Tamaris. Жорж Санд
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Название: Tamaris

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ cette femme! Pourquoi l'aimer, moi qui à trente ans avais su me défendre de tout ce qui pouvait me distraire de mes devoirs et entamer ma persévérance et ma raison? Cet impétueux la Florade m'avait-il inoculé sa fièvre de vie et d'audace? Mais cela ne m'allait pas du tout, et je me sentais ridicule sous cette peau de lion!

      Pasquali était sur sa barque, à peu de brasses du rivage. Il vint me prendre, et, m'expliquant tous ses engins de pêche et la manière de s'en servir, il m'emmena à quelque distance. Il ne pêchait guère que des poulpes et des coquillages: il n'y a pas de bons poissons dans ce golfe sans profondeur, et sa pêche était une affaire d'art et de ruse, sans aucun but d'utilité personnelle. Il n'y goûtait jamais et donnait tout aux pêcheurs de la côte, qui n'étaient pas moins jaloux pour cela de son habileté, et prétendaient qu'il dépeuplait leurs eaux avec ses malices. Il se servait principalement d'un long roseau tout simplement taillé par un bout, en croix double ou simple. Les bouts écartés du roseau forment ainsi une sorte de pince que l'on applique lestement et adroitement sur le coquillage aperçu au fond de l'eau. On l'y fixe en appuyant; les aspérités de la coquille se prennent aux bouts du roseau, qui tendent à se rejoindre, et on ramène la proie bien entière et bien vivante. La chasse aux poulpes et aux calmars est plus savante. Ces animaux sont méfiants, voient et entendent on ne peut mieux: ils savent se cacher ou fuir rapidement. Pasquali avait l'œil d'une mouette, pour voir au fond de l'eau et pour distinguer dans les algues une patte mal rentrée, que j'aurais cent fois prise pour un bout de plante marine.

      Je m'amusai une heure avec lui de ses prises intéressantes, de ces étranges polypes qui s'épanouissent comme une fleur à la surface de l'eau, et qui rentrent tout à coup dans leur tige, de ces moules délicates, appelées dattes de mer, qui habitent le cœur des plus durs rochers, où elles savent se creuser une demeure dont il ne leur est plus possible ni nécessaire de sortir, l'eau pénétrant leurs galeries et leur apportant la nourriture. Les rochers de calcaire compacte forés par ces patients coquillages arrivent à représenter un gâteau de cire travaillé par les abeilles. J'aurais pourtant mieux aimé parler de madame Martin; mais Pasquali était trop absorbé pour me répondre. Couché à plat ventre sur sa barque, le corps penché sur l'eau et les bras étendus pour manœuvrer son roseau, il ressemblait au féral de proue d'une gondole vénitienne.

      Quand je le quittai au bout de deux heures, j'avais retrouvé l'équilibre de mes idées. Je m'étais rappelé avec quel respect M. de la Rive m'avait parlé à diverses reprises de la vie austère et méritante de madame d'Elmeval. C'était à ce point que, sans connaître les particularités de son caractère et de sa situation, j'avais à peine osé la regarder lorsque je l'avais rencontrée chez lui. Je traversai la colline de Tamaris à distance craintive de la maison, et sans vouloir observer si les fenêtres étaient ouvertes. Il faisait encore chaud. Je fus donc étonné, après que j'eus dépassé la bastide Roque, de voir marcher devant moi un homme enveloppé d'un burnous et la tête cachée comme un blessé ou un malade. Il marchait vite et sans voir ni entendre que j'étais derrière lui. Quand nous nous trouvâmes près de la Seyne, dans un endroit très-encaissé, auprès d'une petite voûte de terre et de verdure formée par le cours d'un égout pluvial, il s'enfonça sous cet abri, se débarrassa de son burnous, qu'il mit sous son bras, et se trouva en face de moi au moment où il reprenait la voie. Je fus très-surpris: c'était la Florade.

      Il faut croire que j'étais déjà envahi à mon insu par une passion insensée; car, au lieu de l'aborder avec satisfaction comme de coutume, je sentis en moi un mouvement de jalousie amère, et une seule idée me vint à l'esprit: c'est qu'il venait encore de rôder autour de Tamaris, peut-être de voir la marquise et de lui parler ou d'attirer son attention.

      La Florade ne comprit rien à ma figure bouleversée, sinon que la fantaisie de sa promenade en capuchon par un si beau temps m'étonnait beaucoup. Il se hâta, après m'avoir serré la main avec autant de cordialité que de coutume, de me dire qu'il avait été pris le matin d'une insupportable névralgie dans l'oreille, et qu'il venait de se guérir en se promenant au soleil la tête empaquetée.

      – Je suis sujet à cela, ajouta-t-il; mais je sais le remède, et pour moi il est infaillible: porter le sang à la tête.

      – C'est très-ingénieux! lui répondis-je d'un ton probablement assez aigre, car il en fut frappé et me demanda brusquement ce que j'avais.

      – Peut-être une douleur d'oreille aussi! repris-je du même ton maussade.

      Mais je me sentis parfaitement ridicule, et j'essayai de simuler l'enjouement en lui faisant entendre que je n'étais pas sa dupe, et que son capuchon arabe ne couvrait pas une ruse digne d'un Arabe, mais une très-peu discrète entreprise sous quelque balcon d'alentour.

      – Ah çà! qu'est-ce qui vous prend? répondit-il en s'arrêtant à l'entrée du chemin de la Seyne à Balaguier. On dirait que vous avez de l'humeur. De qui êtes-vous, en ce pays si nouveau pour vous, le garde du corps ou le chevalier?

      Après l'échange de quelques plaisanteries un peu acides, il me prit le bras en me disant:

      – Mon cher docteur, il y a ici un quiproquo; je n'ai été hier qu'à Tamaris, et vous, vous avez été aujourd'hui ailleurs qu'à Tamaris, n'est-ce pas?

      La lumière se fit.

      – Ah! m'écriai-je, c'est de la bastide Roque que vous venez?

      Comme il s'en défendait, je lui racontai l'indiscrétion de la négresse, les propos des paysans et la coïncidence d'un personnage mystérieusement emmitouflé avec l'accoutrement dont il venait de se débarrasser. Il rêva quelques instants, et, regardant sa montre:

      – J'ai encore une heure de liberté, dit-il; et vous?

      – Et moi aussi.

      – Voulez-vous que nous prenions par ici, à droite, un sentier qui nous reconduit au pied du fort? La promenade est jolie, et je pourrai causer avec vous.

      Nous traversâmes un champ et gravîmes le revers de la colline qui regarde l'ouest par un escalier dans des schistes lilas, à travers les arbres et les buissons. Il n'était pas facile de causer sur une pente si roide; mais, quand nous eûmes gagné un joli coin herbu, en vue de la mer, sous les cytises, nous nous arrêtâmes, et la Florade me parla ainsi:

      – J'aime autant vous dire tout. Vous êtes un homme sérieux, vous serez discret, et puis vous me donnerez un bon conseil. J'en ai besoin. Je ne suis pas l'amant de la personne que vous avez vue, et je ne le serai pas, je vous en donne ma parole d'honneur. Si je l'avais rencontrée dans son pays, je ne me serais pas fait grand scrupule d'être le premier ami d'une fille de seize ans. A cet âge-là, les femmes de l'Orient d'une certaine classe savent fort bien ce qu'elles font, et comptent pour l'avenir sur une succession plus ou moins florissante d'amis de passage. L'opinion n'est pas sévère pour elles, car elles trouvent fort bien à se marier dans leur race, surtout quand elles ont mis de côté quelque argent.

      » J'aurais donc pu aimer Nama sans avoir de grave reproche à me faire; mais je n'aurais pas fait la sottise de l'enlever à son milieu pour la transplanter dans le mien, comme M. Roque a enlevé la mère de Nama à un riche musulman en voyage pour la transplanter dans sa triste bastide; on ne peut pas s'attacher à ces femmes déclassées et dépaysées qui sont vieilles à vingt ans, et qui, n'ayant rien de commun avec nous dans l'esprit et dans les habitudes, ne sont ni des compagnes ni des servantes. Une des, causes de la mélancolie noire à laquelle a succombé votre vieux parent – je sais qu'on vous a tout dit – est certainement cette association impossible qu'il a eu la charité de ne pas rompre, mais qui lui a pour ainsi dire ôté peu à peu la moitié de son cœur et de son cerveau.

      »Or, je ne veux pas faire comme lui. Je ne veux pas vivre conjugalement avec Nama; mais СКАЧАТЬ