Tamaris. Жорж Санд
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Tamaris - Жорж Санд страница 8

Название: Tamaris

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ dans des conditions peut-être meilleures que celles où je vous vois?

      – Oui, oui; mais écoutez: je veux bien vendre, mais je ne veux pas quitter la bastide.

      – Comment! vous y tenez, à cette horrible masure qui vous rappelle à toute heure de si tragiques souvenirs?

      – Où voulez-vous que j'aille? Je n'ai jamais habité d'autre maison. Je me trouve bien où je suis née. Je ne suis pas loin de l'église pour dire mes prières, et, quant à mon pauvre papa, je ne veux pas l'oublier.

      Je trouvai une certaine grandeur d'âme dans cette stupidité de caractère, et, bien que cette fille de seize ans, qui paraissait en avoir vingt-cinq, n'exerçât sur mes sens aucune espèce de fascination, je me promis de la servir malgré elle du mieux que je pourrais.

      – Est-ce que vous reviendrez? me dit-elle en me reconduisant jusqu'au bas de l'escalier.

      – Si cela peut vous être utile, oui.

      – Ne revenez pas, reprit-elle sans aucun embarras. Je vous remercie d'être venu; mais, une autre fois, si vous avez quelque chose à me dire, il faudra m'envoyer le vieux Pasquali.

      – Ou vous écrire?

      – Oh! c'est inutile, reprit-elle en souriant sans confusion aucune, je ne sais pas lire!

      Je m'en allai stupéfait. Je venais de voir un être tout exceptionnel probablement, et comme une anomalie de type et de situation. Je m'expliquai ce phénomène en me rappelant que c'était la fille d'une sorte d'esclave amenée par un Turc ou un Persan à Marseille, et d'un homme atteint peut-être depuis longtemps de la monomanie la plus sinistre. Je m'expliquai pourquoi Pasquali m'avait dit d'elle:

      «C'est une grosse endormie.» Pourtant cette endormie avait un ami de cœur, un amant peut-être. N'était-ce pas à lui d'arranger ses affaires et de veiller sur son sort? Il la négligeait, au dire de la négresse; mais il ne l'abandonnait pas, puisqu'il était jaloux et que je ne devais pas revenir.

      Je quittai avec empressement cette lugubre bastide, et je ne me retournai pas pour la regarder. J'étais bien sûr de la trouver plus hideuse depuis que je savais la catastrophe dont elle avait été le théâtre, et que sans doute elle avait provoquée en partie par sa laideur. Il est des lieux qu'on n'habite pas impunément. Je me croisai dans le sentier avec le fermier ou régisseur de mademoiselle Roque et sa fille, assez jolie, vêtue de haillons immondes comme toutes les paysannes des environs. Il m'aborda en me demandant si j'étais le propriétaire de la moitié qu'il cultivait encore, et si je voulais le garder. Je lui demandai s'il avait un bail; mais il me répondit d'une façon évasive ou préoccupée. Lui aussi semblait atteint de spleen ou d'imbécillité. Sa fille prit pour lui la parole.

      – Mon père ne comprend pas beaucoup le français, dit-elle d'une voix glapissante; il ne sait que le provençal. Pauvre homme, il est en peine et nous de même! Nous avons perdu la pauvre maman il y a quinze jours. Pauvres de nous! elle nous fait bien faute, elle avait du courage, oui. Il n'y a plus que nous pour servir la demoiselle et la vieille sorcière noire, qui n'est plus bonne à rien. C'est de l'ouvrage, allez! des femmes qui ne s'aident non plus que deux pierres! Et aller aux champs, et tout faire, et gagner si peu! Bonsoir, monsieur, il faudra avoir égard à nous, qui sommes les plus à plaindre!

      Après ce discours, débité avec une volubilité effrayante, elle remit sur sa tête un paquet de bruyère coupée et suivit son père, qui était déjà loin.

      A peine eus-je repris le chemin de Tamaris, que je vis M. Aubanel venir à ma rencontre.

      – Retournons, me dit-il; vous voilà, sans le savoir, tout près de votre propriété; je vais vous y conduire.

      – Oh! grand merci! m'écriai-je, j'en viens, et j'en ai assez!

      Et je lui racontai mon aventure, sans lui parler de ce que je croyais devoir lui taire; mais il me prévint.

      – Ne vous inquiétez pas tant de sa position, me dit-il; mademoiselle Roque a une liaison. J'en suis sûr à présent, la fille de son fermier a causé avec la femme du mien. On ne sait pas encore le nom du personnage. Il vient, le soir, bien emmitouflé; mais, quoiqu'il ne soit pas très-assidu, il paraît qu'il a l'intention d'acheter votre part pour la lui donner. Attendez les événements, et ne vous montrez pas trop coulant avant de savoir à qui nous avons affaire. Or donc, venez vous reposer chez moi et vous rafraîchir.

      Au bas de la colline de Tamaris, nous vîmes accourir Paul, l'enfant de la charmante locataire de M. Aubanel. Il se jeta dans mes bras, et je le portai jusqu'en haut en excitant son babil. Il était beau comme sa mère, aimable et sympathique comme elle. Aubanel me fit l'éloge de madame Martin, dont il était déjà l'ami, disait-il. Aimable et sympathique lui-même, il pouvait être cru sur parole; mais je remarquai qu'en prononçant son nom, il eut un certain sourire de réticence: elle ne s'appelait pas réellement madame Martin, cela devenait évident pour moi.

      Comme je souriais aussi, il ajouta:

      – Vous croyez donc qu'elle ne s'appelle pas Martin?

      – Vous ne le croyez pas plus que moi.

      – C'est vrai, je sais son nom; mais j'ai promis de ne pas le dire.

      Il me fit entrer dans le pied-à-terre qu'il s'était réservé dans sa maison et qui avait une entrée du côté opposé aux appartements de sa locataire.

      – Savez-vous, me dit-il en me forçant à boire du vin de Chypre, que votre ami la Florade est déjà venu faire l'Almaviva sous les fenêtres du rez-de-chaussée? Mais il a perdu son temps, et le voisin Pasquali s'est fièrement moqué de lui!

      – C'est donc un séducteur, ce lieutenant?

      – Eh! oui, et dangereux même!

      – Ce n'est pourtant pas un roué, je vous jure; il a trop de cœur et d'esprit…

      – C'est pour cela. Je le sais bien, qu'il est charmant, et il a un grand attrait pour les femmes, c'est qu'il les aime toutes.

      – Toutes?

      – Toutes celles qui sont jolies.

      – Et il les aime toutes à la fois?

      – Ça, je n'en sais rien. On le dit, mais j'en doute; seulement, je sais que la succession est rapide, et qu'il s'enflamme comme l'étoupe.

      – Mais vous pensez que madame Martin…?

      – N'est pas pour son nez, je vous en réponds!

      – Elle est trop haut placée?..

      – Vous voulez me faire parler, vous n'y réussirez pas!

      – Est-ce que j'insiste?

      – Non; mais vous courez des bordées autour de moi; or, je suis un rocher, vous ne pourrez pas m'attendrir.

      M. Aubanel était vif et enjoué, et le secret n'avait sans doute pas une grande importance, car il mourait d'envie de me le confier; mais, au moment de profiter de l'occasion, je m'arrêtai, saisi d'un respect instinctif pour cette femme que j'avais vue un quart d'heure et qui m'avait pénétré de je ne sais quel enthousiasme religieux.

      Aubanel remarqua ma réserve subite, s'en amusa, et prétendit que j'étais amoureux d'elle.

      – Je СКАЧАТЬ