Название: Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A)
Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
Жанр: Техническая литература
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À la cathédrale de Paris, par exemple (71), il a toujours existé des arcs-boutants de A en B pour maintenir la poussée des voûtes de la nef et du choeur; mais l'écartement des voûtes des croisillons n'est maintenu que par les deux contre-forts minces D et C, et il n'a jamais existé d'arcs-boutants de D en A et de C en A. On ne pouvait songer en effet à bander des arcs-boutants qui eussent pris les contre-forts AE en flanc; en admettant que ces contre-forts fussent arrivés jusqu'au prolongement de l'arc-doubleau CD, ce qui n'existe pas à la cathédrale de Paris. Cette difficulté non résolue causa quelquefois la ruine des croisillons peu de temps après leur construction. Aussi, dès le milieu du XIIIe siècle, on disposa les contre-forts des angles formés par les transsepts de manière à pouvoir butter les voûtes dans les deux sens (72). À la cathédrale d'Amiens, par exemple, ces contre-forts, à la rencontre du transsept et du choeur, présentent en plan la forme d'une croix, et il existe des arcs-boutants de D en C comme de A en B. Quand les arcs-boutants sont à doubles volées, la première volée est bandée de E en F comme de G en F.
Souvent il arrivait aussi que les arcs-boutants des nefs ou des choeurs, poussant sur la tranche de contre-forts très-larges mais très-minces, et qui n'étaient en réalité que des murs (73), comme aux choeurs de Notre-Dame de Paris, de l'église de Saint-Denis, de la cathédrale du Mans, tendaient à faire déverser ces murs; on établit également, vers le milieu du XIIIe siècle, des éperons latéraux A sur les flancs des contre-forts, pour prévenir ce déversement (voy. CONTRE-FORT).
On ne s'arrêta pas là; ces masses de constructions élevées pour maintenir les arcs-boutants ne pouvaient satisfaire les constructeurs du XVe siècle, qui voulaient que leurs édifices parussent plus légers encore qu'ils ne l'étaient réellement. Dans quelques églises, et notamment dans le choeur de l'église du Mont-Saint-Michel-en-Mer, ils remplacèrent les éperons A de flanc, par des arcs bandés d'un contre-fort à l'autre, comme une succession d'étrésillons destinés à rendre tous les contre-forts des arcs-boutants solidaires.
De tout ce qui précède on peut conclure que les architectes du moyen âge, après avoir résolu le problème de la construction des voûtes sur des piles minces et isolées, au moyen de l'arc-boutant, ont été frappés, sitôt après l'application du principe, des difficultés d'exécution qu'il présentait. Tous leurs efforts ont eu pour but d'établir l'équilibre entre la poussée des voûtes et la résistance des arcs-boutants, à baser ce système sur des règles fixes, ce qui n'était pas possible, puisque les conditions d'équilibre se modifient en raison de la nature, du poids, de la résistance et de la dimension des corps. Les hommes d'un génie supérieur, comme il arrive toujours, ont su vaincre ces difficultés, plutôt par l'instinct que par le calcul, par l'observation des faits particuliers que par l'application de règles absolues. Les constructeurs vulgaires ont suivi tels ou tels exemples qu'ils avaient sous les yeux, mais sans se rendre compte des cas exceptionnels qu'ils avaient à traiter; souvent alors ils se sont trompés. Est-ce à dire pour cela que l'arc-boutant, parce qu'il exige une grande sagacité de la part du constructeur, est un moyen dont l'emploi doit être proscrit? Nous ne le croyons pas. Car de ce que l'application d'un système présente des difficultés et une certaine finesse d'observation, ce n'est pas une raison pour le condamner, mais c'en est une pour l'étudier avec le plus grand soin.
ARC DE DÉCHARGE. C'est l'arc que l'on noie dans les constructions au-dessus des linteaux des portes, au-dessus des vides en général, et des parties faibles des constructions inférieures pour reporter le poids des constructions supérieures sur des points d'appui dont la stabilité est assurée. Les archivoltes des portails et portes sont de véritables arcs de décharge (voy. ARCHIVOLTES, variété de l'Arc); toutefois on ne donne guère le nom d'arcs de décharge qu'aux arcs dont le parement affleure le nu des murs, qui ne se distinguent des assises horizontales que par leur appareil, et quelquefois cependant par une faible saillie. Dans les constructions romaines élevées en petits matériaux et en blocages, on rencontre souvent des arcs de décharge en briques et en moellons noyés en plein mur, afin de reporter les pesanteurs sur des points des fondations et soubassements établis plus solidement que le reste de la bâtisse. Cette tradition se conserve encore pendant la période romane.
Mais à cette époque les constructions en blocage n'étaient plus en usage, et on ne trouve que très-rarement des arcs destinés à diviser les pesanteurs dans un mur plein. D'ailleurs dans les édifices romans la construction devient presque toujours un motif de décoration, et lorsqu'en maçonnant on avait besoin d'arcs de décharge on cherchait à les accuser, soit par une saillie, et même quelquefois par un filet orné ou mouluré à l'extrados. Tels sont les arcs de décharge qui se voient le long du mur des bas côtés de l'Église St-Étienne de Nevers (fin du XIe siècle) (74). Ici ces arcs sont surtout destinés à charger les piles des bas côtés qui reçoivent les poussées des voûtes; les murs n'étant pas armés de contre-forts, ce surcroît de charge donne aux points d'appui principaux une grande stabilité. C'est un système qui permet d'élever des murs minces entre les piles destinées à recevoir le poids des constructions, il présente par conséquent une économie de matériaux; on le voit appliqué dans beaucoup d'églises du Poitou, de l'Anjou, de l'Auvergne et de la Saintonge pendant la période romane. Inutile d'ajouter que ces arcs de décharge sont toujours extradossés; puisque leur fonction essentielle est de reporter les charges supérieures sur leurs sommiers, ils doivent tendre à faire glisser les maçonneries sur leurs reins.
Le pignon du transsept sud de l'église de Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand est ainsi porté sur deux arcs de décharge à l'extérieur, reposant sur une colonne (75). Souvent dans l'architecture civile des XIe et XIIe siècles on rencontre des portes dont les linteaux sont soulagés par des arcs de décharge venant appuyer leurs sommiers sur une portée ménagée aux deux extrémités des linteaux (76), quelquefois aussi au-dessus des linteaux on voit une clef posée dans l'assise qui les surmonte et qui forme ainsi une plate-bande appareillée reportant le poids des murs sur les deux pieds-droits (77).
Un vide est laissé alors entre l'intrados de la clef et le linteau pour éviter la charge de cette clef en cas de mouvement dans les constructions. Des arcs de décharge sont posés au-dessus des ébrasements intérieurs des portes et des fenêtres dans presque tous les édifices civils du moyen âge.
Ces arcs sont plein cintre (78) (château de Polignac, Haute-Loire, XIe siècle), rarement en tiers-point, et le plus souvent bombés seulement pour prendre moins de hauteur sous les planchers (voy. FENÊTRE). Pendant la période ogivale, les constructeurs ont à franchir de grands espaces vides, ils cherchent sans cesse à diminuer à rez-de-chaussée les points d'appui, afin de laisser le plus de place possible à la foule, de ne pas gêner la vue; ce principe les conduit à établir une partie des constructions supérieures en porte-à-faux; si dans le travers des nefs ils établissent des arcs-boutants au-dessus des bas côtés, pour reporter la poussée СКАЧАТЬ