Название: Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A)
Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
Жанр: Техническая литература
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Si par une raison d'économie, ou faute de place, les culées C ne pouvaient avoir une grande épaisseur, les arcs-boutants devenaient presque des piles inclinées, très-légèrement cintrées, opposant aux poussées une résistance considérable, et reportant cette poussée presque verticalement sur les contre-forts. On voit des arcs-boutants ainsi construits dans l'église Notre-Dame de Semur en Auxois (58), monument que nous citerons souvent à cause de son exécution si belle et de l'admirable entente de son mode de construction. Toutefois des arcs-boutants ainsi construits ne pouvaient maintenir que des voûtes d'une faible portée (celles de Notre-Dame de Semur n'ont que 8 mètres d'ouverture) et dont la poussée se rapprochait de la verticale par suite de l'acuité des arcs-doubleaux, car ils se seraient certainement déversés en pivotant sur leur sommier D, si les arcs-doubleaux se rapprochant du plein cintre eussent eu par conséquent la propriété de pousser suivant un angle voisin de 45 degrés. Dans ce cas, tout en cintrant les arcs-boutants sur un arc d'un très-grand rayon, et d'une courbure peu sensible par conséquent, on avait le soin de les charger puissamment au-dessus de leur naissance, près de la culée, pour éviter le déversement. Ce système a été adopté dans la construction des immenses arcs-boutants de Notre-Dame de Paris, refaits au XIVe siècle (59). Ces arcs prodigieux, qui n'ont pas moins de 15 mètres de rayon, furent élevés par suite de dispositions tout exceptionnelles (voy. CATHÉDRALE); c'est là un fait unique.
Tous les exemples que nous venons de donner ne reproduisent que des arcs-boutants simples ou doubles d'une seule volée; mais dans les choeurs des grandes cathédrales, par exemple, ou dans les nefs des XIIIe, XIVe et XVe siècles bordées de doubles bas côtés, ou de bas côtés et de chapelles communiquant entre elles, il eût fallu établir des arcs-boutants d'une trop grande portée pour franchir ces espaces s'ils eussent été s'appuyer sur les contre-forts extérieurs, ou ces contre-forts auraient dû alors prendre un terrain considérable en dehors des édifices. Or nous ne devons pas oublier que le terrain était chose à ménager dans les villes du moyen âge. Nous le répétons, les arcs-boutants de la cathédrale de Paris, qui franchissent les doubles bas côtés, sont un exemple unique; ordinairement, dans les cas que nous venons de signaler, les arcs-boutants sont à deux volées, c'est-à-dire qu'ils sont séparés par un point d'appui intermédiaire ou repos, qui, en divisant la poussée, détruit une partie de son effet et permet ainsi de réduire l'épaisseur des contre-forts extérieurs.
Dans les choeurs des grandes églises bâties pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles, les chapelles présentent généralement en plan une disposition telle que derrière les piles qui forment la séparation de ces chapelles, les murs sont réduits à une épaisseur extrêmement faible (60) à cause de la disposition rayonnante de l'abside.
Si l'on élevait un contre-fort plein sur le mur de séparation de A en B, il y aurait certainement rupture au point C, car c'est sur ce point faible que viendrait se reporter tout le poids de l'arc-boutant. Si on se contentait d'élever un contre-fort sur la partie résistante de cette séparation, de C en B, par exemple, le contre-fort ne serait pas assez épais pour résister à la poussée des arcs-boutants bandés de D en C, en tenant compte surtout de la hauteur des naissances des voûtes, comparativement à l'espace C B. À la cathédrale de Beauvais, la longueur A B de séparation des chapelles est à la hauteur des piles D, jusqu'à la naissance de la voûte comme 1 est à 6, et la longueur C B comme 1 est à 9. Voici donc comment les constructeurs du XIIIe siècle établirent les arcs-boutants du choeur de cette immense église (61).
Pour laisser une plus grande résistance à la culée des contre-forts A C, ils ne craignirent pas de poser la pile A en porte à faux sur la pile B, calculant avec raison que la poussée des deux arcs-boutants supérieurs tendait à faire incliner cette pile A, et reportait sa charge sur son parement extérieur à l'aplomb de la pile B. Laissant un vide entre la pile A et le contre-fort C, ils bandèrent deux autres petits arcs-boutants dans le prolongement des deux grands, et surent ainsi maintenir l'aplomb de la pile intermédiaire A chargée par le pinacle D. Grâce à cette division des forces des poussées et à la stabilité donnée à la pile A et au contre-fort C par ce surcroît de pesanteur obtenu au moyen de l'adjonction des pinacles D et E, l'équilibre de tout le système s'est conservé; et si le choeur de la cathédrale de Beauvais a menacé de s'écrouler au XIVe siècle, au point qu'il a fallu élever de nouvelles piles entre les anciennes dans les travées parallèles, il ne faut pas s'en prendre au système adopté, qui est très-savamment combiné, mais à certaines imperfections dans l'exécution, et surtout à l'ébranlement causé à l'édifice par la chute de la flèche centrale élevée imprudemment sur le transsept avant la construction de la nef. D'ailleurs, l'arc-boutant que nous donnons ici appartient au rond-point dont toutes les parties ont conservé leur aplomb. Nous citons le choeur de Beauvais parce qu'il est la dernière limite à laquelle la construction des grandes églises du XIIIe siècle ait pu arriver. C'est la théorie du système mise en pratique avec ses conséquences même exagérées. Sous ce point de vue, cet édifice ne saurait être étudié avec trop de soin. C'est le Parthénon de l'architecture française; il ne lui a manqué que d'être achevé, et d'être placé au centre d'une population conservatrice et sachant comme les Grecs de l'antiquité, apprécier, respecter et vanter les grands efforts de l'intelligence humaine. Les architectes de la cathédrale de Cologne, qui bâtirent le choeur de cette église peu après celui de Beauvais, appliquèrent ce système d'arcs-boutants, mais en le perfectionnant sous le rapport de l'exécution. Ils chargèrent cette construction simple de détails infinis qui nuisent à son effet sans augmenter ses chances de stabilité (voy. CATHÉDRALE). Dans la plupart des églises bâties au commencement du XIIIe siècle, les eaux des chéneaux des grands combles s'égouttaient par les larmiers des corniches, et n'étaient que rarement dirigés dans des canaux destinés à les rejeter promptement en dehors du périmètre de l'édifice (voy. CHÉNEAU); on reconnut bientôt les inconvénients de cet état de choses, et, vers le milieu du XIIIe siècle, on eut l'idée de se servir des arcs-boutants supérieurs comme d'aqueducs pour conduire les eaux des chéneaux des grands combles à travers les têtes des contre-forts; on évitait ainsi de longs trajets, et on se débarrassait des eaux de pluie par le plus court chemin. Ce système fut adopté dans le choeur de la cathédrale de Beauvais (61). Mais on était amené ainsi à élever la tête des arcs-boutants supérieurs jusqu'à la corniche des grands combles, c'est-à-dire bien au-dessus de la poussée des voûtes, comme à Beauvais, ou à conduire les eaux des chéneaux sur ces arcs-boutants au moyen de coffres verticaux en pierre qui avaient l'inconvénient de causer des infiltrations au droit des reins des voûtes. La poussée de ces arcs-boutants supérieurs, agissant à la tête des murs, pouvait causer des désordres dans la construction. On remplaça donc, vers la fin du XIIIe siècle, les arcs-boutants supérieurs par une construction à claire-voie, véritable aqueduc incliné qui étrésillonnait les têtes des murs, mais d'une façon passive et sans pousser. C'est ainsi que furent construits les arcs-boutants du choeur de la cathédrale d'Amiens, élevés vers 1260 (62).
Cette première tentative ne fut pas heureuse. Les arcs-boutants, СКАЧАТЬ