Œuvres complètes de lord Byron, Tome 8. George Gordon Byron
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СКАЧАТЬ il persiste toujours dans sa première déposition; voilà tout ce que je sais.

MEMMO

      Et cela est beaucoup; pour nous, premiers patriciens de la république, les secrets de cette terrible chambre sont des mystères comme pour le dernier citoyen.

SÉNATEUR

      Seulement, quelques rumeurs qui (semblables aux contes de revenans reconnus dans l'ombre des bâtimens en ruines) n'ont jamais été prouvées ni entièrement démenties: ici les hommes connaissent aussi peu les véritables actes du pouvoir que les mystères informes de la tombe.

MEMMO

      Mais, avec le tems, nous faisons un pas dans cette initiation; et j'ai l'espoir un jour d'être décemvir.

SÉNATEUR

      Ou même doge…

MEMMO

      Pourquoi pas? non, cependant, si je puis m'en dispenser.

SÉNATEUR

      C'est la première magistrature de l'état; on peut y aspirer légitimement, et de nobles rivaux peuvent se glorifier d'y atteindre.

MEMMO

      Je leur laisse cette prétention. Né patricien, mon ambition toutefois a des limites: j'aimerais mieux être l'un des membres égaux de l'impérial conseil des Dix, que de briller d'un éclat solitaire et comme un zéro couronné. – Mais qui s'approche? la femme de Foscari.

(Entre Marina avec une suivante.)MARINA

      Eh quoi! personne? – Je me trompe, ils sont encore deux; mais ce sont des sénateurs.

MEMMO

      Qu'ordonnez-vous de nous, noble dame?

MARINA

      Moi, ordonner! hélas! ma vie n'a été qu'une longue prière, et une prière inutile.

MEMMO

      Je comprends, mais je ne dois pas répondre.

MARINA, avec dédain

      En effet, – on n'ose répondre ici qu'à la torture, on n'ose interroger que ceux-

MEMMO, l'interrompant

      Femme imprudente! songez-vous où vous êtes en ce moment?

MARINA

      En ce moment! – je suis où fut le palais du père de mon époux.

MEMMO

      Vous êtes dans le palais du Doge.

MARINA

      Et dans la prison de son fils. – Non, je ne l'ai pas oublié; et si je n'en trouvais pas ici des souvenirs plus intimes et plus amers, je rendrais grâce à l'illustre Memmo de me rappeler les délices de cet endroit.

MEMMO

      Soyez calme!

MARINA, levant les yeux au ciel

      Je le suis; mais toi, Dieu tout-puissant, peux-tu bien l'être également, en voyant un monde pareil?

MEMMO

      Votre mari peut encore être absous.

MARINA

      Il l'est, mais dans le ciel. Je vous en prie, seigneur sénateur, ne parlez pas de cela. Vous êtes un homme d'état, ainsi que le Doge; en ce moment même il a sur le chevalet un fils, et moi un époux: ils sont là, face à face, l'un comme juge, l'autre comme accusé. – Pensez-vous qu'il le condamne?

MEMMO

      Je ne le crois pas.

MARINA

      Mais s'il ne le fait pas, les autres ne les condamneront-ils pas tous deux?

MEMMO

      Ils le peuvent.

MARINA

      Et pour eux, quand il s'agit d'un crime exécrable, pouvoir et vouloir sont la même chose: – mon époux est perdu!

MEMMO

      Ne dites pas cela; à Venise, c'est la justice qui juge.

MARINA

      Ah! s'il en était ainsi, il n'y aurait plus aujourd'hui de Venise! Qu'elle existe, mais du moins que les hommes de bien ne meurent pas avant l'heure prescrite par la nature. Pourquoi faut-il que les Dix soient plus impatiens qu'elle, et qu'ils décident en ce moment de notre sort? Ah ciel! un cri de détresse!

(On entend un cri douloureux.)SÉNATEUR

      Écoutez!

MARINA

      C'est un cri de-Non, non, ce n'est pas mon mari, ce n'est pas la voix de Foscari.

MEMMO

      Cependant-

MARINA

      Non, ce n'est pas la sienne. Non, non; lui, pousser des cris! c'est le rôle de son père: mais lui-il mourra en silence.

(On entend un nouveau hurlement.)MEMMO

      Comment! encore?

MARINA

      C'est bien sa voix! je crois la reconnaître: je ne l'aurais pas cru. Toutefois se plaindrait-il, je ne puis cesser de l'aimer; mais-non, non. – Hélas! ce doit être une bien terrible angoisse, celle qui put lui arracher un gémissement.

SÉNATEUR

      Mais vous qui sentez les injures de votre mari comme les vôtres, voudriez-vous qu'il supportât en silence des douleurs plus que mortelles?

MARINA

      Chacun de nous a ses douleurs. Grâce à moi, et quand ils arracheraient la vie au Doge et à son fils, la grande maison de Foscari ne s'éteindra pas. En donnant la vie à ceux qui leur succéderont, j'ai enduré des douleurs comparables à celles qui la leur feront perdre: mais les miennes étaient de douces angoisses; et cependant, telle était leur violence que j'aurais pu jeter des cris. Je ne l'ai pas fait, car j'avais l'espoir d'enfanter un héros, et je n'aurais pas voulu l'accueillir avec des larmes.

MEMMO

      Tout se tait maintenant.

MARINA

      Tout est fini peut-être; mais je ne veux pas le croire: il a réuni toutes ses forces, et sans doute il les défie en ce moment.

(Un officier entre brusquement.)MEMMO

      Eh quoi! mon ami, que cherchez-vous?

OFFICIER

      Un médecin. Le prisonnier s'est trouvé mal.

(L'officier sort.)MEMMO

      Vous feriez bien, madame, de vous retirer.

SÉNATEUR, lui offrant son bras

      Je vous en prie, suivez ce conseil.

MARINA

      Non, non; je veux le secourir.

MEMMO

      Vous, madame? oubliez-vous que personne n'a le droit de pénétrer dans ces chambres, à l'exception des Dix et de leurs familiers?

MARINA

      Oui, je sais que nul de ceux qui entrent ne revient comme il est entré, – que la plupart ne retournent jamais; mais ils ne pourront refuser de me voir.

MEMMO

      Hélas! vous n'éprouverez qu'un dur refus, une incertitude plus grande encore.

MARINA

      Et qui m'arrêtera?

MEMMO

      Ceux que leur devoir y oblige.

MARINA

      Est-ce leur devoir de fouler aux pieds tous les sentimens de l'humanité, et tous les liens qui enchaînent l'homme à l'homme; de rivaliser ici-bas avec les démons qui plus tard réclameront le droit de les plonger dans un abîme de tortures! Quoi qu'il en soit, j'avancerai.

MEMMO

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