Les mystères du peuple, Tome I. Эжен Сю
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Название: Les mystères du peuple, Tome I

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ de moi un pacha, un vrai pacha, – répondit le vieillard pendant que son petit-fils allait prendre une pipe sur un meuble; il la remplit de tabac, l'alluma, et vint la présenter au père Morin. Alors celui-ci, bien adossé à son chevet, commença de fumer délicieusement sa pipe.

      Georges lui dit en s'asseyant au pied du lit:

      – Qu'est-ce que vous allez faire aujourd'hui?

      – Ma petite promenade sur le boulevard, où j'irai m'asseoir si le temps est beau…

      – Hum!.. grand-père, je crois que vous ferez mieux d'ajourner votre promenade… Vous avez vu hier combien les rassemblements étaient nombreux; on en est venu presqu'aux mains avec les municipaux et les sergents de ville… Aujourd'hui ce sera peut-être plus sérieux.

      – Ah ça, mon enfant, tu ne te fourres pas dans ces bagarres-là? Je sais bien que c'est tentant, quand on est dans son droit; car c'est une indignité au gouvernement de défendre ces banquets… Mais je serais si inquiet pour toi!

      – Soyez tranquille, grand-père, vous n'avez rien à craindre pour moi; mais suivez mon conseil, ne sortez pas aujourd'hui.

      – Eh bien, alors, mon enfant, je resterai à la maison; je m'amuserai à lire un peu dans tes livres, et je regarderai les passants par la fenêtre en fumant ma pipe.

      – Pauvre grand-père, – dit Georges en souriant; – de si haut, vous ne voyez guère que des chapeaux qui marchent.

      – C'est égal, ça me suffit pour me distraire; et puis je vois les maisons d'en face, les voisins se mettre aux fenêtres… Ah! mais… j'y pense: à propos des maisons d'en face, il y a une chose que j'oublie toujours de te demander… Dis-moi donc ce que signifie cette enseigne du marchand de toiles, avec ce guerrier en casque, qui met son épée dans une balance? Toi, qui as travaillé à la menuiserie de ce magasin quand on l'a remis à neuf, tu dois savoir le comment et le pourquoi de cette enseigne?

      – Je n'en savais pas plus que vous, grand-père, avant que mon bourgeois ne m'eût envoyé travailler chez monsieur Lebrenn, le marchand de toiles.

      – Dans le quartier, on le dit très-brave homme, ce marchand; mais quelle diable d'idée a-t-il eue de choisir une pareille enseigne… À l'Épée de Brennus! Il aurait été armurier, passe encore. Je sais bien qu'il y a des balances dans le tableau, et que les balances rappellent le commerce… mais pourquoi ce guerrier, avec son casque et son air d'Artaban, met-il son épée dans ces balances?

      – Sachez, grand-père… mais vraiment je suis honteux d'avoir l'air, à mon âge, de vous faire ainsi la leçon.

      – Comment, honteux? Pourquoi donc? Au lieu d'aller à la barrière le dimanche, tu lis, tu apprends, tu t'instruis? Tu peux, pardieu, bien faire la leçon au grand-père… il n'y a pas d'affront.

      – Eh bien… ce guerrier à casque, ce Brennus, était un Gaulois, un de nos pères, chef d'une armée qui, il y a deux mille et je ne sais combien d'années, est allé en Italie attaquer Rome, pour la châtier d'une trahison; la ville s'est rendue aux Gaulois, moyennant une rançon en or; mais Brennus, ne trouvant pas la rançon assez forte, a jeté son épée dans le plateau de la balance où étaient les poids.

      – Afin d'avoir une rançon plus forte, le gaillard! Il faisait à l'inverse des fruitières, qui donnent le coup de pouce au trébuchet, je comprends cela; mais il y a deux choses que je comprends moins: d'abord, tu me dis que ce guerrier, qui vivait il y a plus de deux mille ans, était un de nos pères?

      – Oui, en cela que Brennus et les Gaulois de son armée appartenaient à la race dont nous descendons, presque tous tant que nous sommes, dans le pays.

      – Un moment… tu dis que c'étaient des Gaulois?

      – Oui, grand-père.

      – Alors nous descendrions de la race gauloise?

      – Certainement7.

      – Mais nous sommes Français? Comment diable arranges-tu cela, mon garçon?

      – C'est que notre pays… notre mère-patrie à tous, ne s'est pas toujours appelée la France.

      – Tiens… tiens… tiens… – dit le vieillard en ôtant sa pipe de sa bouche; – comment, la France ne s'est pas toujours appelée la France?

      – Non, grand-père; pendant un temps immémorial notre patrie s'est appelés la Gaule, et a été une république aussi glorieuse, aussi puissante, mais plus heureuse, et deux fois plus grande que la France du temps de l'empire.

      – Fichtre! excusez du peu…

      – Malheureusement, il y a à peu près deux mille ans…

      – Rien que ça… deux mille ans! Comme tu y vas, mon garçon!

      – La division s'est mise dans la Gaule, les provinces se sont soulevées les unes contre les autres…

      – Ah! voilà toujours le mal… c'est à cela que les prêtres et les royalistes ont tant poussé lors de la révolution…

      – Aussi, grand-père, est-il arrivé à la Gaule, il y a des siècles, ce qui est arrivé à la France en 1814 et en 1815?

      – Une invasion étrangère!

      – Justement. Les Romains, autrefois vaincus par Brennus, étaient devenus puissants. Ils ont profité des divisions de nos pères, et ont envahi le pays…

      – Absolument comme les cosaques et les Prussiens nous ont envahis?

      – Absolument. Mais ce que les rois cosaques et prussiens, les bons amis des Bourbons, n'ont pas osé faire, non que l'envie leur en ait manqué, les Romains l'ont fait, et malgré la résistance héroïque de nos pères, toujours braves comme des lions; mais malheureusement divisés, ils ont été réduits en esclavage, comme le sont aujourd'hui les nègres des colonies.

      – Est-il Dieu possible!

      – Oui. Ils portaient le collier de fer, marqué au chiffre de leur maître, quand on ne marquait pas ce chiffre au front de l'esclave avec un fer rouge…

      – Nos pères! – s'écria le vieillard en joignant les mains avec une douloureuse indignation, – nos pères!

      – Et quand ils essayaient de fuir, leurs maîtres leurs faisaient couper le nez et les oreilles, ou bien les poings et les pieds.

      – Nos pères!!!

      – D'autres fois leurs maîtres les jetaient aux bêtes féroces pour se divertir, ou les faisaient périr dans d'affreuses tortures, quand ils refusaient de cultiver, sous le fouet du vainqueur, les terres qui leur avaient appartenu…

      – Mais attends donc, – reprit le vieillard en rassemblant ses souvenirs, – attends donc! ça me rappelle une chanson de notre vieil ami à nous autres pauvres gens…

      – Une chanson de notre Béranger, n'est-ce pas, grand-père? les Esclaves gaulois?

      – Juste, mon garçon. Ça commence… voyons… oui… c'est ça…

      D'anciens Gaulois, pauvres СКАЧАТЬ



<p>7</p>

Français, dit M. Amédée Thierry dans son Histoire des Gaulois (introduction, page 8): j'ai voulu faire connaître cette race (la race gauloise), de laquelle descendent les dix-neuf vingtièmes d'entre nous Français. C'est avec un soin religieux que j'ai recueilli ces vieilles reliques dispersées, que j'ai été puiser dans les annales de vingt peuples les titres d'une famille qui est la nôtre… Les traits saillants de la famille gauloise, ceux qui la différencient le plus, à mon avis, des autres familles humaines, peuvent se résumer ainsi: Une bravoure personnelle que rien n'égale chez les peuples anciens, un esprit franc, impétueux, ouvert à toutes les impressions, éminemment intelligent.

…Les premiers hommes qui peuplèrent l'ouest de l'Europe furent les Galls ou Gaulois, nos véritables ancêtres, car leur sang prédomine dans ce mélange successif de peuples divers qui a formé les modernes Français; toutes les qualités et quelques défauts des Gaulois, les traits les plus saillants de leur caractère, survivant chez nous, attestent encore notre antique origine (Henry Martin, Hist. de France, vol. I, éd. 1838).

… Il est incontestable que jusqu'ici nous ne nous sommes pas fait assez honneur de nos pères, les Gaulois; il semble qu'éblouis par les prestiges de l'antiquité hébraïque, même de l'antiquité grecque et romaine, nous nous empressions par honte de faire bon marché de la nôtre et de la passer sous silence.

Mais j'ose le dire, si Dieu avait voulu que l'Écriture nous eût conservé l'héritage paternel aussi brillamment qu'elle l'a fait chez les Hébreux, les Grecs et les Romains, loin d'humilier nos antiquités nationales devant celles de ces peuples, nous n'eussions voulu relever que d'elles seules. (Jean Raynaud, article Druidisme, page 405, Encyclopédie nouvelle.) Nous aurons souvent occasion de citer l'autorité si imposante de notre illustre et excellent ami Jean Raynaud.