Tamaris. Жорж Санд
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Название: Tamaris

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      – Vous sauver chez Pasquali? Il est trop tard, mon cher, et vous êtes perdu, car la voilà!

      Elle accourait pâle et agitée. Paul venait de se blesser en jouant. Une pierre lui avait foulé un doigt. J'y courus. L'enfant gâté criait et pleurait.

      – Oh! quel douillet! lui dis-je en le prenant sur mes genoux. Regardez donc comme maman est pâle!

      – Il se tut aussitôt, regarda sa mère, comprit qu'elle souffrait plus que lui, m'embrassa et m'abandonna sa petite main, qui n'était que légèrement blessée. Je le pansai, et, avant la fin du pansement, il s'agitait déjà sur mes genoux pour retourner à ses jeux.

      Madame Martin nous retint au salon, Aubanel et moi, comme pour nous prouver que son système de claustration ne nous concernait pas. Cette femme si rigidement ensevelie avait une grande effusion de cœur quand elle se sentait avec de bonnes gens. Elle était même gaie, et le sourire était attendrissant sur cette physionomie mélancolique. Elle semblait faite pour la vie intime et les joies de la famille. D'où vient donc qu'elle était seule au monde avec son fils?

      Au bout d'un quart d'heure, Aubanel, qui était forcé de retourner à Toulon, me proposa de m'y conduire dans sa voiture. Je le remerciai; je voulais descendre au rivage pour rendre visite au bon M. Pasquali. Je pris congé en même temps que lui de madame Martin, sentant bien qu'il serait indiscret de rester davantage. Elle me retint. Aubanel se retira en me lançant un coup d'œil malin qui n'avait rien d'offensant pour elle; mais elle ne le vit pas: toute légèreté était si loin de sa pensée!

      – Docteur, me dit-elle quand nous fûmes seuls, pouvez-vous me trouver un professeur pour mon fils? Aubanel et Pasquali n'en connaissent pas un dont ils puissent me répondre, car il me faut un être parfait, pas davantage! Je sais que vous n'êtes pas du pays; mais vous avez fait vos études à Paris, vous avez voyagé ensuite: peut-être connaissez-vous quelque part un honnête homme pauvre, instruit et bon, qui viendrait demeurer dans mon voisinage et qui tous les jours consacrerait deux ou trois heures à mon fils? Puisque je demeure ici … c'est l'histoire du grec et du latin, vous savez; pour le reste, je m'en charge.

      – J'espère trouver cela, et je vais m'en occuper tout de suite.

      – Comme vous êtes bon!.. Attendez! je l'aimerais plutôt vieux que jeune.

      – Vous avez raison.

      – Pourtant, si c'était un homme sérieux!.. Mais dans la jeunesse c'est bien rare, et puis ça ferait causer, et, bien que je me soucie peu des propos, il est inutile de devenir un sujet d'attention ou de risée quand on peut se faire oublier dans son coin.

      – Il me paraît difficile qu'on vous oublie, et je m'étonne de la tranquillité dont vous jouissez.

      – On est toujours tranquille quand on veut l'être. Pourtant j'ai à me débattre un peu contre mon ancien monde!

      – Votre ancien monde?

      – Oui, un monde avec lequel je n'ai pas de raisons pour rompre, mais dont j'aimerais à me délier tout doucement. Je ne suis pas madame Martin, je suis la marquise d'Elmeval.

      – Ah! mon Dieu, oui! Je vous reconnaissais bien! Je vous ai vue … une seule fois … un instant, chez…

      – Oui, oui, vous me connaissiez de vue, j'ai vu cela dans vos yeux l'autre jour. Je ne fais réellement pas mystère de mon nom; mais j'ai beaucoup de personnes de ma connaissance à Hyères, à Nice, à Menton et sur toute la côte, sans compter celles qui vont en Italie ou qui en reviennent. Toulon est un passage: je l'ai choisi parce que ce n'est pas la mode de s'y arrêter; mais, à force de venir me voir en passant on ne me laisserait plus seule, et que de questions, que de persécutions pour m'arracher à cette solitude! Vous savez! les gens qui ne comprennent la campagne qu'avec la vie de Paris ou la vie de château! On me trouverait bizarre d'avoir les goûts d'une bourgeoise; peut-être irait-on jusqu'à me traiter d'artiste, c'est-à-dire de tête folle, ou bien l'on supposerait que j'ai quelque intérêt de cœur bien mystérieux pour vivre ainsi dans une villa de troisième ordre, loin de toute région adoptée par la mode. – Et toutes ces questions, toutes ces insinuations, toutes ces critiques, tous ces étonnements devant mon enfant, qui, un beau matin, me dirait: «Ah çà! mère, tu es donc bizarre? Qu'est-ce que c'est?» Je vous confie mon secret; il ne pourra pas durer bien longtemps, mais ce sera toujours autant de pris, et, quand on viendra me crier: «Mais vous ne pouvez pas vivre ici; vous y mourrez! le climat tuera votre fils; comment! vous, habituée au luxe…» j'aurai le droit de répondre: «C'est le luxe qui tuait mon fils, et nous voilà ici depuis assez longtemps pour savoir que nous nous en trouvons bien.»

      – Vous pouvez compter sur ma discrétion. Sans doute votre famille sait où vous êtes?

      – Je n'ai plus de famille, docteur; aucun proche parent du côté de mon mari ni du mien. Quant à de vieux amis, bien bons et bien respectables, j'en ai, Dieu merci; mais ceux-là me comprennent et ne me tourmentent pas. Ils disent à Paris que je suis dans le Midi, et c'est si grand, le Midi! Personne ne me cherche jusqu'à présent, et c'est tout ce qu'il me faut. Je resterai ici tant qu'on m'y laissera en paix, et, si l'on m'y relance, j'irai dans quelque autre coin du pays. Le vent est un peu dur, le mistral me fatigue; mais Paul le boit comme un zéphyr, et je m'y habituerai. Je serai si heureuse et si fière, si je viens à bout de l'élever sans que son éducation soit abandonnée! C'était impossible dans le monde. Une puérile multitude de faux devoirs m'arrachaient à lui à toute heure; il me fallait le confier à des gens qui avaient une certaine valeur assurément, mais qui n'étaient pas moi. Il est assez curieux, il aime l'étude; mais il a besoin de mouvement, et il y avait toujours trop ou trop peu de l'un ou de l'autre. Ici, je peux lui mesurer la dose, et même fondre ensemble l'étude et l'exercice. J'apprends tout ce que j'ai à lui apprendre. J'ai des livres, je travaille un peu le soir, quand il est couché. Je tâche de m'instruire pour l'instruire à mon tour. Nous faisons de grandes promenades; nous étudions l'histoire naturelle en courant, et il y trouve un plaisir extrême, sans cesser d'être joueur et lutin. Quand vous m'aurez tranquillisé l'esprit sur les études classiques…

      – Je m'en occuperai dès ce soir.

      – Eh bien, merci, dit-elle en me tendant la main. Et à présent laissez-moi vous dire que je ne suis pas si indiscrète ou si légère que j'en ai l'air en acceptant vos soins et en réclamant vos services. On est toujours dans son droit quand on se fie à la bonté d'un cœur et à la raison d'une intelligence: or, je vous connais depuis longtemps.

      – Moi, madame?

      – Oui, vous! Est-ce que le baron de la Rive ne vous a jamais parlé de moi?

      – Plusieurs fois, au contraire.

      – Eh bien, il était tout simple qu'il me parlât de vous. Il est un de ces vieux amis dont je me vantais tout à l'heure, et, si vous ne m'avez rencontrée chez lui qu'une seule fois, lorsqu'il a été si malade il y a deux ans, c'est parce qu'à cette époque, ayant moi-même un malade à soigner, je ne devais pas sortir; mais le baron, depuis sa guérison, m'a écrit d'Italie. Il ne me sait pas encore ici, il ne savait pas que je vous y rencontrerais; il m'a dit vos soins pour lui, votre dévouement, votre mérite … et votre nom, que je ne savais pas mettre hier sur votre figure, mais que M. Aubanel m'a dit ce matin en me confirmant votre identité. Au revoir donc, et le plus souvent que vous pourrez!

      Tout cela était bien naturel, bien simplement dit, et avec la confiance d'une noble femme qui s'adresse à un homme sérieux. D'où vient donc qu'en descendant l'escalier rustique pour aller chez Pasquali, j'étais comme un enfant surpris par l'ivresse? Moi, d'une organisation si bien matée par la volonté, je sentais un feu inconnu monter СКАЧАТЬ