Название: Œuvres complètes de lord Byron, Tome 8
Автор: George Gordon Byron
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Et cela est beaucoup; pour nous, premiers patriciens de la république, les secrets de cette terrible chambre sont des mystères comme pour le dernier citoyen.
Seulement, quelques rumeurs qui (semblables aux contes de revenans reconnus dans l'ombre des bâtimens en ruines) n'ont jamais été prouvées ni entièrement démenties: ici les hommes connaissent aussi peu les véritables actes du pouvoir que les mystères informes de la tombe.
Mais, avec le tems, nous faisons un pas dans cette initiation; et j'ai l'espoir un jour d'être décemvir.
Ou même doge…
Pourquoi pas? non, cependant, si je puis m'en dispenser.
C'est la première magistrature de l'état; on peut y aspirer légitimement, et de nobles rivaux peuvent se glorifier d'y atteindre.
Je leur laisse cette prétention. Né patricien, mon ambition toutefois a des limites: j'aimerais mieux être l'un des membres égaux de l'impérial conseil des Dix, que de briller d'un éclat solitaire et comme un zéro couronné. – Mais qui s'approche? la femme de Foscari.
Eh quoi! personne? – Je me trompe, ils sont encore deux; mais ce sont des sénateurs.
Qu'ordonnez-vous de nous, noble dame?
Moi, ordonner! hélas! ma vie n'a été qu'une longue prière, et une prière inutile.
Je comprends, mais je ne dois pas répondre.
En effet, – on n'ose répondre ici qu'à la torture, on n'ose interroger que ceux-
Femme imprudente! songez-vous où vous êtes en ce moment?
En ce moment! – je suis où fut le palais du père de mon époux.
Vous êtes dans le palais du Doge.
Et dans la prison de son fils. – Non, je ne l'ai pas oublié; et si je n'en trouvais pas ici des souvenirs plus intimes et plus amers, je rendrais grâce à l'illustre Memmo de me rappeler les délices de cet endroit.
Soyez calme!
Je le suis; mais toi, Dieu tout-puissant, peux-tu bien l'être également, en voyant un monde pareil?
Votre mari peut encore être absous.
Il l'est, mais dans le ciel. Je vous en prie, seigneur sénateur, ne parlez pas de cela. Vous êtes un homme d'état, ainsi que le Doge; en ce moment même il a sur le chevalet un fils, et moi un époux: ils sont là, face à face, l'un comme juge, l'autre comme accusé. – Pensez-vous qu'il le condamne?
Je ne le crois pas.
Mais s'il ne le fait pas, les autres ne les condamneront-ils pas tous deux?
Ils le peuvent.
Et pour eux, quand il s'agit d'un crime exécrable, pouvoir et vouloir sont la même chose: – mon époux est perdu!
Ne dites pas cela; à Venise, c'est la justice qui juge.
Ah! s'il en était ainsi, il n'y aurait plus aujourd'hui de Venise! Qu'elle existe, mais du moins que les hommes de bien ne meurent pas avant l'heure prescrite par la nature. Pourquoi faut-il que les Dix soient plus impatiens qu'elle, et qu'ils décident en ce moment de notre sort? Ah ciel! un cri de détresse!
Écoutez!
C'est un cri de-Non, non, ce n'est pas mon mari, ce n'est pas la voix de Foscari.
Cependant-
Non, ce n'est pas la sienne. Non, non; lui, pousser des cris! c'est le rôle de son père: mais lui-il mourra en silence.
Comment! encore?
C'est bien sa voix! je crois la reconnaître: je ne l'aurais pas cru. Toutefois se plaindrait-il, je ne puis cesser de l'aimer; mais-non, non. – Hélas! ce doit être une bien terrible angoisse, celle qui put lui arracher un gémissement.
Mais vous qui sentez les injures de votre mari comme les vôtres, voudriez-vous qu'il supportât en silence des douleurs plus que mortelles?
Chacun de nous a ses douleurs. Grâce à moi, et quand ils arracheraient la vie au Doge et à son fils, la grande maison de Foscari ne s'éteindra pas. En donnant la vie à ceux qui leur succéderont, j'ai enduré des douleurs comparables à celles qui la leur feront perdre: mais les miennes étaient de douces angoisses; et cependant, telle était leur violence que j'aurais pu jeter des cris. Je ne l'ai pas fait, car j'avais l'espoir d'enfanter un héros, et je n'aurais pas voulu l'accueillir avec des larmes.
Tout se tait maintenant.
Tout est fini peut-être; mais je ne veux pas le croire: il a réuni toutes ses forces, et sans doute il les défie en ce moment.
Eh quoi! mon ami, que cherchez-vous?
Un médecin. Le prisonnier s'est trouvé mal.
Vous feriez bien, madame, de vous retirer.
Je vous en prie, suivez ce conseil.
Non, non; je veux le secourir.
Vous, madame? oubliez-vous que personne n'a le droit de pénétrer dans ces chambres, à l'exception des Dix et de leurs familiers?
Oui, je sais que nul de ceux qui entrent ne revient comme il est entré, – que la plupart ne retournent jamais; mais ils ne pourront refuser de me voir.
Hélas! vous n'éprouverez qu'un dur refus, une incertitude plus grande encore.
Et qui m'arrêtera?
Ceux que leur devoir y oblige.
Est-ce leur devoir de fouler aux pieds tous les sentimens de l'humanité, et tous les liens qui enchaînent l'homme à l'homme; de rivaliser ici-bas avec les démons qui plus tard réclameront le droit de les plonger dans un abîme de tortures! Quoi qu'il en soit, j'avancerai.
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