Название: Nouveaux contes de fées pour les petits enfants
Автор: Comtesse de Ségur
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066088521
isbn:
—Tu hésites, petit misérable! Et que t'importe ce que deviendra Blondine? Plus tard, je te ferai entrer au service de Brunette, et je veillerai à ce que tu ne manques jamais de bonbons.»
Gourmandinet réfléchit encore quelques instants, et se résolut, hélas! à sacrifier sa bonne petite maîtresse pour quelques livres de bonbons. Tout le reste du jour et toute la nuit il hésita encore à commettre ce grand crime; mais la certitude de ne pouvoir plus satisfaire sa gourmandise, s'il se refusait à exécuter l'ordre de la reine, l'espoir de retrouver un jour Blondine en s'adressant à quelque fée puissante, firent cesser ces irrésolutions et le décidèrent à obéir à la reine.
Le lendemain, à quatre heures, Blondine commanda sa petite voiture, monta dedans après avoir embrassé le roi et lui avoir promis de revenir dans deux heures. Le jardin était grand. Gourmandinet fit aller les autruches du côté opposé à la forêt des Lilas.
Quand ils furent si loin qu'on ne pouvait plus les voir du palais, il changea de direction et s'achemina vers la grille de la forêt des Lilas. Il était triste et silencieux; son crime pesait sur son coeur et sur sa conscience.
«Qu'as-tu donc, Gourmandinet? demanda Blondine; tu ne parles pas; serais-tu malade?
—Non, princesse, je me porte bien.
—Comme tu es pâle! dis-moi ce que tu as, mon pauvre Gourmandinet. Je te promets de faire mon possible pour te contenter.»
Cette bonté de Blondine fut sur le point de la sauver en amollissant le coeur de Gourmandinet; mais le souvenir des bonbons promis par Fourbette détruisit ce bon mouvement.
Avant qu'il eût pu répondre, les autruches touchèrent à la grille de la forêt des Lilas.
«Oh! les beaux lilas! s'écria Blondine; quelle douce odeur! Que je voudrais avoir un gros bouquet de ces lilas pour les offrir à papa! Descends, Gourmandinet, et va m'en chercher quelques branches.
—Je ne puis descendre, princesse; les autruches pourraient s'en aller pendant que je serais absent.
—Eh! qu'importe? dit Blondine: je les ramènerai bien seule au palais.
—Mais le roi me gronderait de vous avoir abandonnée, princesse. Il vaut mieux que vous alliez vous-même cueillir et choisir vos fleurs.
—C'est vrai, dit Blondine; je serais bien fâchée de te faire gronder, mon pauvre Gourmandinet.»
Et, en disant ces mots, elle sauta lestement de la voiture, franchit les barreaux de la grille et se mit à cueillir les lilas.
A ce moment, Gourmandinet frémit, se troubla: le remords entra dans son coeur; il voulut tout réparer en rappelant Blondine: mais, quoique Blondine ne fût qu'à dix pas de lui; quoiqu'il la vît parfaitement, elle n'entendait pas sa voix et s'enfonçait petit à petit dans la forêt enchantée. Longtemps il la vit cueillir des lilas, et enfin elle disparut à ses yeux.
Longtemps encore il pleura son crime, maudit sa gourmandise, détesta la reine Fourbette. Enfin il pensa que l'heure où Blondine devait être de retour au palais approchait; il rentra aux écuries par les derrières, et courut chez la reine, qui l'attendait. En le voyant pâle et les yeux rouges des larmes terribles du remords, elle devina que Blondine était perdue.
«Est-ce fait?» dit-elle.
Gourmandinet fit signe de la tête que oui; il n'avait pas la force de parler.
«Viens, dit-elle, voilà ta récompense.»
Et elle lui montra un coffre plein de bonbons de toutes sortes. Elle fit enlever ce coffre par un valet, et le fit attacher sur un des mulets qui avaient amené ses bijoux.
«Je confie ce coffre à Gourmandinet, pour qu'il le porte à mon père. Partez, Gourmandinet, et revenez-en chercher un autre dans un mois.»
Elle lui remit en même temps une bourse pleine d'or dans la main. Gourmandinet monta sur le mulet sans mot dire. Il partit au galop; bientôt le mulet, qui était méchant et entêté, impatienté du poids de la caisse, se mit à ruer, à se cambrer, et fit si bien qu'il jeta par terre Gourmandinet et le coffre. Gourmandinet, qui ne savait pas se tenir sur un cheval ni sur un mulet, tomba la tête sur des pierres et mourut sur le coup. Ainsi il ne retira même pas de son crime le profit qu'il en avait espéré, puisqu'il n'avait pas encore goûté les bonbons que lui avait donnés la reine.
Personne ne le regretta, car personne ne l'avait aimé, excepté la pauvre Blondine, que nous allons rejoindre dans la forêt des Lilas.
III
LA FORÊT DES LILAS
Quand Blondine fut entrée dans la forêt, elle se mit à cueillir de belles branches de lilas, se réjouissant d'en avoir autant et qui sentaient si bon. A mesure qu'elle en cueillait, elle en voyait de plus beaux; alors elle vidait son tablier et son chapeau qui en étaient pleins, et elle les remplissait encore.
Il y avait plus d'une heure que Blondine était ainsi occupée; elle avait chaud; elle commençait à se sentir fatiguée; les lilas étaient lourds à porter, et elle pensa qu'il était temps de retourner au palais. Elle se retourna et se vit entourée de lilas; elle appela Gourmandinet: personne ne lui répondit. «Il parait que j'ai été plus loin que je ne croyais, dit Blondine: je vais retourner sur mes pas, quoique je sois un peu fatiguée, et Gourmandinet m'entendra et viendra au-devant de moi.»
Elle marcha pendant quelque temps, mais elle n'apercevait pas la fin de la forêt. Bien des fois elle appela Gourmandinet, personne ne lui répondait. Enfin elle commença à s'effrayer.
«Que vais-je devenir dans cette forêt toute seule? Que va penser mon pauvre papa de ne pas me voir revenir? et le pauvre Gourmandinet, comment osera-t-il rentrer au palais sans moi? Il va être grondé, battu peut-être, et tout cela par ma faute, parce que j'ai voulu descendre et cueillir ces lilas! Malheureuse que je suis! je vais mourir de faim et de soif dans cette forêt, si encore les loups ne me mangent pas cette nuit.»
Et Blondine tomba par terre au pied d'un gros arbre et se mit à pleurer amèrement. Elle pleura longtemps; enfin la fatigue l'emporta sur le chagrin; elle posa sa tête sur sa botte de lilas et s'endormit.
IV
PREMIER RÉVEIL DE BLONDINE—BEAU-MINON
Blondine dormit СКАЧАТЬ