendais soupirer; mais je me suis trompée, ce sera la vache qui aura fait du bruit… Mais non, voilà que je l'entends encore!

      —C'est comme s'il y avait à la porte un chien qui gronde, murmura la femme.

      —Non, ma mère, c'est un homme qui souffre et qui se plaint.

      Et elle prit la lampe pour aller voir.

      —Reste, reste, s'écria la mère en la retenant effrayée. Dieu sait ce que c'est!

      —C'est une créature humaine, soyez-en sûre. Un homme qui s'est égaré dans les ténèbres et qui est tombé, sans doute. Il s'est peut-être fait mal. Le laisserons-nous, sans pitié, appeler au secours?

      —Lina a raison, dit le vieux charpentier. Prends la lampe, mon enfant, nous irons voir.

      Lorsqu'elle eut ouvert la porte et envoyé les rayons de sa lumière sur l'avant-cour, ils virent, étendue au pied d'un des noyers, une personne qui remuait les bras et murmurait des menaces inintelligibles comme si elle se croyait entourée d'ennemis.

      Le vieillard et la jeune fille s'approchèrent vivement et passèrent tous deux le bras sous la tête de l'inconnu pour le relever.

      —Pauvre garçon, dit Lina, qui vous a fait du mal? De méchantes gens? N'ayez plus peur; nous sommes des amis. Allons, levez-vous, nous vous conduirons dans la maison; nous vous donnerons des secours.

      Ils furent obligés d'employer toutes leurs forces pour le relever;

       il laissait traîner ses jambes et pesait lourdement sur leurs bras.

       Cependant, ils parvinrent à le conduire lentement vers la maison.

       Pendant ce temps, il grommelait d'une voix rauque:

      —Au diable, laissez-moi, je ne vais pas avec vous, je veux retourner à l'Aigle d'or… Eh, l'hôte, vite du Champagne… dix bouteilles… c'est ça, versez… encore, encore…

      —C'est un des jeunes messieurs de l'Aigle d'or, murmura Jean Wouters. Oui, oui, le plus débauché de tous. Celui qui a mis la grande glace en pièces. Voilà le résultat de ces scandaleux excès et de…

      —Taisez-vous donc, grand-père, et ayez pitié de lui; le pauvre garçon est si malade.

      —Étrange maladie; tu as raison cependant, ma chère enfant. Nous sommes des chrétiens et il peut avoir besoin de secours. Ne songeons qu'à remplir notre devoir.

      Ils le portèrent à l'intérieur et le placèrent sur une chaise. Il demeura immobile, affaissé sur lui-même et les yeux fermés comme un être inanimé.

      —Mère, mère, allez chercher de l'eau, dit la jeune fille. O ciel, voyez, il a du sang sur sa figure! Ah! le pauvre homme!

      Le jeune homme, à demi évanoui ou à demi endormi, avait laissé tomber sa tête sur sa poitrine, les yeux toujours fermés et une sorte de râle sourd sortait de sa poitrine haletante.

      Il était encore très jeune et, autant qu'on pouvait le voir à travers les taches de sang mal essuyé qui lui souillaient les joues et les mèches de cheveux qui lui pendaient sur le front, les traits de son visage paraissaient très doux. Ses habits, d'une coupe élégante et d'une étoffe riche, étaient en désordre et couverts de boue.

      Lina, profondément émue de pitié, se dépêcha de prendre l'eau que sa mère était allée chercher et se mit à laver la figure du jeune homme.

      —Dieu soit loué, s'écria-t-elle toute joyeuse, ce n'est rien. Il est tombé, et il s'est fait un peu de mal. Une petite écorchure à la joue.

      A peine lui eut-elle rafraîchi le cerveau en l'humectant d'eau froide, qu'il ouvrit les yeux, regarda la jeune fille et balbutia avec un rire abruti:

      —Non, Isabelle, enlevez ce verre. Ne me faites plus boire, j'en ai assez pour ce soir… Tiens, tiens, ce n'est pas Isabelle… Qui êtes-vous donc? Ah! que voilà de jolis yeux bleus! Mais maintenant je n'ai pas le temps, demain, demain je vous ferai nager dans le champagne, si vous en avez envie; mais maintenant laissez-moi, je vais dormir.

      Tout à coup la jeune fille laissa tomber le linge qu'elle tenait à la main et recula de quelques pas. Elle était devenue pâle et paraissait profondément effrayée. Des larmes brillaient dans ses yeux.

      Le grand-père et la mère, pensant que le libre langage du jeune homme avait si fort blessé et attristé Lina, essayèrent de la consoler en lui faisant comprendre qu'un homme qui est dans un pareil état ne sait plus ce qu'il dit et qu'il ne faut pas prendre ses paroles au sérieux.

      La jeune fille n'écoutait pas; elle tremblait visiblement d'émotion et ses yeux ne quittaient pas le jeune homme qui paraissait s'être endormi. Elle secoura la tête, comme pour se débarrasser de pensées importunes et dit enfin sans oser faire un pas en avant:

      —Mais, grand-père, cet homme ne peut pas rester ici, conduisez-le dans le village, à l'Aigle d'or.

      —C'est tout à fait impossible, mon enfant, si СКАЧАТЬ