Tamaris. Жорж Санд
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Название: Tamaris

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ la petite redoute, je revoyais les vieux habits troués des volontaires de la République, et leurs armes, et leurs groupes pittoresques, et leurs bivacs, et la baraque des officiers … peut-être la palombière qui est là auprès dans une petite clairière gazonnée.

      – Et lui! s'écria la Florade, l'avez-vous vu, lui, le petit jeune homme pâle, avec son habit râpé, ses bottes percées, ses longs cheveux plats, son œil méditatif, son prestige de certitude et d'autorité déjà rayonnant sur son front, et cela sans orgueil, sans ambition personnelle, sans autre rêve de grandeur que le salut de la patrie? La plus belle page, la plus belle heure de sa vie peut-être! Mais il est trop beau quand on le voit là, et la foule aime mieux le voir drapé et couronné sur les monuments grecs et romains de l'Empire!

      Tout en causant avec le jeune lieutenant, je commis une grande faute que je me reprocherai toute ma vie. Je ne me bornai pas à lui parler du bon accueil que m'avait fait son parrain, je me laissai entraîner à lui parler avec enthousiasme de la voisine établie depuis peu au petit manoir de Tamaris. Je vis aussitôt ses yeux briller et ses paupières rougir jusqu'aux sourcils.

      – Ah! ah! lui dis-je, vous la connaissiez avant moi?

      – Je vous jure que je n'en ai jamais entendu parler. Il y a deux ou trois mois que je n'ai été voir Pasquali, et vous m'apprenez que le gaillard a une belle voisine; mais je vous réponds bien que, s'il en rêve la nuit, c'est sous la forme d'un poulpe caché entre deux roches. Voyons, voyons! parlez-moi de cette beauté mystérieuse: une grande dame, vous dites?

      – J'ai dit l'air d'une grande dame; mais elle s'appelle d'un nom plébéien.

      – Ça m'est bien égal! il n'y a pour moi de noblesse que celle du type. Une batelière est une reine, si elle a l'air d'une reine.

      – Comment se nomme-t-elle?

      – Qui?

      – La batelière qui vous fait roi?

      – Il n'est pas question d'elle. Parlez-moi de la voisine à Pasquali. Quel âge?

      – Quarante-cinq ans, répondis-je pour me divertir de son désenchantement.

      – J'y perdis ma peine.

      – Quarante-cinq ans, c'est beaucoup, si elle les a, reprit-il; mais, si elle a vingt-cinq ans sur la figure, c'est comme si elle les avait sur son acte de naissance.

      – Comme vous prenez feu, mon petit ami! Je vois que vous êtes comme tous ces rassasiés que vous méprisez tant. La plus belle des femmes est pour vous celle que vous rêvez.

      – Oh! ma foi, non, je vous jure que non! La plus belle est celle qui me plaît; mais, si vous êtes peintre, ce n'est pas ma faute! Si vous me montrez un portrait qui me tourne la tête! On peut s'éprendre à la folie d'un portrait. Cela se voit dans tous les contes de fées, et la jeunesse se passe dans le pays des fées. J'irai demain à Tamaris. Je suis sûr que Pasquali jure après moi, parce que je l'abandonne!

      Le lendemain, il était à Tamaris; il en revint sans avoir aperçu la dame. Elle était partie dès le matin en voiture, avec son enfant, pour une promenade dont M. Pasquali ignorait le but. Les devoirs du service ne permettaient pas à la Florade d'attendre qu'elle rentrât. Il était désappointé, un peu rêveur, aussi contrarié que le permettait son caractère ouvert et riant.

      – Il n'est pas possible, lui dis-je, que le regret de n'avoir pas vu cette inconnue vous pénètre à ce point. Cette aventure-là en cache une autre, n'est-ce pas?

      – Ma foi, non! répondit-il. Parlons de la batterie des hommes sans peur.

      – Ah! bien, c'est-à-dire ne me faites pas de questions!

      Deux jours après, M. Aubanel, l'avoué, que je consultais pour ma vente, et qui était précisément le propriétaire de la bastide Tamaris, m'engagea à ne pas vendre mon terrain à mademoiselle Roque, la fille naturelle de mon défunt parent. Il motiva ce conseil sur ce que la pauvre héritière était bien capable de se faire illusion sur ses ressources, mais non de jamais rembourser.

      Il m'est si odieux de me faire faire droit au préjudice d'une personne gênée, tant d'occupations plus intéressantes pour moi me rappelaient dans ma province, que j'eusse, à coup sûr, abandonné tout à mademoiselle Roque ou à mon ami la Florade, si cette mince affaire n'eût concerné que moi; mais ma famille, fière et discrète, était pauvre. Mon père n'était plus, et ma mère rêvait de ces quinze mille francs pour doter ma jeune sœur. Tout est relatif; cela avait donc de l'importance pour nous, et je résolus de m'en rapporter entièrement aux sages avis de M. Aubanel. Je ne pus cependant me défendre de lui demander si mademoiselle Roque était une personne digne d'intérêt.

      – Je n'en sais rien, répondit-il. Elle a été élevée si singulièrement, que personne ne la connaît. Et puis … Permettez-moi de ne pas m'expliquer davantage; je craindrais de faire un propos hasardé. Voyez vous-même si elle vous intéresse.

      – Je ne sais pas pourquoi elle m'intéresserait, répondis-je. Vendez mon terrain, et renvoyez-moi le plus tôt possible.

      Une difficulté arrêtait M. Aubanel. La petite propriété perdait beaucoup à être divisée. Il eût voulu me faire acheter l'autre moitié, ou tout au moins persuader à mademoiselle Roque, dans notre commun intérêt, de vendre sa part indivise avec la mienne. Il me promit de s'occuper de cette solution, et me proposa de m'emmener à Tamaris, où il devait se rendre le jour même; mais je n'étais pas libre. Je promis de l'y rejoindre le lendemain.

      Je m'y rendis cette fois par la Seyne, dont le port est à l'entrée nord de la presqu'île ou promontoire du cap Sicier. Tamaris est sur le versant oriental.

      Ce coin de terre, où j'ai tant erré depuis, et que je connais si bien à présent, est la pointe la plus méridionale que la France pousse dans la Méditerranée, car la presqu'île de Giens, auprès des îles d'Hyères, est un doigt presque détaché, tandis que ceci est une main dont le large et solide poignet est bien soudé au corps de la Provence. Cette main s'est en partie fermée, abandonnant au flot qui la ronge deux de ses doigts mutilés, la presqu'île du cap Cépet, qui formait son index, et les îlots des Ambiers, qui sont les phalanges rompues de son petit doigt. Son pouce écourté ou rentré est la pointe de Balaguier, qui protége la petite rade de Toulon d'un côté, de l'autre le golfe du Lazaret et, par conséquent, le quartier de Tamaris. Ceci n'est pas une comparaison poétique: rien n'enlaidit la nature comme de comparer sa grandeur à notre petitesse; c'est tout simplement une indication géographique nécessaire pour dessiner à l'œil le mouvement d'un littoral labouré et déchiré par de grands accidents géologiques.

      Cette presqu'île, tournée vers l'Afrique, n'a pas de nom qui la caractérise. Dans le Var, il ne faut pas beaucoup espérer retrouver l'orthographe des noms propres; chacun les arrange à sa fantaisie, et beaucoup de localités en ont plusieurs à choisir. Les cartes nouvelles sont, sur beaucoup de points, en plein désaccord avec les anciennes pour spécifier les criques, les calangues, les caps, les pointes, les écueils et les îlots. Il paraît que le cap Sicier lui-même, ce beau bastion naturel qui brise l'effort d'une mer furieuse, et dont le front, souvent couronné de nuages, préserve Toulon des vents de sud-ouest, a perdu son nom. Conservons-le-lui quand même et donnons-le à tout le promontoire, d'environ trois lieues de long sur autant de large, qui s'étend de la Seyne à Saint-Nazaire, et de la route de Marseille à la pointe des Jonquiers.

      Tamaris est situé dans la courbe décrite entre le pouce tronqué et l'index déchiré. On voit dès lors que de la Seyne, située à la jointure du poignet, j'avais peu de distance à parcourir pour m'y rendre par СКАЧАТЬ