Название: Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A)
Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
Жанр: Техническая литература
isbn:
isbn:
Dans cet exemple qui est du XIe siècle, la construction des maçonneries semble justifier l'emploi de l'arcature; les murs sont bâtis en blocages parementés en petits moellons cubiques comme certaines constructions gallo-romaines. L'arcature, par son appareil plus grand, la fermeté de ses pieds-droits monolithes, donne de la solidité à ce soubassement en le décorant, elle accompagne et couronne ce banc qui règne tout le long du bas côté. Le plus souvent même à cette époque, les arcatures sont supportées par des colonnettes isolées ornées de bases et de chapiteaux sculptés; nous choisirons comme exemple l'arcature des bas côtés de l'église abbatiale de Souvigny (Allier) (2), reposant toujours sur un banc conformément à l'usage adopté.
Dans ces arcatures, la base, le chapiteau et les claveaux des petits arcs sont engagés dans la maçonnerie du mur, et les fûts des colonnettes composés d'un seul morceau de pierre posé en délit, sont détachés. À Souvigny les arcs reposent alternativement sur un pilastre rectangulaire et sur une colonnette cylindrique.
Cet exemple remonte aux premières années du XIIe siècle. À mesure que l'architecture se débarrasse des formes quelque peu lourdes de l'époque romane, les arcatures basses deviennent plus fines, les arcs se décorent de moulures, les colonnettes sont plus sveltes. Dans le bas côté sud de l'église de Sainte-Madeleine de Châteaudun, on voit encore les restes d'une belle arcature du XIIe siècle qui sert de transition entre le style roman et le style ogival (3); les tailloirs des chapiteaux en sont variés, finement moulurés, les archivoltes sont décorées de dents de scie. Les arcatures basses des monuments de la Normandie sont vers cette époque curieusement travaillées, parfois composées d'une suite de petits arcs plein cintre qui s'entre-croisent et portent soit sur un rang de colonnettes, soit sur des colonnettes et des corbeaux alternés; mais c'est particulièrement en Angleterre que le style normand a développé ce genre de décoration dans lequel quelques esprits plus ingénieux qu'éclairés ont voulu voir l'origine de l'ogive (voy. OGIVE).
Le côté nord du choeur de la cathédrale de Canterbury présente à l'extérieur, entre les fenêtres de la crypte et celles des bas côtés, une arcature que nous donnons ici (3 bis), et qui forme un riche bandeau entre les contre-forts; cet exemple date des dernières années du XIIe siècle. Dans l'étage inférieur de la tour Saint-Romain de la cathédrale de Rouen, les colonnettes des arcatures sont accouplées, supportant déjà de petits arcs en tiers-point, bien que le plein cintre persiste longtemps dans ces membres accessoires de l'architecture, et jusque vers les premières années du XIIIe siècle; ainsi, les chapelles du choeur de l'église abbatiale de Vézelay sont tapissées sous les appuis des fenêtres, d'arcatures appartenant par les détails de leur ornementation au XIIIe siècle, tandis que leurs arcs sont franchement plein cintre (4).
En Bourgogne l'arc plein cintre persiste même dans les arcatures jusque vers le milieu du XIIIe siècle. La petite église de Notre-Dame de Dijon, dont la construction est postérieure à l'église de l'abbaye de Vézelay, laisse encore voir dans les soubassements de ses chapelles du transsept, de belles arcatures plein cintre sur des chapiteaux qui n'ont plus rien de l'ornementation romane. La courbe en tiers-point ne s'applique aux archivoltes des arcatures que vers 1230, l'arc trilobé sert de transition, on le voit employé dans le transsept nord de l'église Saint-Jean de Châlons-sur-Marne (5), dont la partie inférieure date de 1220 à 1230; dans les travées encore existantes des bas côtés de la cathédrale d'Amiens, même date; plus tard, de 1230 à 1240, l'arc en tiers-point règne seul (6), ainsi qu'on peut le voir dans les chapelles du choeur de la cathédrale de Troyes, d'abord simple, décoré seulement par des moulures largement profilées, puis un peu plus tard, vers 1240, par des redents, comme dans les chapelles du choeur de la cathédrale d'Amiens (7) ou la Sainte-Chapelle basse du Palais à Paris.
Jusqu'alors cependant, les arcatures basses, qu'elles appartiennent à un monument riche ou à une église de petite ville, sont à peu de chose près semblables. Mais vers 1245, au moment où l'architecture ogivale arrivait à son apogée, les arcatures, dans les édifices bâtis avec luxe, prennent une plus grande importance, s'enrichissent de bas-reliefs, d'ornements, d'ajours, tendent à former sous les fenêtres une splendide décoration, en laissant toujours voir le nu des murs dans les entre-colonnements; ces murs eux-mêmes reçoivent de la peinture, des applications de gaufrures ou de verres colorés et dorés. La Sainte-Chapelle haute du Palais à Paris nous offre le plus bel exemple que l'on puisse donner d'une série d'arcatures ainsi traitées (8).
Alors, dans les édifices religieux, le parti adopté par les constructeurs ne laissait voir de murs que sous les appuis des fenêtres des bas côtés; toute la construction se bornant à des piles et des vides garnis de verrières, on conçoit qu'il eût été désagréable de rencontrer sous les verrières des bas-côtés, à la hauteur de l'oeil, des parties lisses qui eussent été en désaccord complet avec le système général de piles et d'ajours adopté par les architectes. Ces arcatures servaient de transition entre le sol et les meneaux des fenêtres en conservant cependant par la fermeté des profils, l'étroitesse des entre-colonnements et les robustes saillies des bancs, une certaine solidité d'aspect nécessaire à la base d'un monument. Les bas côtés de la cathédrale de Reims, quoique pourvus de ces larges bancs avec marche en avant, n'ont jamais eu, ou sont dépouillés de leur arcature; aussi, est-on choqué de la nudité de ces murs de pierre sous les appuis des fenêtres, nudité qui contraste avec la richesse si sage de tout l'intérieur de l'édifice. Pour nous, il n'est pas douteux que les bas côtés de la cathédrale de Reims ont dû être ou ont été garnis d'arcatures comme l'étaient autrefois ceux de la nef de l'église abbatiale de Saint-Denis, les parties inférieures de ces deux nefs ayant les plus grands rapports. Nous donnons ici (9) l'arcature basse de la nef de l'église de Saint-Denis, dont tous les débris existent encore dans les magasins de cet édifice, et dont les traces sont visibles sur place. Disons en passant que c'est avec quelques fragments de cette arcature que le tombeau d'Héloïse et d'Abailard, aujourd'hui déposé au Père-Lachaise, a été composé par M. Lenoir, dans le musée des Petits-augustins.
Il ne faudrait pas croire que les arcatures ont suivi rigoureusement la voie que nous venons de tracer, pour atteindre leur développement; avant d'arriver à l'adoption de la courbe en tiers-point on rencontre des tâtonnements, car c'est particulièrement pendant les périodes de transition que les exceptions se multiplient. Nous en donnerons une qui date des premières années du XIIIe siècle, et qui peut compter parmi les plus originales; elle se trouve dans les bas côtés de l'église de Montier-en-Der (Haute-Marne) (10), charmant édifice rempli de singularités architectoniques, et que nous aurons l'occasion de citer souvent.
Vers la fin du XIIIe siècle, les arcatures basses, comme tous les autres membres de l'architecture ogivale s'amaigrissent; СКАЧАТЬ