Название: Œuvres complètes de lord Byron, Tome 8
Автор: George Gordon Byron
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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J'en courrai les chances.
Quoi! de la bienveillance! – Jusqu'alors j'avais trouvé quelques indices de pitié, mais de miséricorde, jamais; voici le premier.
Et le dernier peut-être, si ceux qui gouvernent nous entendaient.
Il en est un qui vous entend: ne crains rien cependant, je ne veux être ton juge ni ton accusateur; et bien que l'heure soit passée, attends ici leur dernier appel. – Je suis des Dix, et je ne m'arrête ici que pour justifier votre retard: quand le dernier avis te parviendra, j'aurai franchi la porte du conseil. – Surveille exactement le prisonnier.
Quelle est cette voix? – celle de Barbarigo! Ciel! l'ennemi de notre maison est du petit nombre de mes juges!
Mais pour balancer l'influence d'un tel ennemi, si toutefois il mérite ce nom, ton père n'est-il pas également au nombre de tes juges?
En effet, il juge.
N'accuse donc pas la rigueur des lois, quand elles vont jusqu'à permettre à un père de déposer son vote dans une affaire qui intéresse si gravement le salut de l'état.
Oui, et de son fils. Je me trouve mal; permettez-moi, je vous prie, de prendre un instant l'air à cette fenêtre qui donne sur les flots.
Laissez-le approcher. Je ne dois pas m'arrêter près de lui davantage; j'ai même, dans ce court entretien, oublié mes devoirs; il faut que j'aille me racheter dans la chambre du conseil.
La voilà ouverte, seigneur. – Comment vous trouvez-vous?
Comme un enfant. – O Venise! Venise!
Et vos membres?
Mes membres! Oh! que de fois ils m'ont soutenu sur cette plaine d'azur, où je devançais le rapide sillon de la gondole! Que de fois, masqué comme un jeune batelier, entouré de mes compagnons, gais et nobles comme moi, nous nous plaisions à lutter sur ces flots d'enjouement et de bonne grâce! Alors mille beautés ravissantes nous animaient de leurs aimables sourires; nous entendions leurs vœux passionnés; nous distinguions, de nos brillans esquifs, leurs mouchoirs ondoyans, leurs mains retentissantes! Oh! que de fois, d'un bras plus robuste, d'un sein plus téméraire encore, j'ai fendu ces vagues impétueuses! Alors, avec l'adresse du nageur, je secouais mon humide chevelure; en riant, je chassais loin de mes lèvres les vagues qui semblaient, en les pressant, caresser une coupe. Plus elles s'élevaient, plus je semblais aisément les surmonter, et plus j'étais fier de l'espèce de trône qu'elles me dressaient. Souvent, dans mon ardeur téméraire, je plongeais dans leurs gouffres de verdure et de cristal; je m'ouvrais un chemin jusqu'aux coquillages, jusqu'aux algues marines, que les spectateurs n'apercevaient du rivage qu'à l'instant où ils ne tremblaient plus pour moi: puis je revenais la main chargée des preuves irrécusables de ma longue course; d'un élan rapide et vigoureux je reparaissais à la surface, je tirais un profond soupir emprisonné si long-tems dans ma poitrine; j'essuyais l'écume qui bouillonnait autour de moi, et, comme un oiseau de mer, je reprenais tranquillement ma course. – J'étais alors un enfant.
Soyez homme maintenant: jamais vous n'avez eu plus besoin d'un mâle courage.
O Venise! ma belle, mon unique patrie! – Je sens donc que je respire! comme ta brise, ta brise adriatique caresse délicieusement mon visage! Tes vents eux-mêmes portent dans mes veines l'impression du pays natal; ils les rafraîchissent, ils calment mon sang. Qu'il est différent, le vent brûlant des horribles Cyclades qui mugissaient en Candie autour de ma prison, et qui portaient dans mon cœur le désespoir!
En effet, vos joues reprennent leur coloris: puisse le ciel vous donner la force de supporter ce qui peut encore vous attendre! – Je frémis d'y penser.
Ils ne me banniront pas une seconde fois. – Non, non, ils peuvent briser mes membres, j'ai de la force.
Avouez, et la torture vous sera épargnée.
J'ai déjà avoué une fois-deux fois: et deux fois ils m'ont exilé!
Et la troisième fois ils vous tueront.
Eh bien! qu'ils me tuent, pourvu que je sois enseveli aux lieux où je suis né; mieux valent ici des cendres que l'existence ailleurs.
Pouvez-vous tant chérir la terre qui vous déteste?
La terre! – Oh! non, ce sont les enfans de la terre qui seuls me persécutent: mais le sol natal me pressera de nouveau comme une tendre mère dans ses bras: un tombeau vénitien, c'est là ce que je demande; ou du moins un cachot, tout ce qu'ils voudront enfin, pourvu que ce soit ici.
Emmenez le prisonnier!
Seigneur, vous entendez l'ordre.
J'y suis habitué; c'est la troisième fois qu'ils m'ont torturé. (Au garde.) Donnez-moi donc le bras.
Prenez le mien; il m'est recommandé de rester le plus près de votre personne.
Vous! – C'est vous qui dirigiez hier mes bourreaux. – Arrière! – Je marcherai seul.
Comme il vous plaira, seigneur; ce n'est pas moi qui signai la sentence, et je ne pouvais désobéir au conseil, quand ils-
Oui, quand ils t'ordonnaient de m'étendre sur leurs horribles chevalets. Ne me touche pas, je te prie, du moins pour le moment; le tems viendra qu'ils renouvelleront leurs ordres; mais jusque-là éloigne-toi de moi. A la vue de tes mains, mes membres frémissent et se glacent, en songeant aux nouveaux supplices qui m'attendent, et mon front se couvre tout à coup d'une sueur froide, comme si-mais loin de nous ces terreurs-j'ai déjà supporté la torture, – je la supporterai bien encore. – De quel œil mon père voit-il tout cela?
Avec son calme ordinaire.
Oui; la terre, le ciel, l'azur de l'océan, l'éclat de notre ville et de ses dômes, les jeux de la place Saint-Marc, et même le bourdonnement des nations, tout porte les indices de calme et de plaisir jusque dans ces salles où gouvernent des inconnus, où d'innombrables inconnus sont chaque jour jugés et immolés en silence. – Tout garde le même aspect, jusqu'à mon propre père! Et rien n'éprouve la moindre sympathie pour Foscari, pas même un Foscari. – (A l'officier.) Je vous suis.
Il est parti. – Nous avons trop tardé. – Pensez-vous que les Dix demeurent long-tems assemblés aujourd'hui?
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