Argent et Noblesse. Hendrik Conscience
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Название: Argent et Noblesse

Автор: Hendrik Conscience

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066087012

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СКАЧАТЬ Wouters était encore très jeune et n'était ni très grande ni très forte; mais ses joues rondes et fleuries, et ses bras musculeux, l'air de santé que présentait toute sa personne étaient bien en harmonie avec l'idée de courage et d'énergie qu'exprimaient ses paroles. Elle avait la bouche remarquablement petite, le sourire ouvert, l'air ingénu, et toute sa personne respirait un parfum de fraîcheur virginale.

      —Grand-père reste longtemps dehors aujourd'hui, dit-elle. Il sera allé, sans doute, chez Coba, le jardinier, chercher des échalas pour les pois. Voulez-vous que j'aille l'appeler?

      —Je comprends ce que c'est, répondit la femme. Tu sais que, d'après les ordres de son maître, il devait aller cet après-midi à l'auberge de l'Aigle d'or pour établir un nouveau chantier dans la cave. C'est un ouvrage pressé et on le retiendra probablement là jusqu'à ce que le chantier soit achevé… Nous attendrons, je laisserai le fricot sur le poêle. Assieds-toi et repose-toi un peu, enfant.

      La jeune fille prit la chaise qu'on lui offrait et secoua la tête sans rien dire, comme si les dernières paroles de sa mère lui donnaient matière à réflexion.

      —A quoi songes-tu comme ça tout à coup? demanda la femme.

      —Et vous croyez, mère, que grand-père travaille comme cela au delà de son heure parce que son maître le lui a dit ou commandé?

      —Oui, mon enfant.

      —Non, non, cela n'est certes pas la raison, répliqua la jeune fille à demi fâchée.

      —Et quelle serait donc la raison, Lina?

      —Grand-père devient de plus en plus économe. Pour gagner quelques sous au-dessus de sa journée, il travaillerait même toute la nuit, si c'était possible. Le dimanche après-midi, il ne va plus jamais boire une pinte avec ses amis, et il n'allume plus que rarement une pipe, lui qui auparavant avait l'habitude de fumer presque constamment à la maison. Le tabac est trop cher, dit-il. Vraiment, mère, cela me fait peine quand je le vois le soir regarder autour de lui d'un air si préoccupé. Je sais bien ce que ses yeux cherchent; mais il résiste à la tentation, pour épargner une couple de cents, souvent mon cœur se gonfle de pitié et il me prend des envies de pleurer; mais, Dieu merci, cela ne durera plus longtemps.

      —Non, cela ne durera plus longtemps, répéta la veuve avec un accent de tristesse, encore quelques mois. Ma grave maladie, qui m'a tenue alitée tout l'hiver, nous a mis en arrière. C'est un crève-cœur pour notre bon père. Jamais il n'a pu supporter l'idée d'avoir des dettes si petites qu'elles soient. Maintenant il travaille et il peine pour soulager nos épaules de ce fardeau. Laisse-le faire, Lina; tu sais que toutes les observations sur ce point restent inutiles.

      —Non, je ne le laisserai pas faire, murmura la jeune fille d'un ton résolu. Attendez un peu, je saurai bien le forcer à fumer sa pipe comme devant.

      —Le forcer? Comment t'y prendras-tu?

      —Vous verrez, ma mère, quand il sera temps.

      En achevant ces paroles, elle se dirigea vers un coin de la pièce, prit son carreau de dentellière et vint s'asseoir près de la table. Elle découvrit une large dentelle déjà en partie achevée et se mit à entremêler vivement ses fuseaux en répétant joyeusement:

      —Oui, oui, vous le verrez, mère… Vous me regardez si curieusement?

       Allons, je vais vous dire ce que j'ai imaginé depuis quelques jours.

       Dans une couple de semaines c'est l'anniversaire de grand-père,

       n'est-ce pas? Pour ce temps-là ma dentelle sera achevée et

       Thérèse, la colporteuse, m'en donnera à peu près dix-neuf francs.

      —Et tu veux faire cadeau d'un nouveau chapeau à grand-père? Je le sais depuis longtemps.

      —En effet, il va maintenant à l'église avec un vieux chapeau roux et les gens parlent de cela. Puisqu'il ne veut pas en acheter un nouveau, c'est moi qui le ferai sans qu'il le sache… Mais ce n'est pas tout, mère. Baptiste, le fils du charron, a planté l'année dernière une grande pièce de tabac; il en a fait sécher et couper les feuilles; il en a sur son grenier la charge d'au moins trois brouettes. Les gens qui en ont acheté disent que ce tabac est d'une excellente qualité et d'un goût parfait. Eh bien, je vais acheter du charron plein mon tablier de tabac, et quand grand-père verra ce tas dans sa chambre il faudra bien qu'il fume, bon gré, mal gré.

      —Plein un tablier, perds-tu la tête, Lina? Tu ne peux pas faire cela.

      —Ne sommes-nous pas convenus, ma mère, que je puis disposer librement de l'argent que je gagne, en dehors de ma journée, à faire de la dentelle.

      —Oui, mais de cette façon tu ne garderas pas assez pour toi, pour t'acheter un nouveau mouchoir de tête pour l'été.

      —Bah, je travaillerai un peu plus tard le soir.

      —Non, pas ça, mon enfant, je ne puis pas le permettre. Juste ciel, ne travailles-tu pas déjà assez?

      —C'est égal, la conviction que j'ai de posséder un moyen de faire plaisir à grand-père me rend capable de tout. J'exécuterai mon projet, mère.

      —Silence là-dessus maintenant, Lina, dit la femme on posant un doigt sur ses lèvres. Voici grand-père qui vient, j'entends son pas.

      Un homme d'environ soixante-cinq ans, vêtu comme un ouvrier, avec une veste et un tablier, parut sur le seuil de la porte en murmurant un bonjour à voix basse. Il avait de larges épaules et semblait encore robuste pour son âge; mais son dos légèrement courbé et les plis profonds de son visage attestaient qu'il s'était usé par une vie de labeur incessant. Il entra et plaça sous la fenêtre, à côté de la porte, un sac de toile qui contenait probablement des outils.

      Avant qu'il se fût redressé, la jeune fille lui avait jeté les deux bras autour du cou et l'embrassait en lui souhaitant gaiement le bonsoir. Il la serra sur son cœur et lui murmura doucement à l'oreille:

      —Merci, ma chère Lina. Depuis quelque temps nous avons la vie assez dure; mais cependant j'ai encore des raisons de remercier Dieu. Il t'a donné un cœur excellent et il a rendu la santé à ta pauvre mère. De quoi pourrais-je me plaindre?

      —Allons, allons, prenez place à la table, grand-père, vous devez avoir faim, dit la jeune fille avec une certaine nuance d'inquiétude; car la voix du vieillard avait un ton qui ne lui était pas ordinaire et qui faisait craindre à la jeune fille qu'il ne lui fût arrivé quelque chose de désagréable.

      Tous trois prirent place à table et baissèrent la tête pour dire leur prière.

      —Bon appétit, grand-père, vite à l'œuvre maintenant, j'ai une faim de loup. Ah! voilà des pommes de terre bien accommodées; c'est à s'en lécher les doigts. Mère, vous en avez de l'honneur.

      Lina avait prononcé ces paroles d'un ton joyeux évidemment pour dissiper les préoccupations du vieillard. Elle remarqua qu'il s'interrompait quelque fois de manger et qu'il secouait la tête.

      —Grand-père chéri, dit-elle, vous êtes si taciturne. Allons,

       racontez-nous quelque chose. Comment vont les gens de l'Aigle d'or? Léocadie se mariera-t-elle bientôt avec le fils СКАЧАТЬ