Название: Nouveaux contes de fées pour les petits enfants
Автор: Comtesse de Ségur
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066088521
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Elle leva la tête, et ne vit qu'un gros Corbeau noir qui voltigeait au-dessus d'elle.
«Hélas! dit-elle, mon repentir, quelque amer qu'il soit, rendra-t-il la vie à Bonne-Biche et à Beau-Minon?
—Courage, Blondine! reprit la voix; rachète ta faute par ton repentir; ne te laisse pas abattre par la douleur.»
La pauvre Blondine se leva et s'éloigna de ce lieu de désolation: elle suivit un petit sentier qui la mena dans une partie de la forêt où les grands arbres avaient étouffé les ronces; la terre était couverte de mousse. Blondine, qui était épuisée de fatigue et de chagrin, tomba au pied d'un de ces beaux arbres et recommença à sangloter.
«Courage, Blondine, espère!» lui cria encore une voix.
Elle ne vit qu'une Grenouille qui était près d'elle et qui la regardait avec compassion.
«Pauvre Grenouille, dit Blondine, tu as l'air d'avoir pitié de ma douleur. Que deviendrai-je, mon Dieu! à présent que me voilà seule au monde?
—Courage et espérance!» reprit la voix.
Blondine soupira; elle regarda autour d'elle, tâcha de découvrir quelque fruit pour étancher sa soif et apaiser sa faim.
Elle ne vit rien et recommença de verser des larmes.
Un bruit de grelots la tira de ses douloureuses pensées; elle aperçut une belle vache qui approchait doucement, et puis, étant arrivée près d'elle, s'arrêta, s'inclina et lui fit voir une écuelle pendue à son cou. Blondine, reconnaissante de ce secours inattendu, détacha l'écuelle, se mit à traire la vache, et but avec délices deux écuelles de son lait. La vache lui fit signe de remettre l'écuelle à son cou, ce que fit Blondine; elle baisa la vache sur le cou et lui dit tristement:
«Merci, Blanchette; c'est sans doute à mes pauvres amis que je dois ce secours charitable; peut-être voient-ils d'un autre monde le repentir de leur pauvre Blondine, et veulent-ils adoucir son affreuse position.
—Le repentir fait bien pardonner des fautes, reprit la voix.
—Ah! dit Blondine, quand je devrais passer des années à pleurer ma faute, je ne me la pardonnerais pas encore: je ne me la pardonnerai jamais.»
Cependant la nuit approchait. Malgré son chagrin, Blondine songea à ce qu'elle ferait pour éviter les bêtes féroces dont elle croyait déjà entendre les rugissements. Elle vit à quelques pas d'elle une espèce de cabane formée par plusieurs arbustes dont les branches étaient entrelacées; elle y entra en se baissant un peu, et elle vit qu'en relevant et rattachant quelques branches elle s'y ferait une petite maisonnette très gentille; elle employa ce qui restait de jour à arranger son petit réduit: elle y porta une quantité de mousse dont elle se fit un matelas et un oreiller; elle cassa quelques branches qu'elle piqua en terre pour cacher l'entrée de sa cabane, et elle se coucha brisée de fatigue.
Elle s'éveilla au grand jour. Dans le premier moment elle eut peine à rassembler ses idées, à se rendre compte de sa position; mais la triste vérité lui apparut promptement, et elle recommença les pleurs et les gémissements de la veille.
La faim se fit pourtant sentir. Blondine commença à s'inquiéter de sa nourriture, quand elle entendit les grelots de la vache. Quelques instants après, Blanchette était près d'elle. Comme la veille, Blondine détacha l'écuelle, tira du lait et en but tant qu'elle en voulut. Elle remit l'écuelle, baisa Blanchette et la vit partir avec l'espérance de la voir revenir dans la journée.
En effet, chaque jour, le matin, à midi et au soir, Blanchette venait présenter à Blondine son frugal repas.
Blondine passait son temps à pleurer ses pauvres amis, à se reprocher amèrement ses fautes.
«Par ma désobéissance, se disait-elle, j'ai causé de cruels malheurs qu'il n'est pas en mon pouvoir de réparer; non seulement j'ai perdu mes bons et chers amis, mais je me suis privée du seul moyen de retrouver mon père, mon pauvre père qui attend peut-être sa Blondine, sa malheureuse Blondine, condamnée à vivre et à mourir seule dans cette affreuse forêt où règne mon mauvais génie!»
Blondine cherchait à se distraire et à s'occuper par tous les moyens possibles; elle avait arrangé sa cabane, s'était fait un lit de mousse et de feuilles; elle avait relié ensemble des branches dont elle avait formé un siège; elle avait utilisé quelques épines longues et fines pour en faire des épingles et des aiguilles; elle s'était fabriqué une espèce de fil avec des brins de chanvre qu'elle avait cueillis près de sa cabane, et elle avait ainsi réussi à raccommoder les lambeaux de sa chaussure, que les ronces avaient mise en pièces. Elle vécut de la sorte pendant six semaines. Son chagrin était toujours le même, et il faut dire à sa louange que ce n'était pas sa vie triste et solitaire qui entre tenait cette douleur, mais le regret sincère de sa faute: elle eut volontiers consenti à passer toute sa vie dans cette forêt, si par là elle avait pu racheter la vie de Bonne-Biche et de Beau-Minon.
IX
LA TORTUE
Un jour qu'elle était assise à l'entrée de sa cabane, rêvant tristement comme de coutume à ses amis, à son père, elle vit devant elle une énorme Tortue.
«Blondine, lui dit la Tortue d'une vieille voix éraillée, Blondine, si tu veux te mettre sous ma garde, je te ferai sortir de cette forêt.
—Et pourquoi, Madame la Tortue, chercherais-je à sortir de la forêt? C'est ici que j'ai causé la mort de mes amis, et c'est ici que je veux mourir.
—Es-tu bien certaine de leur mort, Blondine?
—Comment! il se pourrait!... Mais non, j'ai vu leur château en ruine; le Perroquet et le Crapaud m'ont dit qu'ils n'existaient plus; vous voulez me consoler par bonté sans doute; mais, hélas! je ne puis espérer les revoir. S'ils vivaient, m'auraient-ils laissée seule, avec le désespoir affreux d'avoir causé leur mort?
—Qui te dit, Blondine, que cet abandon n'est pas forcé, qu'eux-mêmes ne sont pas assujettis à un pouvoir plus grand que le leur? Tu sais, Blondine, que le repentir rachète bien des fautes.
—Ah! Madame la Tortue, si vraiment ils existent encore, si vous pouvez me donner de leurs nouvelles, dites-moi que je n'ai pas leur mort à me reprocher, dites-moi que je les reverrai un jour! Il n'est pas d'expiation que je n'accepte pour mériter ce bonheur.
—Blondine, il ne m'est pas permis de te dire le sort de tes amis; mais si tu as le courage de monter sur mon dos, de ne pas en descendre pendant six mois et de ne pas m'adresser une question jusqu'au terme de notre voyage, je te mènerai dans un endroit où tout te sera révélé.
—Je promets tout ce que vous voulez, Madame la Tortue, pourvu que je sache ce que sont devenus mes chers amis.
—Prends СКАЧАТЬ